En cette Fête de l’Archiconfrérie des saints Anges, nous nous rappelons ce que notre Fondateur, M. Boudon, disait de ce Prince céleste qu’est saint Gabriel, en sa Dévotion aux neuf chœurs des saints Anges (2nd traité, 4e pratique).
Saint Gabriel est aussi l'un des premiers séraphins ; et quand on l'appelle archange, comme l'on fait aussi saint Michel, il faut savoir que ce n'est pas que l'on entende qu'il soit simplement du huitième chœur des archanges ; mais ce nom d'archange est commun à ceux qui sont les plus considérables entre les princes du ciel, de même que l'est le nom d'ange à tous ces esprits bienheureux, de quelque ordre qu'ils soient, aussi bien aux séraphins qu'aux anges du neuvième et dernier chœur. C'est saint Gabriel qui a été choisi de Dieu pour traiter du mystère de l'Incarnation ; et ceux qui donnent à la reine du ciel un ange gardien estiment que ç'a été ce glorieux prince qui en a eu soin. Et même dans l'opinion de ces savants, qui pensent que la Mère de Dieu n'avait pas d'ange gardien, mais des troupes d'anges servants, c'est saint Gabriel qui était l'un des premiers de ces troupes bienheureuses à servir celle à qui un Dieu n'a pas fait de difficulté de s'assujettir.
Et voici ce que le vénérable Boudon dit de l'auguste Marie, que nous invoquons en ce Temps liturgique comme "Reine des Cieux et Souveraine des Anges" (Ave Regina coelorum, Ave Domina Angelorum), et qui dans quelques heures va concevoir en son sein le Verbe de Dieu.
1er traité, 11e motif : La gloire de la très sainte Vierge Ce n'est pas un motif peu puissant à un cœur qui aime comme il faut la très sainte Mère de Dieu, que la vue de sa gloire. Nous lisons en des auteurs irréprochables, qu'il s'est trouvé même des pécheurs, et des pécheurs bien criminels, qui dans leur état déplorable ne laissaient pas d'en être si touchés qu'ils protestaient qu'ils auraient bien voulu donner leur vie pour la gloire de cette reine des bontés et des douceurs du paradis ; et ces désirs ont été suivis de tant de bénédictions, qu'enfin ils ont obtenu par les soins de la mère de miséricorde une mort chrétienne, par une entière conversion et un changement notable de leur vie. Si des âmes rebelles aux ordres de Dieu sont capables d'être touchées de l'honneur de l'auguste Reine du ciel, à plus forte raison des âmes pures et innocentes, et qui, d'autre part, lui ont une dévotion spéciale, se laisseront aller facilement au zèle d'un honneur si saint, et qui mérite d'être rendu avec tant de justice à celle que nous ne pourrons jamais assez dignement honorer.
Les anges, selon le témoignage de sainte Brigitte, dès le commencement du monde, conçurent un zèle si pur des intérêts de cette reine du paradis, qu'ils eurent plus de joie de ce qu'elle devait être que de ce qu'ils avaient été créés. Combien de personnes dans la suite des temps, à l'imitation de ces bienheureux esprits et par leurs puissants secours, ont préféré les intérêts de la Mère de Dieu à leurs propres intérêts, son honneur à leur honneur, son être à leur être ? J'en ai connu qui voudraient avoir un million de vies pour les sacrifier à Dieu pour la gloire de cette incomparable Vierge ; qui seraient contents de rester jusqu'au jour du jugement dans les feux épouvantables du purgatoire, s'il y allait de la moindre chose de son honneur ; qui voudraient de tout leur cœur être un million de fois anéantis, si Dieu en était plus glorifié. En vérité, un bon cœur ne dit jamais : C'est assez, quand il s'agit de la très pure Vierge, pourvu que l'on demeure dans l'ordre de Dieu. Hélas ! On voudrait tout quitter, tout faire, tout souffrir pour son amour, et après tout l'on voit bien que ce serait encore bien peu pour celle qui a mérité d'être Mère d'un Dieu. Ces vérités m'ôtent tout lieu de douter que le motif de sa gloire ne soit pas l'un des plus puissants dont l'on se puisse servir pour établir plus fortement l'amour et la dévotion des saints anges. C'est ici, ô âmes qui avez de la dévotion pour la glorieuse Vierge, que je vous invite à celle des saints anges. Il y va de sa gloire : c'est tout vous dire, si vous l'aimez en vérité.
La divine Marie est la générale des armées de Dieu, et les anges en sont les troupes glorieuses ; ce sont donc les soldats de celle qui seule paraît terrible comme une armée tout entière rangée en bataille ; et ils ont fortement combattu pour sa gloire dès la création du monde, s'opposant à Lucifer et aux anges apostats qui n'ont pas voulu se soumettre à son empire, Dieu leur ayant révélé qu'elle devait être quelque jour leur souveraine. Elle est l'auguste et triomphante reine du paradis ; les anges sont les fidèles et généreux sujets qui l'ont honorée, comme nous venons de le dire, auparavant qu'elle fût, et qui tiennent à grande gloire d'être assujettis aux lois de son royaume. Elle est dame* des anges, et souvent elle est invoquée sous cette qualité de Notre-Dame des Anges** ; ils sont donc ses serviteurs, mais des serviteurs si zélés, qu'ils ne font qu'attendre la manifestation de ses volontés, pour les exécuter au moindre signe, avec une promptitude inénarrable. Elle est même leur amie ; c'est pourquoi dans les Cantiques (VIII, 13) le divin époux la prie de parler et de faire entendre sa voix, parce que, dit-il, les amis écoutent. Or, ces amis sont les saints anges. L'on peut dire de plus, qu'elle est leur mère en quelque manière, et c'est le sentiment de plusieurs graves théologiens.
Tous ces titres font assez voir qu'il y va de la gloire de cette reine, de cette générale, d'une si glorieuse et si puissante dame, que ses sujets, ses soldats, ses serviteurs soient considérés. L'amour qu'elle a pour eux, les traitant comme ses fidèles amis, et même comme ses enfants, demande par toutes sortes de raisons que nous aimions ce qu'elle aime, que nous ayons de profonds respects pour ceux qu'elle désire d'être honorés. Louons donc et bénissons les saints anges, parce que la très pure Vierge, l'auguste reine et dame des anges en est louée et bénie : mais louons et bénissons le Seigneur, qui a fait tout ce qu'il y a de grand et de louable, et en la dame des anges et dans les saints anges ; et c'est Dieu seul, Dieu seul, Dieu seul.
* Nous avons peine à comprendre aujourd'hui ce que signifiait vraiment cette expression, si chère à saint Bernard : il nous faudrait le bel esprit médiéval pour la bien entendre. La dame est l'épouse du seigneur, pour laquelle le chevalier est prêt à tout donner. Le latin rend bien cela : domina (dame) est bien le féminin de dominus (seigneur).
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