mercredi 4 mai 2011

Hommage au chef des Mystiques normands : Jean de Bernières (1602-1659)


Jean de Bernières, maître laïque de spiritualité
Le 3 mai est le jour anniversaire de la mort à Caen de Jean de Bernières (1602-1659), "maître" de M. Boudon et chef (laïque) de l'Ermitage de Caen, centre de retraite (voire "couvent laïque") fréquenté tant par S. Jean Eudes que par le bienheureux François de Laval. M. Boudon y passa trois mois, en 1653, donc juste avant de recevoir les différentes ordinations (1654 et 1655), et nous dit :
     « Je puis assurer avec sincérité qu’ayant eu la grâce d’y passer deux ou trois mois, je n’y ai jamais ouï d’autres entretiens durant tout ce temps-là que ceux de l’oraison. L’on n’y parlait d’autre chose, et durant le temps de la récréation, aussi bien qu’en tout autre temps : et en vérité, c’était la plus douce récréation de ce saint lieu ; et ce qui est de merveilleux, c’est que l’on ne s’ennuyait jamais. L’on y passait les jours, les mois et les années, en parlant toujours de la même chose, qui semblait toujours nouvelle ; et c’est qu’elle tendait uniquement à Dieu seul, le seul lieu de notre véritable repos. Les discours du monde, les nouvelles de la terre n’y avaient aucun accès : il n’y avait aucun exercice particulier de piété réglé, parce que l’oraison perpétuelle en faisait toute l’occupation. L’on s’y levait de grand matin, et durant toute la journée, c’était une application continuelle à Dieu ».

     Il mourut à genoux, le samedi 3 mai 1659, pendant son oraison, de mort subite, comme il l’avait demandé à Dieu du fait de sa frayeur devant cette séparation de l’âme et du corps. « Il avait assisté aux offices, dans la chapelle des Croisiers, où l’on célébrait la fête de l’Invention de la Sainte-Croix. Rentré à l’Ermitage, le soir venu, il se mit à dire ses prières. Son valet de chambre vint l’avertir qu’il était temps pour lui de se mettre au lit. Jean lui demanda un peu de répit, et continua de prier. Peu après, le valet entendit un bruit sourd et rentra : Bernières venait de tomber de son prie-Dieu, mort » (Souriau).
     Cette mort avait été prédite 3 ans auparavant par Marie des Vallées, la "sainte" de S. Jean Eudes.

     L'abbé Boudon témoigne :
     « Parmi toutes les difficultés qu’on lui faisait, il me dit un jour : ‘Ma belle-sœur fait de son mieux pour empêcher que je ne sois pauvre : elle me fait parler pour ce sujet par de bons religieux ; mais enfin, il n’est pas en mon pouvoir d’être plus longtemps riche. Je ne saurais plus supporter les biens temporels, et si ma famille ne veut pas prendre ceux que je possède, je les vendrai pour les donner à ceux qui se présenteront : il n’y a plus moyen de n’être pas pauvre' ».

     Boudon, qui lui servit de confesseur, se dépeint presque lui-même en disant de son ami :
     « Il avait une conscience si pure qu’il m’a témoigné un jour qu’il souffrait de ce qu’étant allé en pèlerinage à un lieu consacré à Dieu en l’honneur de Son immaculée Mère, sous le titre de Notre-Dame de Délivrance, dans la compagnie de plusieurs saintes personnes, il en avait reçu une joie sensible dans les entretiens de ces personnes d’élite d’une rare vertu, et il craignait que la nature eût pris quelque part ; c’était la matière qu’il avait pour se confesser, comme il me l’avoua bonnement ».
     « La désolation d’une province […] lui serait quelque chose de moins insupportable qu’une seule action indifférente, supposé qu’il y en ait […] et qu’il n’y aurait pas de péché », puisque « dans le Chrétien, tout doit être surnaturel et divin dans ses opérations ; c’est l’Esprit de Jésus-Christ qui l’anime, qui le gouverne, qui agit par lui ».

     Âme inspirée, Boudon relate cette anecdocte : devant un jour quitter l’Ermitage sans le sou, mais confiant en la Providence, et alors que Jean faisait oraison à une trentaine de lieues de là, « Dieu tout bon voulut faire connaître [mon] besoin au saint homme, et Il lui en donna lumière tout à coup dans son oraison » ; Jean fit aussitôt envoyer cent francs à son ami.

     Boudon dit enfin de cet homme mort en odeur de sainteté : « Je crois devoir dire que les personnes qui ont cru avoir été secourues miraculeusement sont des personnes du monde, de qualité, de bon esprit, et qui ne donnent pas légèrement créance aux choses extraordinaires, étant retenues en ces rencontres ».

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