dimanche 29 janvier 2012

Anniversaire de la béatification de saint François de Sales


       Conformément au décret d’Urbain VIII[1],  selon lequel aucun Serviteur de Dieu ne pouvait bénéficier d’un culte tant que le Saint-Siège ne s’était pas prononcé solennellement, en attendant cinquante ans entre le décès et l’introduction d’une cause en béatification, la cause de M. de Genève avait dû attendre ce délai, qui prenait fin en 1662 exactement. Néanmoins, le Clergé de France n’avait pas attendu pour demander l’exaltation de l’évêque savoyard, puisque l’assemblée du Clergé de France écrivit au pape, le 19 août 1625 (trois ans après la mort de l’intéressé) : 
« Accordez donc, Très-Saint-Père, aux prières de notre assemblée et aux vœux unanimes de tous les peuples, l'effet de nos demandes, et puisque Votre juridiction s'étend jusqu'au ciel, ne tardez pas à déclarer la béatification de notre très-cher et très-respectable confrère, afin que ce qui n'a été jusqu'ici l'objet que d'une opinion humaine, mais universelle, et qui paraît bien fondée, acquière par Votre décret le degré de certitude nécessaire pour autoriser notre culte et pour affermir notre confiance »[2].

            À peine nommé sur le siège d’Évreux, Maupas fut envoyé par le Roi à Rome pour presser le procès de Mgr François de Sales. Il reçut les consignes du roi à Fontainebleau en septembre 1661[3], et arriva à la Ville éternelle début décembre, accompagné par Mgr Simon Legras, évêque de Soissons[4].

            Le décret de béatification fut signé le 28 décembre 1661, son dies natalis, trente-neuf ans auparavant, et le 8 janvier 1662 avait enfin lieu la béatification tant attendue de Mgr de Sales. « Le Pape voulut que Maupas, en qualité de député du clergé de France, célébrât pontificalement la Messe en cette solennité »[5], sur l’autel-même de la Confession de la basilique Saint-Pierre, grâce insigne rarement accordée, cet autel étant réservé au Souverain Pontife. Il s’agissait de la première béatification de l’histoire de l’Église[6].

            Le 2 janvier fut publiée par le vicaire général du Pape l’indulgence plénière pour les assistants de la Messe de béatification du dimanche suivant. En présence des cardinaux, des consulteurs de la Sacrée Congrégation des Rites, de l’archiprêtre, des chanoines et des clercs de la basilique Saint-Pierre, le solliciteur de la cause remit au préfet de ladite congrégation le bref apostolique de béatification, puis l’archiprêtre en fit lecture publique. Mgr de Maupas entonna ensuite le Te Deum d’action de grâces, tandis que toutes les images – sur l’autel comme dans l’église – du Saint étaient alors découvertes. Notre évêque chanta alors pour la première fois l’oraison en l’honneur du bienheureux François, puis célébra la Messe pontificale. Le pape Alexandre VII se rendit quant à lui dans la basilique après les Vêpres, afin de vénérer l’image du bienheureux. Le dimanche 29 janvier 1662, la même Messe fut célébrée, au jour propre de la fête, en les églises romaines de Saint-Louis-des-Français et du Saint-Linceul, en lesquelles une chapelle lui avait été érigée, puis à la fin de l’octave en l’église de la Trinité des Monts (du Mont Pincius)[7]. Le 29[8], la Visitation d’Annecy célébra également la Messe du Bienheureux, « trois mois avant qu’on y célébrât la fête de la béatification »[9], c’est-à-dire l’office liturgique propre

            L’évêque d’Évreux put annoncer l’heureuse nouvelle de l’honneur à lui échu, à ses confrères d’Outre-Monts, qui lui répondirent de hâter la canonisation. Celle-ci toutefois ne fut pas aussi rapide que prévu. Il fallait bien sûr l’intervention de nouveaux miracles[10], la sollicitation d’une commission apostolique de reprise de la cause grâce aux attestations épiscopales d’extension de la renommée de sainteté[11], voire des lettres royales et princières demandant la canonisation. Les nouveaux miracles seraient étudiés par les trois congrégations : l’antépréparatoire, la préparatoire et la générale, à laquelle une nouvelle étudierait l’opportunité et la sûreté d’une canonisation. Cette dernière, qui approuva aussi trois miracles[12], se tint en présence du Souverain Pontife le 14 février[13], soit sept semaines seulement après le décret de béatification, donc très rapidement. Alexandre VII approuva un peu plus tard la canonisation[14] et assembla trois consistoires[15].

            M. d’Évreux devait encore avoir le 1er mars 1662 l’honneur de consacrer vingt-sept autels de la basilique de Saint-Jean de Latran, la cathédrale de Rome ; et quatre jours plus tard, le Souverain Pontife le faisait célébrer en sa présence la Messe au Quirinal, et le nommait prélat assistant au trône pontifical[16].

            En février, le P. de Chaugy avait annoncé à sa sœur la reconnaissance des miracles, et lui demandait de régler les taxes d’usage pour les bulles. La Mère de Chaugy (du 1er monastère de la Visitation de Lyon) envoya l’argent, demandant un bref interdisant sous peine d’excommunication de retrancher quelque nouvelle relique du corps. Le pape le remit au brave Père[17], le 14 juillet 1662. Sur la demande expresse du Souverain Pontife, la Mère lui envoya néanmoins « la faucille du bras droit et les os du pouce de la main droite ». Ce fut M. de Maupas qui lui présenta les reliques en une boîte de satin cramoisi, accompagnées d’une lettre. « Le Saint-Père reçut ce présent avec une vénération inexprimable »[18].

Saint François de Sales recevant 
de SS Clément VIII la bulle de confirmation 
de son  élévation à l'épiscopat.
            Le lundi 21 août, jour anniversaire de la mort de l’évêque de Genève, Alexandre VII tint un consistoire secret. « Le cardinal Sacchetti fit un discours sur les vertus et les miracles du bienheureux François de Sales, après lequel le Saint-Père dit aux cardinaux : Êtes-vous d’avis qu’on procède à la canonisation de ce bienheureux ? Tous témoignèrent leur assentiment : Placet »[19]. Le jeudi 14 septembre, dans un consistoire public cette fois, l’avocat Prosper Bottini prononça en italien le panégyrique de M. de Genève, abrégé de sa vie, qui fit l’unanimité. Au nom du pape, son secrétaire, Mgr Nerli, archevêque de Florence, invita l’assemblée à se mettre en prière, et le cardinal-vicaire de Rome publia une indulgence plénière pour le jeûne des 21, 22 et 23 septembre en vue d’éclairer le Souverain Pontife. Le 2 octobre, lors d’un consistoire, tous les cardinaux et évêques donnaient leurs suffrages à la canonisation. À celui, semi-public, du lundi 11 octobre, tous les réitéraient. MM. du Puy et de Soissons, rappelés peu auparavant par leur roi, firent lire leur sentiment laissé par écrit. « J’y remarque dans celui de Henri de Maupas, note l’auteur de l’Histoire de la canonisation de S. François de Sales, qu’il s’y qualifie d’envoyé du roi très-chrétien, de député de tout le clergé de France et procureur général des religieuses de la Visitation. J’y remarque encore qu’il y compte plus de cent-vingt monastères de cet Ordre ». À partir de là, tout fut bloqué jusqu’en 1664. « Le P. de Chaugy, dans sa circulaire aux religieuses de la Visitation, d’août 1663, dit que la cause de ce délai fut le différend survenu entre le Pape et le roi de France »[20]. Selon l’abbé de Baudry, Rome attendait également d’être pressée par les princes.

            Biographe du prince-évêque de Genève[21], il l’était également de sa compagne sainte Chantal[22] : « Henri de Maupas a publié, étant évêque du Puy, la Vie de vénérable Mère Jeanne-Françoise Fremiot, fondatrice, première Mère et religieuse de l'Ordre de la Visitation de Sainte-Marie, qu'il dédia à la reine régente dont il était le premier aumônier ». Quant à l'autel de S. François de Sales, qu’il fonderait en sa nouvelle cathédrale, il « faisait face à la porte de la grande sacristie »[23]. Le prélat rapporta de Rome comme relique « une chasuble en satin vert et une mule de saint François de Sales. Il en fit don au Séminaire où la chasuble ne servait qu’à la fête de l’évêque de Genève »[24].



[1] Cf. Bref Cœlestis Jerusalem, du 5 juillet 1634.                
[2] In Baudry : op. cit., col. 1115. Le clergé de France réitéra ses demandes à Innocent X, le 11 août 1650, à Alexandre VII, les 12 janvier 1656, 2 septembre 1660 et 15 juin 1661.
[3] Abbé de Baudry : Notice bibliographique, historique et critique des auteurs qui ont écrit sur la vie de S. François de Sales, in Migne : Œuvres complètes de S. François de Sales ; Migne, Paris, 1861, vol. I, art. 19, col. 1191.
[4] Procès verbaux du Clergé ; t. IV, p. 4056.
[5] Baudry : op. cit., col. 1192.
[6] Cf. Benoît XIV : De canonizationibus ; I, 24, 3.
[7] Dans la première, M. de Soissons officia, tandis que son confrère ébroïcien faisait en français le panégyrique du Saint. Dans la seconde, M. de Belley célébra la Messe pontificale, et un Barnabite prêcha, en italien cette fois. Dans la troisième enfin, ce fut M. d’Évreux qui se chargea et de la Messe, et de la prédication, en français toujours... Cf. Baudry : Histoire de la canonisation de S. François de Sales, in Migne : op. cit., col. 1087-1088. 
[8] Ce même jour eut lieu à Rome une assemblée générale de la Congrégation des Rites pour fixer au 14 février l’authentification des 3 miracles : ceux de Jean-Claude Ricard (né avec 2 langues, et dont l’une disparut au contact d’une relique), de la guérison (de 22 maladies mortelles dont une paralysie universelle depuis 4 ans), par une goutte de sang de François, de Sr Marie-Judith Gilbert (Visitandine d’Annecy), et de la préservation de François Lachenal (meunier ayant dévalé les roches d’une falaise et tombé dans une rivière sain et sauf).
[9] Cf. Baudry : op. cit., col. 1102.
[10] Cf. Benoît XIV : op. cit., I, 25, 1 : « Ut pro obtinenda canonizatione, nova per indulta beatificationem miracula superveniant ».
[11] Cf. Benoît XIV : op. cit., I, 26, 1.
[12] Baudry remarque que ces 3 miracles-ci sont nécessairement antérieurs à la béatification ; op. cit., col. 1099-1100. Il s’agissait pour la Curie de la première application des nouvelles normes, d’où le flou.
[13] Baudry : op. cit., col. 1099.
[14] Cf. Benoît XIV : op. cit., I, 26, 7.
[15] Cf. Benoît XIV : op. cit., I, 34, 3-4 : un secret – où sont traités plusieurs cas de canonisations, pour limiter les frais des postulateurs (Idem : op. cit., VII, 13, 16) –, un public – ouvert aux évêques, consulteurs, officiers des Rites, protonotaires, avocats, gouverneur de Rome, et même aux ambassadeurs catholiques et députés des villes pontificales (Idem : op. cit., I, 34, 5), et où un avocat fait la harangue du Bienheureux (au maximum de deux), le cardinal secrétaire des brefs appelant à invoquer publiquement le Saint-Esprit (Idem : op. cit., I, 9sq) et chaque évêque présent à Rome recevant une vie et le récit des précédentes démarches – puis un semi-public – un par Bienheureux, devant les cardinaux, évêques et protonotaires apostoliques, les deux doyens de Rote, le secrétaire des Rites et le promoteur de la foi. Seuls les deux premiers donnent leur avis (motivé) par écrit au secrétaire des Rites, puis le pape le clôt en fixant la date de la canonisation.
[16] Cf. Fisquet : op. cit., p. 70.
[17] Qui avait ses entrées chez le pape. Cf. Baudry : op. cit., col. 1104.
[18] Cf. Baudry : op. cit., col. 1105.
[19] Baudry : op. cit., col. 1105.
[20] Baudry : op. cit., col. 1106.
[21] Cf. Mgr de Maupas : Vie du vénérable serviteur de Dieu François de Sales, évêque et prince de Genève, fondateur des religieuses de la Visitation Sainte-Marie ; Paris, 1657.
[22] Cf. Maupas : Vie de la vénérable Mère Jeanne-Françoise Frémyot, fondatrice, première Mère et religieuse de la Visitation Sainte-Marie ; Paris, 1644. Sera aussi publié, à Rouen cette fois, en 1696, un Abrégé de l’esprit intérieur des religieuses de la Visitation Sainte-Marie.
[23] Chassant : op. cit., p. 164.
[24] Bonnenfant : op. cit., p. 175.

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