Vitrail. Saint Thomas écrivant la Somme Théologique. |
Pour cela, le Docteur Angélique, saint Thomas
d’Aquin, illustre dominicain, le plus grand théologien de tous les temps,
consacré comme le Docteur Commun par le dernier Concile, va nous aider quelque
peu.
Somme
Théologique, Ia pars, Question 63 :
Le mal des Anges quant à la faute
Article 1 : Le mal de faute peut-il exister chez
l’Ange ?
Nous lisons dans Job (Jb 4,18) cette parole : « Dieu découvre du mal dans ses anges. »
Réponse : L'ange, aussi bien
qu'une créature rationnelle quelconque, si on le considère dans sa seule
nature, peut pécher ; et, s'il
arrive qu'une créature ne puisse pécher, cela lui vient du don de la grâce et
non de la condition de sa nature.
La raison en est que le péché n'est pas autre chose qu'une
déviation par rapport à la rectitude de l'acte qu'on doit accomplir.
(…) Or la volonté divine seule
est la règle de sa propre action, car elle n'est pas ordonnée à une fin
supérieure. La volonté de la créature,
au contraire, ne parvient à la rectitude de son acte qu'en se réglant sur la
volonté divine à laquelle ressortit la fin dernière. Ainsi, le vouloir d'un
inférieur doit-il se régler sur le vouloir du supérieur, le vouloir du soldat
sur celui de son chef. Dans la seule volonté divine, par conséquent, il ne peut
y avoir de péché. En retour, le péché peut exister dans n'importe quelle
volonté créée, à ne considérer que sa condition naturelle.
Article 2 : Quelles sortes de péché peut-il y avoir
chez l’Ange ?
S. Augustin écrit que « le démon n'est ni fornicateur, ni ivrogne, ni rien de semblable ;
il est cependant orgueilleux et envieux
».
Velasquez, XVIIe. Saint Thomas soutenu par un bon Ange. |
Mais, par voie de conséquence, il
a pu y avoir chez lui un péché d'envie.
Le même motif, en effet, qui porte l'affectivité
à désirer quelque chose, lui fait aussi repousser tout ce qui s'y oppose.
Or l'envieux se désole du bien d'autrui
parce qu'il y voit un obstacle à son propre bien ; c'est ce qui arrive
à l'ange mauvais qui, désirant une excellence singulière, voit cette
singularité lui échapper du fait de l'excellence d'un autre. C'est pourquoi, après son péché d'orgueil, l'ange éprouve
le péché d'envie, parce qu'il se désole du bien de l'homme ; il en veut
même à l'excellence divine, car Dieu utilise ce bien à sa gloire et contrarie
ainsi la volonté du diable.
Article 3 : A cause de quel désir l’Ange a-t-il
péché ?
Isaïe (Is 14,13-14) fait dire au diable : « Je monterai au ciel, et je serai semblable
au Très-Haut. » Et S. Augustin écrit que dans son orgueil, le diable « voulut être appelé Dieu ».
Gargouille. Carcassonne |
(...) Quant à désirer être comme Dieu par similitude, cela peut se produire de deux façons.
Premièrement, quand un être désire avec Dieu la
similitude à laquelle l'ordonne sa nature. En ce sens, il ne pèche pas, à
condition toutefois que ce désir soit dans l'ordre, c'est-à-dire l'incline à
recevoir de Dieu cette similitude. Il y
aurait péché au contraire à considérer comme un droit d'être semblable à Dieu
comme si cela dépendait de ses propres forces et non de la Toute-puissance
divine.
A un second point de vue, on peut désirer acquérir
avec Dieu une ressemblance qui ne nous est pas naturelle, c'est le cas de celui
qui voudrait être capable de créer le ciel et la terre, pouvoir qui est propre
à Dieu. Un tel désir serait un péché. Et c'est
en ce sens que le diable a désiré être comme Dieu ; non pas qu'il ait
prétendu n'être, comme Dieu, soumis à qui que ce soit, car en ce cas il eût
désiré ne pas être, puisqu'aucune créature ne peut être que soumise à Dieu et
participant de lui l'existence. Mais l'ange a désiré ressembler à Dieu en
désirant comme fin ultime de sa béatitude ce à quoi il pourrait parvenir par
ses forces naturelles, et en détournant son désir de la béatitude surnaturelle
qu'il ne pouvait recevoir que de la grâce de Dieu.
Ou bien, s'il a désiré comme fin ultime cette
ressemblance avec Dieu que donne la grâce, il
a voulu l'avoir par les forces de sa nature, et non la tenir de l'intervention
de Dieu et selon les dispositions prises par lui. Et cette opinion est
conforme à la manière de voir de S. Anselme pour qui l'ange a désiré ce à quoi
il fût parvenu s'il était resté droit. D'ailleurs, les deux opinions reviennent
au même ; car dans les deux cas l'ange
a désiré posséder sa béatitude dernière par ses propres forces, ce qui
n'appartient qu'à Dieu.
Enfin, étant donné que ce qui est par soi est
principe et cause de ce qui est dérivé, il suit de là que l'ange a désiré également une certaine principauté sur les créatures,
en quoi il a voulu d'une façon perverse s'assimiler à Dieu. Par ce que nous
venons de dire, nous avons répondu à toutes les objections.
Article 8 : Le péché du premier Ange a-t-il causé le
péché des autres ?
Il est dit dans l'Apocalypse que le dragon a
entraîné avec lui « le tiers des étoiles du ciel ».
Réponse : Le péché du premier ange fut cause du péché
des autres, non par mode de coaction, mais par une sorte de suggestion persuasive.
Le signe en est que tous les
démons sont soumis au démon suprême, comme le montre manifestement le Seigneur
quand il dit (Mt 25,41) : « Allez,
maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges. »
Cela relève de la justice divine en effet, que celui qui a consenti aux suggestions de quelqu'un dans la faute, soit
soumis à sa puissance dans le châtiment, selon cette parole de l'Écriture (2P
2,19) : « On est esclave de celui par qui on s'est laissé vaincre. »
Chute des Anges. Très riches Heures du Duc de Berry. Enluminures. |
Il est dit dans l'Écriture (2R 6,16) : «
Ceux
qui sont avec nous sont plus nombreux que ceux qui sont avec eux »,
parole que l'on applique aux bons anges qui nous portent secours, et aux
mauvais qui nous sont contraires.
Réponse : Il y eut plus d'anges fidèles que de
pécheurs. Car le péché va à l'encontre de l'inclination naturelle de la
créature ; or, ce qui est contre la nature ne se produit
qu'accidentellement dans un petit nombre de cas. La nature, en effet, obtient son résultat soit toujours, soit le plus
souvent.
Ière Epître de S. Pierre, chap.5, vv.7-9
Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, puisque le Seigneur s'occupe de vous.
Soyez sobres, soyez vigilants : votre adversaire, le démon, comme un lion qui rugit, va et vient, à la recherche de sa proie.
Résistez-lui avec la force de la foi, car vous savez que tous vos frères, de par le monde, sont en butte aux mêmes souffrances.