Nous nous apprêtons à
célébrer la solennité du Corps et du
Sang eucharistiques du Seigneur, nous célébrons notre fête patronale. La Fête-Dieu, ou Corpus Domini, est une grande fête pour toute l’Eglise et nous
allons nous mettre à la suite du Seigneur si nous processionnons.
Par
le Baptême, nous avons reçu la filiation divine et la sainteté de la
Trinité Sainte.
Par
la Confirmation, l’Esprit Saint vient nous enrichir de ses 7
dons sacrés pour faire de nous des testes
et miles Christi, des témoins et des soldats du Christ pour conquérir le
monde, non pas force, mais par la douceur et la vérité de notre Seigneur,
enseignées par les saints Evangiles.
Par
les dons sacrés du Corps et du Sang du Christ dans le Saint Sacrement, le
Christ vient habiter en nous pour nous changer en Lui.
Mettons-nous à l’écoute
du vénérable Henri Marie Boudon. Nous sommes parfois coupables de grandes négligences vis-à-vis de la bonté du Seigneur
qui vient à nous dans la divine
Eucharistie.
« L’Amour de Jésus-Christ au Très Saint Sacrement de
l’Autel », par M. l’abbé Henri Marie Boudon, 12e
motif, Jésus souffre tout au Très Saint-Sacrement
Icône du Christ - Eucharistique. Les inscriptions en grec en haut de l'icône signifient "Le Pain de la Vie". |
Caritas omnia suffert (I Cor.
13 : « La Charité endure tout »).
Allons,
mon âme, nous perdant de plus en plus dans l'abîme des amours immenses de notre
Dieu. Aimables Séraphins, servez-nous de
guides favorables à la clarté de ces feux sacrés qui vous consument si
saintement. Esprits très-aimants, soutenez-nous dans des voies amoureuses, par
l'ardeur des divines flammes qui vous brûlent si délicieusement. Ouvrez nos
yeux pour contempler ce spectacle si étonnant, et dont les mondains sont si peu étonnés. Purifiez nos cœurs, afin de les rendre susceptibles des impressions les plus
vives de l'amour qui y éclate si miraculeusement.
Animez nos courages à ne prendre plus que des desseins
relevés, à n'avoir plus que des résolutions, mais les plus généreuses que
l'amour puisse inspirer ; car voici
que le grand Roi Jésus, devant qui tout l'univers n'est pas un point, s'est
tellement laissé aller à l'amour des hommes au très saint Sacrement, que
non content d'y quitter tout, et d'y faire partout un prodige qui n'a jamais eu
de pareil, il y souffre tout, il y endure tout, lui qui est impassible, qui
habite au milieu d'une gloire infinie, qui est le sujet des adorations et des
respects des puissances des Cieux. Il y souffre des infidèles blasphémant ce
qu'ils ignorent, des hérétiques qui nient sa présence. Etrange injure au cœur
le plus aimant de tous les cœurs, en ce que non seulement on ne reconnaît pas
son amour, mais encore on le nie, qui est la chose du monde la plus sensible à
une personne qui aime beaucoup.
Mais
qui pourra nous dire ce qu'il y endure des catholiques, de ceux qui le
reconnaissent en la divine Eucharistie, par leurs offenses et leurs
ingratitudes ? Car si nous entrons dans
nos églises, elles sont des solitudes, des lieux abandonnés ; ou si l'on y
remarque des troupes de monde, ce n'est que pour y découvrir davantage
l'ingratitude extrême des cœurs. Car combien d'insolences se commettent,
combien d'irrévérences, combien d'immodesties par les
discours que l'on y tient, par les gestes et les actions que l'on y fait, par
des postures peu séantes, par des nudités exécrables, que l'on porte jusqu'aux
pieds de nos sanctuaires.
Mais si
l'on pouvait pénétrer dans le fond des âmes, qui est très connu à celui à qui
rien ne peut être caché, que l'on verrait de choses monstrueuses et diaboliques
! Combien d'esprits dont le corps est à l'église, qui errent de tous côtés par
des distractions volontaires ! Combien de bouches qui mentent impudemment au
Seigneur, qui lui offrent des prières, qui disent qu'elles le veulent servir,
pendant que leurs cœurs ne respirent que l'amour du monde, l'ennemi juré de
Jésus, pendant que leurs imaginations ne sont remplies que de pensées sales et vilaines
en présence du Roi des vierges et de l'ami très fidèle de la pureté ; de
desseins de vengeance, de sentiments de haine et d'aversion, devant celui qui
est le Dieu d'amour, et qui veut que nous nous aimions comme il nous a
aimés ; de mouvements de superbe et de vanité, pendant que le Dieu de
toute gloire est dans des états infiniment humiliants !
Ce
n'est pas tout, les souffrances que l'amour fait porter à notre Souverain, ne
s'arrêtent pas là. Ici, mon cœur, il faut que tu éclates de douleur et d'amour,
ou bien il faut dire que tu seras bien dur. Plusieurs, par un attentat qui doit faire trembler les colonnes des
Cieux, prennent le corps du Dieu du Ciel et de la terre en état de péché
mortel, soit parce qu'ils ont des péchés, dont ils n'ont
pas une véritable douleur, soit parce que leur résolution pour l'avenir n'est
pas assez forte ; car elle doit être telle qu'on soit plutôt prêt à perdre
tout, le président sa charge, le marchand sa boutique, l'homme riche son bien,
une dame sa beauté, enfin tout ce que nous avons de plus cher, que de commettre
jamais un péché mortel, soit par l'impureté, soit par la haine, soit par
l'injustice, que de se trouver dans une occasion prochaine du péché.
O Dieu,
que ces résolutions sont rares dans le siècle ! Et il n'est pas aisé de les
voir, comme plusieurs le pensent, se trompant faussement : et tous ces gens logent Jésus-Christ avec le
diable. Quel crime ! quel attentat !
Nous
lisons, hélas ! et notre siècle a vu des outrages abominables faits en la
personne du Roi Jésus au très saint Sacrement. Ce corps adorable, qui fait les délices des bienheureux, après la
vision de Dieu, a été donné aux chiens, a été foulé aux pieds, a été frappé à
coups de couteau sur les saintes espèces, a été jeté à la voirie. Ces choses
nous font peur, et avec grand sujet : mais le pécheur qui le reçoit en péché
mortel, en un cœur qui est la demeure du diable, et ainsi qui le loge avec le
démon, et (ce qui est épouvantable) en un lieu où le démon est le seigneur, que
sera-t-il à la vue d'une vérité si terrible ? Hélas ! où en sommes-nous ?
Les Juifs, qui ne connaissaient pas le Dieu de gloire, l'ont crucifié ; ils
l'on fait sans le connaître ; car s'ils l'eussent connu, dit saint Augustin
jamais ils ne l'eussent crucifié. Cependant nous pleurons sur sa passion, nous
crions contre ses juges, nous sommes animés contre ses bourreaux, et nous ne
nous apercevons pas, disent les saints Pères, que nous commettons les mêmes
crimes, avec cette différence, que leur péché a été commis avec ignorance, et le
nôtre avec connaissance et une dernière impiété.
Je vous
appelle donc, ô âme catholique, non pas pour méditer la passion du Fils de
Dieu, qu'il a endurée il y a tant de siècles, et en la seule Judée ; mais celle
qu'il souffre à présent en tous les lieux du monde par les mauvais catholiques,
et peut-être par vous, qui lisez ces choses. Ne passez pas outre, sans vous
examiner sur un cas si pitoyable. N'êtes-vous point coupable de ces infidélités que nous venons de remarquer ? Relisez-les
encore, examinez-vous sur tous les désordres que vous y pouvez voir, soit par
les irrévérences qui se pratiquent en nos Eglises, soit par ce qui se passe en
votre intérieur, soit par les mauvaises communions qu'on fait.
N'êtes-vous
point du nombre de ces misérables, ou bien n'en avez-vous pas été ? Si vous en
êtes, apprenez de saint Jean Chrysostome et des autres Pères, que vous êtes pire que Judas, que Pilate, que
les Juifs qui ont crucifié le Fils de Dieu. O l'horreur des horreurs ! Ô crime
plus propre de l'enfer que des hommes ! Mais, je vous demande, y avez-vous
jamais bien pensé ? Savez-vous bien que vous étiez un autre Judas, et cent fois
pire que Judas ? Mais à
présent que vous dit le cœur ? Est-ce fait du péché ? Dit-il un éternel adieu
aux vanités, aux impuretés et aux inimitiés qui règnent dans le siècle ? Quelle
résolution prenez-vous ? Ne vous suffit-il pas d'avoir été coupable de la mort
d'un Dieu ? N'êtes-vous point satisfait des peines que vous lui avez fait
souffrir ? Voudriez-vous bien encore ajouter des peines à ses peines, des
douleurs à ses douleurs, des croix à ses croix ? Ne vous y trompez pas ;
c'est ce que vous ferez, si vous ne donnez ordre à votre conscience.
Mais si
vous y avez apporté le remède, pensez un peu au passé, songez combien de fois
vous avez crucifié le Fils de Dieu ; car c'est une vérité qui nous est
enseignée par le Saint-Esprit : Rursùs crucifigentes. Et puis donnez congé à vos larmes ; qu'elles coulent le reste de vos jours, comme les
eaux d'une source intarissable : gémissez, soupirez, criez dans l'excès de
votre, douleur : parlez-en aux anges,
parlez-en aux hommes, regrettez tous les moments qui vous restent de votre vie,
l'excès de vos crimes, et détestez les avec horreur.
Enfin, souvenez-vous que Jésus souffre tout au
très saint Sacrement, puisqu'il permet aux méchants prêtres magiciens de le
porter au sabbat, où toute la troupe infernale danse souvent sur une multitude
d'Hosties consacrées qui y sont en très grand nombre, et dont quelquefois il en
sort un sang miraculeux qui baigne les pieds de ces abominables ; mais en même
temps souvenez-vous que c'est pour vous qu'est réduit en un état si extrême. Hélas ! je demande à votre cœur ce qu'il veut donner à un tel
amour, ce qu'il veut souffrir pour lui. Y a-t-il injure après cela qu'il
n'endure pauvreté, affliction, peine intérieure ou extérieure ? Ne
souffrira-t-il pas de toute sorte de personnes, de ses ennemis, de ses
amis, de ses proches, de ceux qui ne lui sont rien, de ses supérieurs, de ses
inférieurs, de ceux qu'il a obligés, aussi-bien que de ceux qui n'ont reçu
aucune faveur de lui ?
Pourra-t-on
bien mettre quelque exception, après avoir considéré un Dieu dans de telles
souffrances ? Pensez encore ici à la chose qui vous fait plus de peine, à cet
affront que vous avez reçu, à la perte que vous avez faite, à l'injustice que
l'on a commise en votre endroit, à cette inclination qui vous tourmente
davantage, à la voix intérieure où vous souffrez le plus : c'est ce qui vous
peine davantage, que vous devez accepter plus volontiers, pour avoir lieu de montrer votre amour à celui que l'amour a
tant fait souffrir pour vous.
Les
Saints dans ces vues sont devenus insatiables de la croix ; et il est vrai que
plus les âmes sont pures, plus le Fils de Dieu les fait souffrir. Les membres
les plus étroitement unis à ce chef, ayant plus grande sympathie avec lui, ont
le plus de part à ses souffrances.