Armoiries de S.Exc.R. Mgr. Raymond Centène, Évêque de Vannes |
Extraits de l’homélie Son Excellence Mgr
Raymond Centène, Evêque de Vannes, au cours des Ordinations diaconales &
presbytérales, prononcée en sa Cathédrale le Dimanche
23 juin 2013
« Un
jour, Jésus priait à l’écart. »
L’évangéliste
ne donne pas davantage de précisions et ne nous dit pas de quel jour il s’agit,
tant il est vrai que la prière était une
activité habituelle et permanente de Jésus. En effet, comme aimait à le
répéter le pape Benoît XVI, « personne
n’a été, plus que Jésus, en permanence en état d’adoration devant le Père car
la vision de Dieu demeurait en son âme au milieu de toutes ses activités
humaines. »
Pourtant il
profitait de toutes les occasions pour se plonger dans le silence et dans la
solitude d’une prière pure. A tous les moments importants de sa vie Luc note
que Jésus priait :
- Lors de son
baptême il priait (3,21),
- Lorsqu’il
était assailli par la foule qui demandait des guérisons, il priait (5,16),
- Avant
d’enseigner le Notre Père, il priait (11,1),
- Avant de
choisir les Apôtres, il passa une nuit en prière (6,12).
Si bien que
nous pouvons dire que la vocation des
Apôtres est née de la prière de Jésus. « La vocations des disciples nait
du dialogue de Jésus avec le Père »
Votre
vocation n’est pas le fruit du hasard. Elle
est née de la prière de Jésus, prière dans laquelle vous avez été désignés
chacun par votre nom. La vocation de chacun des prêtres qui sont ici est
née de la prière de Jésus. La vocation
baptismale de chaque chrétien présent ce soir dans cette Cathédrale est née de
la prière de Jésus. Et cela nous dit l’importance
de la place et du rôle de la prière dans la vie chrétienne en général et dans
la vie du prêtre en particulier.
La prière
n’est rien de moins que la matrice originelle à laquelle il nous faut sans
cesse et sans cesse revenir pour renaître : « à moins de naître d'en haut,
nul ne peut voir le Royaume de Dieu »
Le Sacrement de l'Ordre, vitrail. |
Aujourd’hui il est devenu difficile de prier,
même pour les prêtres. Nous vivons dans une hyperactivité incessante. Les prêtres n’y échappent pas car ils
sont sollicités par des devoirs pastoraux urgents et tellement nombreux qu’ils
ne peuvent pas faire face à tous. Mais ces devoirs pastoraux eux-mêmes n’ont de
sens que parce qu’ils relèvent d’une mission et cette mission, si elle veut
prendre sens et échapper à un activisme
stérile, doit toujours et toujours s’enraciner et se revigorer par le
contact personnel avec Celui qui a envoyé en mission.
Si nous étions envoyés en mission au nom d’une idée, il suffirait de réfléchir ;
Si nous étions envoyés en mission au nom d’une doctrine, il suffirait d’étudier ; Si nous étions en envoyés
en mission au nom d’une idéologie,
il ne faudrait ni réfléchir, ni étudier mais seulement agir.
Mais nous
sommes envoyés en mission au nom d’une personne et il nous faut la connaître : Non
pas comme le monde la connaît, lui qui « ne l’a pas reconnu ». Non pas
comme les sondages la décrivent – « Pour la foule, qui suis-je ? ».
L’appartenance au Christ ne relève pas de la sociologie mais de la fréquentation assidue, de la
contemplation, de l’amour : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous
ai aimés […] Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » « Comme je demeure dans le Père, vous aussi
demeurez en moi. » C’est la seule manière de répondre à la question « Et
pour vous, qui suis-je ? » Comment
le saurons-nous si ce n’est par la prière ?
Nous
rapportant le même événement fondateur de la profession de foi de Pierre,
Matthieu au chapitre 16 de son Evangile nous le dit explicitement : « Heureux
es-tu Simon, fils de Jonas car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont
révélé cela mais mon Père qui est aux Cieux. » Pas de mission sans connaissance, pas de connaissance sans amour, pas
d’amour sans ce cœur à cœur à travers lequel Dieu se révèle, à travers lequel
l’appel se fait entendre, à travers lequel les devoirs pastoraux trouvent leur
sens et leur fécondité.
Le Dieu
présent dans l’intimité du cœur à cœur se manifeste sous le signe de la
concordance, de la communion, de la communauté, de l’unité de l’Eglise qui
s’exprime par la voix de Pierre. Le
prêtre est le ministre de la communion, le serviteur de l’unité des communautés
vers lesquelles il est envoyé, des communautés dans lesquelles il ne doit pas
faire acception des personnes car « il n’y a plus ni juif, ni païen, il
n’y a plus esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car vous
ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus» ainsi que Paul l’enseignait aux
Galates.
Aimez les communautés vers lesquelles vous serez
envoyés !
Lavement des pieds, Giotto |
S’il est
vrai qu’elles sont composées de pécheurs, c’est parce qu’elles sont le signe de
la Miséricorde.
« Celui
qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et
qu’il me suive. »
Marcher à la suite du Christ pour être dans le
monde le signe de son sacerdoce et de son offrande au Père ne peut s’accommoder
ni d’un temps partiel ni d’un cœur partagé. Le prêtre ne se contente pas de
prononcer des paroles et de poser des gestes qui lui sont extérieurs. Il doit y
mettre son corps et son sang.
Tous ceux
qui vous ont précédés dans le sacerdoce et qui vous entourent aujourd’hui pourront
vous dire avec saint Paul dans la deuxième lettre aux Corinthiens que cela
suppose toutes sortes d’oppositions et d’épreuves auxquelles, comme eux, vous
serez confrontés. Des épreuves extérieures et elles sont inévitables, « elles
vérifieront la qualité de votre foi »
Heureux serez-vous si au soir de votre vie, vous
pouvez dire avec l’Apôtre : « J'ai connu la fatigue et la peine, souvent les
nuits sans sommeil, la faim et la soif, les journées sans manger, le froid et le manque de vêtements, sans compter tout
le reste : ma préoccupation quotidienne, le souci de toutes les Églises. Si
quelqu'un faiblit, je partage sa faiblesse ; si quelqu'un vient à tomber, cela
me brûle. »
Mais aussi le tourment intérieur de rester si
souvent en-deçà des exigences de la mission, le caractère dérisoire de ce que
l’on fait au regard de sa grandeur, la conscience de ne pas suffisamment mourir
à soi-même, la peine de n’être pas pleinement le grain de blé. Et c’est en cela que résidera sans doute la
croix la plus intime et la plus lourde que vous aurez à porter pour marcher à
la suite du Christ. Pourtant, au fur et à mesure que le Seigneur façonnera en
vous un cœur de prêtre, et il y faut toute une vie, vous découvrirez que sa
force se manifeste dans votre faiblesse et qu’il vous aura rendu au centuple ce
que vous lui aurez donné. « Celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra
sa vie pour moi la sauvera. » C’est la joie à
laquelle vous êtes appelés.
N’allez pas croire que sa dimension est purement
eschatologique.
« Dieu est
généreux et ne se laisse pas dépasser par nous en générosité. Le détachement est
une des exigences du service apostolique, le célibat est l’une des modalités
très concrètes que doit revêtir ce détachement. Celui qui au bout d’un temps
plus ou moins long jette un regard sur sa vie sacerdotale, sait à quel point la
parole de Jésus est vraie […] Celui qui porte aux hommes la parole de foi voit
croître autour de lui une très grande famille de sœurs, de pères, de mères,
d’enfants. Et c’est toujours vrai : Dieu donne cent pour un même en ce monde.
Nous devons avoir le courage de donner un. » Vous le
faites aujourd’hui. Prions le Seigneur chaque jour pour qu’il vous garde dans
cette générosité. Marchez avec lui, laissez-vous envoyer par lui et vous verrez
que le salaire de votre fidélité ne sera pas purement et simplement repoussé
dans l’au-delà.
Dans le « qui perd
gagne » auquel le Seigneur vous invite à jouer, le
centuple en ce monde est associé à la vie éternelle. Amen.
Bienheureux Fra Angelico, Ordination de Saint Etienne par Saint Pierre Fresque, Chapelle Nicoline, Vatican |