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Saint Pie X, médaillon de mosaïques,
Basilique de l'Immaculée Conception, Lourdes |
VEHEMENTER NOS
Extraits de la lettre Encyclique de Sa Sainteté le Pape PIE X au peuple français
Vénérables frères, bien aimés fils,
salut et bénédiction apostolique.
Notre âme est pleine
d'une douloureuse sollicitude et notre cœur se remplit d'angoisse quand notre
pensée s'arrête sur vous. Et comment en pourrait-il être autrement, en vérité, au
lendemain de la promulgation de la loi qui, en brisant violemment les liens
séculaires par lesquels votre nation était unie au siège apostolique, crée à
l'Eglise catholique, en France, une situation indigne d'elle et lamentable à
jamais. (…) Pour vous, vénérables frères, elle n'aura été bien certainement ni
une nouveauté, ni une surprise, témoins que vous avez été des coups si nombreux
et si redoutables tour à tour portés par l'autorité publique à la religion.
Vous avez vu violer
la sainteté et l'inviolabilité du mariage chrétien par des dispositions
législatives en contradiction formelle avec elles, laïciser les écoles et les
hôpitaux, arracher les clercs à leurs études et à la discipline ecclésiastique
pour les astreindre au service militaire, disperser et dépouiller les
congrégations religieuses et réduire la plupart du temps leurs membres au
dernier dénuement. D'autres mesures légales ont suivi, que vous connaissez tous. On
a abrogé la loi qui ordonnait des prières publiques au début de chaque session
parlementaire et à la rentrée des tribunaux, supprimé les signes traditionnels
à bord des navires le Vendredi Saint, effacé du serment judiciaire ce qui en
faisait le caractère religieux, banni des tribunaux, des écoles, de l'armée, de
la marine, de tous les établissements publics enfin, tout acte ou tout emblème
qui pouvait, d'une façon quelconque, rappeler la religion.
Ces mesures et
d'autres encore qui peu à peu séparaient de fait l'Eglise de l'Etat n'étaient
rien autre chose que des jalons placés dans le but d'arriver à la séparation
complète et officielle.
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Le visage de la France maçonnique |
(…) Qu'il faille séparer l'Etat de l'Eglise,
c'est une thèse absolument fausse, une très pernicieuse erreur. Basée, en
effet, sur ce principe que l'Etat ne doit reconnaître aucun culte religieux,
elle est tout d'abord très gravement
injurieuse pour Dieu, car le créateur de l'homme est aussi le fondateur des
sociétés humaines et il les conserve dans l'existence comme il nous soutient.
Nous lui devons donc,
non seulement un culte privé, mais un
culte public et social, pour l'honorer.
En outre, cette thèse
est la négation très claire de l'ordre
surnaturel; elle limite, en effet, l'action de l'Etat à la seule poursuite
de la prospérité publique durant cette vie, qui n'est que la raison prochaine
des sociétés politiques, et elle ne s'occupe en aucune façon, comme lui étant
étrangère, de leur raison dernière qui est la béatitude éternelle proposée à
l'homme quand cette vie si courte aura pris fin. Et pourtant, l'ordre présent
des choses qui se déroulent dans le temps se trouvant subordonné à la conquête
de ce bien suprême et absolu, non seulement le pouvoir civil ne doit pas faire
obstacle à cette conquête, mais il doit encore nous y aider.
Cette thèse
bouleverse également l'ordre très sagement établi par Dieu dans le monde, ordre
qui exige une harmonieuse concorde entre les deux sociétés. Ces deux sociétés,
la société religieuse, et la société civile, ont, en effet, les mêmes sujets,
quoique chacune d'elles exerce dans sa sphère propre son autorité sur eux. (…) La notion du vrai en serra troublée et
les âmes remplies d'une grande anxiété.
Enfin, cette thèse inflige de graves dommages à la
société civile elle-même, car elle ne peut pas prospérer ni durer longtemps
lorsqu'on n'y fait point sa place à la religion, règle suprême et souveraine
maîtresse quand il s'agit des droits de l'homme et de ses devoirs. Aussi,
les pontifes romains n'ont-ils pas cessé, suivant les circonstances et selon
les temps, de réfuter et de condamner la doctrine de la séparation de l'Eglise
et de l'Etat.
(…) Que si en se
séparant de l'Eglise, un Etat chrétien, quel qu'il soit, commet un acte
éminemment funeste et blâmable, combien
n'est-il pas à déplorer que la France se soit engagée dans cette voie,
alors que, moins encore que toutes les autres nations, elle n'eût dû y entrer,
la France, disons-nous, qui, dans le cours des siècles, a été, de la part de ce
siège apostolique, l'objet d'une si grande et si singulière prédilection, la
France, dont la fortune et la gloire ont toujours été intimement unies à la
pratique des mœurs chrétiennes et au respect de la religion.
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Notre Dame de France, ayez pitié
de la France |
Le même pontife Léon
XIII avait donc bien raison de dire: "La France ne saurait oublier que sa
providentielle destinée l'a unie au Saint-Siège par des liens trop étroits et
trop anciens pour qu'elle veuille jamais les briser. De cette union, en effet,
sont sorties ses vraies grandeurs et sa gloire la plus pure. Troubler cette
union traditionnelle serait enlever à la nation elle-même une partie de sa
force morale et de sa haute influence dans le monde". (Allocution
aux pèlerins français, 13 avril 1888.)
(…) Le Concordat
passé entre le Souverain Pontife et le gouvernement français, comme du reste
tous les traités du même genre, que les Etats concluent entre eux, était un
contrat bilatéral, qui obligeait des deux côtés: le Pontife romain d'une part,
le chef de la nation française de l'autre, s'engagèrent donc solennellement,
tant pour eux que pour leurs successeurs, à maintenir inviolablement le pacte
qu'ils signaient. Il en résultait que le
Concordat avait pour règle la règle de tous les traités internationaux,
c'est-à-dire le droit des gens, et qu'il ne pouvait, en aucune manière, être
annulé par le fait de l'une seule des deux parties ayant contracté.
Le Saint-Siège a
toujours observé avec une fidélité scrupuleuse les engagements qu'il avait
souscrits et, de tout temps, il a réclamé que l'Etat fit preuve de la même
fidélité. C'est là une vérité qu'aucun juge impartial ne peut nier. Or, aujourd'hui, l'Etat abroge de sa seule
autorité le pacte solennel qu'il avait signé. Il transgresse ainsi la foi jurée
et, pour rompre avec l'Eglise, pour s'affranchir de son amitié, ne reculant
devant rien, il n'hésite pas plus à infliger au Siège apostolique l'outrage qui
résulte de cette violation du droit des gens qu'à ébranler l'ordre social et
politique lui-même, puisque, pour la sécurité réciproque de leurs rapports
mutuels, rien n'intéresse autant les nations qu'une fidélité irrévocable dans
le respect sacré des traités.
(…) C'est pourquoi, Nous souvenant de notre
charge apostolique et conscient de l'impérieux devoir qui nous incombe de
défendre contre toute attaque et de maintenir dans leur intégrité absolue les
droits inviolables et sacrés de l'Eglise, en vertu de l'autorité suprême
que Dieu nous a conférée, Nous, pour les motifs exposés ci-dessus, nous réprouvons et nous condamnons la loi
votée en France sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat comme profondément
injurieuse vis-à-vis de Dieu, qu'elle renie officiellement, en posant en
principe que la République ne reconnaît aucun culte.
Nous la réprouvons et
condamnons comme violant le droit naturel, le droit des gens et la fidélité
due aux traités, comme contraire à la constitution divine de l'Eglise, à ses
droits essentiels, à sa liberté, comme renversant la justice et foulant aux
pieds les droits de propriété que l'Eglise a acquis à des titres multiples et,
en outre, en vertu du Concordat.
Nous la réprouvons et
condamnons comme gravement offensante pour la dignité de ce Siège
apostolique, pour notre personne, pour l'épiscopat, pour le clergé et pour tous
les catholiques français.
En conséquence, nous
protestons solennellement de toutes nos forces contre la proposition, contre le
vote et contre la promulgation de cette loi, déclarant qu'elle ne pourra jamais
être alléguée contre les droits imprescriptibles et immuables de l'Eglise pour
les infirmer.
(…) Assurément,
profonde est notre tristesse (…) Mais, pour nous garder au milieu des
sollicitudes si accablantes contre toute affliction excessive et contre tous
les découragements, nous avons le
ressouvenir de la Providence divine toujours si miséricordieuse et l'espérance
mille fois vérifiée que jamais Jésus-Christ n'abandonnera son Eglise, que
jamais, il ne la privera de son indéfectible appui. Aussi, sommes-nous bien
loin d'éprouver la moindre crainte pour cette Eglise. Sa force est divine comme son immuable stabilité.
(…) Plaise à Dieu
qu'aux applaudissements de tous les gens de bien, ils ne tardent pas à rendre à
la religion, source de civilisation et de prospérité pour les peuples, avec
l'honneur qui lui est dû, la liberté ! En attendant, et aussi longtemps
que durera une persécution oppressive, revêtus des armes de lumière (Rom. XIII,
12), les enfants de l'Eglise doivent
agir de toutes leurs forces pour la vérité et pour la justice. C'est leur
devoir toujours! C'est leur devoir aujourd'hui plus que jamais ! Dans
ces saintes luttes, vénérables Frères, vous qui devez être les maîtres et les
guides de tous les autres, vous
apporterez toute l'ardeur de ce zèle vigilant et infatigable, dont de tout
temps l'Episcopat français a fourni à sa louange des preuves si connues de
tous; mais par-dessus tout, nous voulons, car c'est une chose d'une importance
extrême, que, dans tous les projets que vous entreprendrez pour la défense de
l'Eglise, vous vous efforciez de réaliser la plus parfaite union de cœur et de
volonté ! (…) Poursuivez cependant l'œuvre salutaire que vous faites,
ravivez le plus possible la piété parmi les fidèles, promouvez et vulgarisez de
plus en plus l'enseignement de la doctrine chrétienne, préservez toutes les âmes
qui vous sont confiées des erreurs et des séductions qu'aujourd'hui elles
rencontrent de tant de côtés ; instruisez, prévenez, encouragez, consolez
votre troupeau; acquittez-vous enfin vis-à-vis de lui de tous les devoirs que
vous impose votre charge pastorale.
(…) Et maintenant, c'est à vous que nous nous
adressons, catholiques de France; que notre parole vous parvienne à tous
comme un témoignage de la très tendre bienveillance avec laquelle nous ne
cessons pas d'aimer votre pays et comme un réconfort au milieu des calamités
redoutables qu'il va vous falloir traverser.
Vous savez le but que
se sont assigné les sectes impies qui courbent vos têtes sous leur joug, car
elles l'ont elles-mêmes proclamé avec une cynique audace : " Décatholiciser
la France ". Elles veulent arracher de vos cœurs, jusqu'à la dernière racine,
la foi qui a comblé vos pères de gloire, la foi qui a rendu votre patrie
prospère et grande parmi les nations, la foi qui vous soutient dans l'épreuve
qui maintient la tranquillité et la paix à votre foyer et qui vous ouvre la voie
vers l'éternelle félicité.
C'est de
toute votre âme, vous le sentez bien, qu'il vous faut défendre cette foi.
Pour nous, aussi
longtemps que vous aurez à lutter contre le danger, nous serons de cœur et d'âme au milieu de vous. Labeurs, peines,
souffrances, nous partagerons tout avec vous et, adressant en même temps au
Dieu qui a fondé l'Eglise et qui la conserve, nos prières les plus humbles et
les plus instantes, nous le supplierons d'abaisser sur la France un regard de
miséricorde, de l'arracher aux flots déchaînés autour d'elle et de lui rendre
bientôt, par l'intercession de Marie Immaculée, le calme et la paix. Comme
présage de ces bienfaits célestes et pour vous témoigner notre prédilection
toute particulière, c'est de tout cœur que nous vous donnons notre bénédiction
apostolique, à vous, vénérables Frères, à votre clergé et au peuple français
tout entier.
Donné à
Rome, auprès de Saint-Pierre, le 11 février de l'année 1906, de notre
pontificat la troisième.