Christ-Roi de l'Univers |
Homélie de Dom
Pateau pour la solennité du Christ – Roi de l’univers
Christus
vincit, Christus regnat, Christus imperat !
Chers Frères et
Sœurs,
«Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ
commande.» Les acclamations carolingiennes ne mettent-elles pas notre foi à
rude épreuve?
En 1935,
Staline répondait à Pierre Laval qui lui demandait de respecter les libertés
religieuses: «Le Pape, combien de
divisions?». Aujourd’hui bien des hommes d’État se font implicitement, et
parfois explicitement, la même réflexion. Alors
que la liberté religieuse, que la famille, que la vie à naître ou arrivée à son
terme, sont attaquées dans la plupart des pays du monde, parfois au sein même
de l’Église, la fête du Christ-Roi vient solliciter un acte de foi à ceux qui
seraient tentés de désespérer.
L’Évangile a
rappelé l’échange entre Jésus et Pilate, dialogue de celui qui prétend détenir
tout pouvoir avec un homme moqué, tourné en dérision, battu : «Tu es le Roi des Juifs?… Donc, tu es Roi?»
La réponse de Jésus révèle une royauté ignorée des hommes, un roi témoin de la
vérité: «C’est toi-même qui le dis : Je
suis Roi. Moi, c’est pour cela que je suis venu dans le monde ; pour rendre
témoignage à la vérité ; quiconque est de la vérité écoute ma voix.» (Jn
18,37)
Christ aux outrages |
Depuis 2000 ans ils sont nombreux,
étonnés, narquois, provocateurs… hommes de compromis, de calcul ou simplement
dans le doute, à avoir posé cette question à Jésus. La réponse du Christ
demeure: «Je suis Roi.»
Avec saint
Paul, soyons dans l’action de grâces car: «En Lui ont été créées toutes choses, dans
les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles, Trônes, Seigneuries,
Principautés, Puissances ; tout a été créé par lui et pour lui. Il est avant
toutes choses et tout subsiste en lui. Et il est aussi la Tête du Corps,
c’est-à-dire de l’Église.» (Col 1,16-18)
Lors du
sacrement du baptême le prêtre interroge le catéchumène : «Que demandez-vous à l’Église?» Il répondra : « La foi. » Une réponse qui doit être le ferme propos d’une vie. La faillite de l’espérance et de la charité
tient souvent au manque de foi, à une vue trop humaine des situations qui
oublie l’abandon au plan de Dieu.
La reconnaissance par les États, par les
nations, de la royauté du Christ, commence par l’acceptation de cette royauté
sur chacun d’entre nous. Le Motu
Proprio Summorum Pontificum de Sa Sainteté le pape Benoît XVI nous permet de
puiser dans la paix aux richesses liturgiques de la forme extraordinaire. À
notre reconnaissance s’ajoute un devoir que j’ose résumer en une question : notre foi est-elle aussi extraordinaire que
le rite que nous célébrons? Recentrer la liturgie sur le Christ n’a qu’un but :
devenir soi-même un vrai témoin de la royauté du Christ, vivre du Christ et
pour le Christ, au point que tous devraient pouvoir dire : «C’est le Christ qui vit en lui.»
Ce pèlerinage
d’action de grâces nous conduit à Rome, alors que s’achève la XIVe assemblée
générale ordinaire du synode des évêques sur le thème: «La vocation et la
mission de la famille dans l’Église et le monde contemporain.»
Roi de chaque
homme, le Christ est aussi roi des familles. À plusieurs
occasions, par exemple lors des audiences du mercredi, Sa Sainteté le Pape
François a proposé une riche et profonde réflexion sur la famille. Durant son
récent voyage en Équateur, l’évangile des noces de Cana lui a donné d’aborder
ce thème :
Cathédrale de Salerne, les noces de Cana |
« Les
noces de Cana, disait-il, se répètent avec chaque génération, avec chaque
famille, avec chacun de nous et chacune de nos tentatives pour faire en sorte
que notre cœur arrive à se fixer sur des amours durables, sur des amours
féconds, sur des amours joyeux. Donnons à Marie une place ; “la Mère”, comme le
dit l’évangéliste. Et faisons avec elle maintenant l’itinéraire de Cana.
Marie est attentive… Marie est Mère… Marie
prie… Elle nous enseigne à remettre nos familles entre les mains de Dieu ; elle
nous enseigne à prier, en allumant l’espérance qui nous indique que nos
préoccupations aussi sont celles de Dieu. Et, enfin, Marie agit.
Les paroles «Tout ce qu’il vous dira, faites-le» (v.
5), adressées à ceux qui servaient, sont une invitation à nous aussi,
invitation à nous mettre à la disposition de Jésus, qui est venu servir et non
pour être servi. Le service est le
critère du vrai amour. Celui qui
aime sert, il se met au service des autres. Et cela s’apprend spécialement en
famille… » (Messe pour les Familles, Parc des Samanes, Guayaquil,
Lundi 6 juillet 2015)
Être attentif,
prier et servir, sont les indications que nous donne Marie.
Saint Luc se
souvient de l’attitude de Marie: elle «conservait
avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur.» (Lc 2,19) Le mot
latin pour méditer est conferens,
littéralement : “les portant ensemble en son cœur”. Le cœur de Marie est le lieu d’une alchimie d’amour. C’est là qu’elle
rend grâces, c’est là qu’elle prie, c’est là aussi qu’elle souffre et qu’elle
s’offre.
Alors que
s’approche l’année jubilaire de la Miséricorde, nos cœurs sont-ils les lieux d’un dialogue avec le Christ-Roi ?
Portons-nous en ceux-ci les événements joyeux, lumineux, douloureux et glorieux
de nos vies, les méditant en secret afin d’en tirer une règle pour notre agir ?
«Le Pape, combien de divisions?» Staline
aurait pu dire: «Combien de cœurs?» Car un cœur donné au Christ est beaucoup plus
redoutable qu’une division!
Alors que les
parents de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus viennent d’être canonisés, quelques
mots de leur enfant me viennent à l’esprit, et je vous les laisse en viatique
en cette sainte ville de Rome, cœur de la chrétienté:
« Considérant
le corps mystique de l’Église, je ne m’étais reconnue dans aucun des membres
décrits par saint Paul, ou plutôt je voulais me reconnaître en tous… La Charité
me donna la clef de ma vocation. Je
compris que si l’Église avait un corps, composé de différents membres, le plus
nécessaire, le plus noble de tous ne lui manquait pas, je compris que l’Église
avait un Cœur, et que ce Cœur était brûlant d’amour. Je compris que l’Amour
seul faisait agir les membres de l’Église, que si l’Amour venait à s’éteindre,
les Apôtres n’annonceraient plus l’Évangile, les Martyrs refuseraient de verser
leur sang… Je compris que l’amour renfermait toutes les vocations, que l’amour
était tout, qu’il embrassait tous les temps et tous les lieux… en un mot, qu’il
est éternel! … Alors, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : ô
Jésus, mon Amour… ma vocation, enfin je l’ai trouvée, ma vocation, c’est
l’amour !… » (Manuscrit B, folio 3, verso). Amen.
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