Crucifixion de Notre Seigneur. Marie et Saint Jean implorant notre pardon au pied du Trône de Dieu |
Du vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Dieu seul ou le saint esclavage de l’admirable
Mère de Dieu », chap. 11, Des souffrances de la très sainte Vierge
Notre Dame des 7 douleurs |
L’adorable Jésus étant l’homme de
douleurs, la divine Marie lui était trop unie pour ne pas souffrir. Mais ses
douleurs ont été incomparables en leur grandeur en telle sorte, dit saint Bernardin, tom.
III, serm. 2 Du glorieux nom de Marie, art. 2, chap. 4,
que si la douleur de la très sainte
Vierge était divisée et répandue dans toutes les créatures qui peuvent
souffrir, elle leur donnerait à toutes la mort.
La raison est, disent
quelques théologiens expliquant le sentiment de ce saint, que la douleur est
proportionnée à la connaissance de la grandeur du mal qui nous afflige, et elle
s’accroît à mesure que la lumière que nous en avons s’augmente. Or, la très sainte Vierge connaissant plus que
tous les saints la dignité infinie de son Fils qui était crucifié sur le
Calvaire, elle a plus enduré que tous les saints, parce que son Fils crucifié était
le sujet de sa douleur. ~ Mais celle de Marie était Jésus souffrant, c’était la croix de Jésus et toutes ses
peines.
Mais
ce qui soutient plus la pensée de saint Bernardin, est que la connaissance de la sainte Vierge était suivie d’amour, son amour était
égal à ses lumières, elle avait des sentiments qui ne se peuvent dire de la
grandeur de Jésus crucifié, qui faisait le sujet de ses douleurs, et elle avait
pour lui un amour incomparable. Comme elle a plus aimé que tout le reste
des créatures, remarque un ancien, il est indubitable qu’elle a aussi plus
souffert la douleur, dit saint Augustin, ayant pour fondement l’amour.
Icône moderne, l'Enfant Jésus séchant les larmes de sa Mère |
Ajoutons
à ces pensées que Marie était une mère
qui souffrait, et une mère d’un fils unique, dont elle était mère sans père. C’était
une mère Vierge, et une mère d’un Dieu. Sa douleur n’était pas divisée,
elle souffrait seule ce qu’un bon père et une mère tendre peuvent souffrir. C’est
pourquoi saint Joseph, qui n’était que son père nourricier, n’était plus au
monde : son précieux cœur était le
lieu où se formait comme un écho, où se faisaient entendre et ressentir les
coups de fouets, les injures et moqueries de son Fils Dieu, dont l’âme divine
étant séparée du corps, l’âme de cette bénite mère, comme l’assure saint
Bernard, fut comme mise en sa place par compassion, pour ressentir le coup de
lance qui lui fut donné.
Saint
Laurent Justinien enseigne qu’en ce temps de la passion, son cœur divin était tout semblable à une glace de miroir ; mais c’était
un miroir animé de Jésus mourant.
Chapelle Notre Dame des douleurs, chapelle du Golgotha, Saint-Sépulcre de Jérusalem |
Les clous, les cordes, les épines, les
douleurs, la mort même, tout cela paraissait dans cet aimable cœur, et tout
cela s’y ressentait comme dans un miroir animé. Elle a révélé à sainte Brigitte, que le
corps de Jésus étant dans le tombeau, c’était autant comme si deux corps
eussent été dans un même sépulcre : mais
ses douleurs ne se sont pas terminées au temps de la passion de son Fils
bien-aimé, elles ont commencé avec la grâce de la maternité divine, et n’ont
fini qu’avec sa vie, c’est-à-dire qu’elles ont duré pendant l’espace de
cinquante-six années, le Verbe s’étant incarné dans ses pures entrailles,
lorsqu’elle n’était âgée que d’environ 15 à 16 ans, et sa précieuse mort n’étant
arrivée qu’à la soixante-douzième année de sa très sainte vie, et cela sans
parler des autres peines qu’elle a portées depuis l’usage de raison qu’elle eut
très parfait depuis le premier instant de sa conception immaculée jusqu’à l’heureux
moment qu’elle fut faite mère de Dieu.
Sainte
Brigitte nous apprend qu’elle connaissait par une lumière prophétique toutes
les particularités de la passion de son unique Fils : c’est pourquoi pendant qu’elle lui donnait le lait
virginal de ses sacrées mamelles, elle
pensait au fiel et au vinaigre dont quelque jour il devait boire ; lorsqu’elle le portait sur son sein,
elle considérait que ses bras délicats
devaient être percés de clous, et attachés à une croix. Parmi les chastes baisers qu’elle lui donnait,
elle se représentait le baiser du traître Judas. Si elle le voyait dormir,
elle pensait à la mort qui devait
quelque jour arriver.
Enluminure du XVe s. La désolation de Notre Dame au pieds de la Croix. |
Cette
mère de douleur passait ainsi sa vie très pure, et en cela, dit saint Épiphane,
elle était en même temps et le prêtre et l’autel sur lequel la victime était
immolée, non pas une fois comme sur la croix, mais autant de fois qu’elle
pensait à ce sacrifice. Un savant homme considérant que Notre-Seigneur n’avait
fait que goûter un peu de la portion du vin de myrrhe qu’on lui avait présenté,
ce n’est pas sans mystère, dit-il, c’est qu’il voulait que sa sainte mère bût
le reste de ce calice. Son amour, comme
il est déclaré dans les Cantiques, est fort comme la mort, dans les
désirs extrêmes qu’elle a d’en souffrir les peines. Mais il est sourd et
impitoyable comme l’enfer, n’y mettant aucunes bornes, désirant souffrir à
jamais, voulant que son martyre durât toujours. Ses souffrances, que saint
Augustin appelle immenses, ne faisaient
qu’augmenter ses désirs de souffrir. Elle est comparée avec bien de la justice
à une mer ; car comme on ne peut pas compter toutes les gouttes de l’eau
de la mer, parce que, comme la mer surpasse en la multitude de ses eaux toutes
les eaux des rivières et des fleuves ; de même les souffrances de la Mère
de Dieu surpassent celles de tous les saints : comme tous les fleuves s’écoulent
dans la mer, de même l’on trouve dans le saint cœur de notre glorieuse
Maîtresse toutes sortes de croix : comme l’on ne peut pas trouver le fond
de la mer, aussi il n’est pas possible de connaître la grandeur de ses peines. Je ne crois pas, dit le dévot saint
Bernard, que les douleurs de la très sainte Vierge puissent jamais être ni
expliquées ni connues.
Notre Dame des douleurs, pleurant sur la mort de son Fils Unique et Bien-Aimé, par Giacomo Farelli |
Mais
souvenons-nous que celle qui souffre de
la sorte est notre douce mère, et que nous avons été faits ses enfants au pied
de la croix : que c’est pour nous qu’elle est une mère de douleur, une
dame de pitié et de compassion, et c’est ce qui nous donne une obligation très
étroite à lui compatir, à honorer ses douleurs, et à lui tenir compagnie dans
ses souffrances. Autrefois elle s’est plainte à sainte Brigitte du peu de
personnes qui l’aimaient, parce qu’il y en avait bien peu qui eussent
compassion de ses douleurs : mais pour
y compatir, il y faut penser, et il les faut considérer.
Il est bon de prendre quelque jour de la
semaine pour s’y appliquer particulièrement, saluer ses sept principales
douleurs, comme nous l’avons
marqué ci-dessus au chapitre quatrième, entrer dans les confréries érigées sous
ce titre, et visiter les autels dédiés à Dieu en leur honneur.
~ C’est une douce consolation pour les personnes crucifiées de se souvenir des croix de la divine Marie, en se désoccupant des choses qui les peuvent faire souffrir. Nous en avons l’exemple, dit un grave auteur, en l’adorable Jésus, qui ayant la tête percée de tous côtés, et le corps tout couvert de grandes profondes plaies, et étant sur le point de rendre l’âme au milieu d’une infinité de douleurs, s’oubliant de lui-même, arrêtait ses regards sur sa très aimante mère, et lui parlait avec des soins d’un amour inénarrable.
~ C’est une douce consolation pour les personnes crucifiées de se souvenir des croix de la divine Marie, en se désoccupant des choses qui les peuvent faire souffrir. Nous en avons l’exemple, dit un grave auteur, en l’adorable Jésus, qui ayant la tête percée de tous côtés, et le corps tout couvert de grandes profondes plaies, et étant sur le point de rendre l’âme au milieu d’une infinité de douleurs, s’oubliant de lui-même, arrêtait ses regards sur sa très aimante mère, et lui parlait avec des soins d’un amour inénarrable.
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