Pétales de roses rouges parsemant la pierre de Gethsémani, lieu-même de l'Agonie du Sauveur (1er juillet 2017, fête du Précieux Sang - Jérusalem) |
Un jour j’étais à la messe dans l’église
Saint-François. On approchait de
l’élévation et le chœur des Anges retentissait : Sanctus ! Sanctus ! Sanctus !
…etc. ; mon âme fut emportée et ravie dans la lumière incréée ; elle fut
attirée, elle fut absorbée, et voici une plénitude ineffable, ineffable, en
vérité.
Regardez comme rien, comme absolument rien,
tout ce qui peut être exprimé en langue humaine. O création inénarrable du Dieu
incréé et tout-puissant, les louanges qu’on peut chanter sont de la poussière
auprès de Vous !
Absorption sacrée de l’abîme où me plonge
la main du Dieu ravissant, après votre transport, mais encore sous l’influence
qui l’avait précédé, m’apparut l’image
du Dieu crucifié, comme un instant après la descente de croix ; le sang était
frais et rouge et coulant encore des blessures et les plaies étaient récentes.
Descente de Croix, détail, par Antoine van Dyck |
Alors dans les jointures je vis les membres
disloqués ; j’assistai au brisement
intérieur qu’avait produit sur la croix l’horrible tiraillement du corps, je
vis ce qu’elles avaient fait, les mains homicides. Je vis les nerfs, je vis
les jointures, je vis le relâchement, l’allongement contre nature qu’avaient
fait dans le supplice – quand ils avaient tiré sur les bras et sur les jambes –
les déicides ! Mais la peau
s’était tellement prêtée à cette tension, que je n’y voyais aucune rupture.
Cette dissolution des jointures, cette
horrible tension des nerfs, qui me permit de compter les os, me perça le cœur d’un
trait plus douloureux que la vue des plaies ouvertes. Le secret de la Passion, le secret des tortures de Jésus, le secret de
la férocité des bourreaux, m’était montré plus intimement dans la douleur des
nerfs que dans l’ouverture des plaies, dans le dedans que dans le dehors.
Alors
je sentis le supplice de la compassion
; alors, au fond de moi-même, je sentis dans les os et dans les jointures une
douleur épouvantable, et un cri qui s’élevait comme une lamentation, et une sensation terrible, comme si j’avais
été transpercée tout entière, corps et âme.
Ainsi
absorbée et transformée en la douleur du Crucifié, j’entendis Sa voix bénir les
dévoués qui imitaient Sa Passion et qui avaient pitié de Lui :
«Soyez
bénis, disait-Il, soyez bénis par la main du Père, vous qui avez partagé et
pleuré Ma Passion, vous qui avez lavé vos robes dans mon Sang. Soyez bénis, vous qui, rachetés de
l’enfer par les immenses douleurs de Ma croix, avez eu pitié de Moi ; soyez
bénis, vous qui avez été trouvés dignes de compatir à Ma torture, à Mon
ignominie, à Ma pauvreté. Soyez bénies, ô fidèles mémoires ! Vous qui gardez au
fond de vous le souvenir de Ma Passion !
Ma
Passion, unique refuge des pécheurs ; Ma Passion, vie des morts ; Ma Passion,
miracle de tous les siècles, vous ouvrira les portes du royaume éternel que
J’ai conquis pour vous, par elle.
Dans les siècles des siècles, vous qui avez
eu pitié, vous partagerez la gloire ! Soyez bénis par le Père, soyez bénis par
l’Esprit-Saint, bénis en esprit et en vérité par la bénédiction que Je donnerai
au dernier jour ; car Je suis venu chez
Moi, et au lieu de Me repousser comme un persécuteur, vous avez offert au Dieu
désolé l’hospitalité sacrée de votre amour !
J’étais
nu sur la croix, J’avais faim, J’avais soif, Je souffrais, Je mourais, J’étais
pendu par leurs clous, vous avez eu pitié ! Soyez bénis, ouvriers de
miséricorde !
A l’heure terrible, à l’heure épouvantable,
Je vous dirai : Venez, les bien-aimés de Mon Père ! car J’avais faim sur la
terre, et vous M’avez offert le pain de la pitié… »
Maître-autel de la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre |
Il ajouta des choses étonnantes ; mais ce
qui est absolument impossible, c’est d’exprimer l’amour qui brillait sur ceux
qui ont pitié :
«
O bienheureux ! ô bénis ! Suspendu
à la croix, J’ai crié, pleuré et prié pour Mes bourreaux : « Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce
qu’ils font ! » Qu’est-ce que Je ferai, qu’est-ce que Je dirai pour vous, pour vous qui avez eu pitié, pour
vous qui M’avez tenu compagnie, pour vous Mes dévoués, qu’est-ce que Je
dirai pour vous, quand J’apparaîtrai, non pas sur la croix, mais dans la
gloire, pour juger le monde ? »
Je demeurai frappée au fond, beaucoup plus
émue que je ne puis le dire ; les
affections qui me venaient de la croix sont au-dessus des paroles. Il ajouta
plusieurs paroles qui me mirent en feu ; mais je n’ai ni la volonté ni le
pouvoir de les écrire.
Chapelle Notre-Dame des douleurs, mosaïques, près du Golgotha dans la Basilique du Saint-Sépulcre et de l'Anastasis, Jérusalem |
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