Annonciation, porte de tabernacle |
Du
vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Dieu seul ou le saint esclavage de
l’admirable Mère de Dieu », chap. 12, Ce que c'est que la dévotion du saint
esclavage de la Mère de Dieu
Pour bien concevoir ce que c'est que la
dévotion d'esclavage
dont nous traitons, il est nécessaire de remarquer ce que c'est que la
condition d'esclave : or, la
condition d'esclave consiste en ce que l'esclave n'a plus rien à soi, et même
n'est plus à soi, mais à son seigneur ou maître ; c’est pourquoi tous
les biens que les esclaves peuvent avoir, tout ce qu'ils peuvent gagner, tous
leurs travaux, toute leur industrie, et même leurs enfants, tout cela
appartient à leurs maîtres, qui estiment leur faire grâce, que de leur laisser
la vie, et quand ils leur ôtent, ils ne pensent pas commettre d'injustice. Il
n'y a rien parmi les hommes qui nous fasse plus être à un autre que
l'esclavage. Ceci supposé, il est facile
d'entendre ce que c'est que la dévotion de l'esclavage de la Souveraine des
anges et des hommes ; qui n'est pas seulement de porter des chaînettes, de
faire écrire son nom dans les livres de l'association, de réciter quelques
prières, de donner quelques aumônes ou faire quelques présents aux églises, de
pratiquer quelques mortifications, ou prendre la qualité d'esclave de la sainte
Vierge ; mais c'est une sainte transaction que l'on fait avec la Reine du
ciel et de la terre, par laquelle on lui consacre sa liberté pour passer au
nombre de ses esclaves, la faisant la maîtresse absolue de son cœur, lui cédant
le droit que l'on a en toutes les bonnes actions, se dévouant entièrement au
service de sa grandeur, et en faisant une haute protestation.
~ Or,
il faut remarquer, pour l'éclaircissement du sujet que nous traitons : premièrement,
que l'on peut honorer la sainte Vierge
par ses bonnes actions, sans lui en donner la valeur, par exemple, on jeûne en
son honneur, cela ne lui donne pas le droit que l’on a en cette action du jeûne ;
ainsi se sont deux choses distinctes d'honorer la sainte Vierge par quelque
bonne œuvre, ou lui en donner la valeur. Secondement, quand on dit que l'on donne la valeur de ses bonnes actions,
on n'entend pas par là le mérite, car il n'y a eu que Jésus-Christ seul qui
l'ait pu faire, tellement que, lorsque l'on dit communément que l’on se fait
part les uns aux autres des mérites, cela n'est pas vrai, si l'on prend le
terme de mérite en rigueur ; ce n'est qu'en tant que nos actions sont
satisfactoires ou impétratoires, que l'on peut en donner la valeur ;
et c'est en ce sens que le terme de mérite étant pris, on dit qu'il y en a
communication. La dévotion de l'esclavage, ne se réservant rien, donne tout,
ainsi le dessein qu'elle inspire, est de ne passer pas un moment de la vie,
soit que l'on veille, soit que l'on dorme, soit que l'on agisse, soit que l'on
souffre, qui ne soit tout consacré à Notre-Dame et Maîtresse, et de lui dédier
de telle sorte tout le droit que l'on peut avoir en toutes ses bonnes actions,
qu'elle en dispose pleinement, selon son bon plaisir, le donnant à qui elle le
voudra, comme une chose qui est entièrement à elle, par la qualité d'esclave
que l'on prend, dont le propre est de n'être plus à soi, de n'avoir rien à soi,
mais d'être tout absolument à son maître.
La Visitation |
C'est
ici que l'on peut remarquer la différence des serviteurs de la Mère de Dieu, et
de ses esclaves. Le serviteur à de certains moments où il se repose,
où il n'agit pas pour son maître, où il peut travailler pour lui : l'esclave agit en toute sorte de temps et
de choses pour son seigneur. Le serviteur peut changer de condition, l'esclave
y demeure toujours engagé. Le serviteur peut acquérir du bien de ses
gages ; tout l'argent de l'esclave, tous les intérêts qu'il en peut tirer,
tout ce qu'il en peut acheter est à son maître. Si le serviteur a des
enfants, il en peut disposer : les enfants de l'esclave sont au pouvoir du
maître, et sa propre vie même. Ces différences font assez voir qu'il n'y a
point de dévotion qui nous engage au service de la Mère de Dieu comme celle de
l'esclavage, puisque de toutes les servitudes, il n'y a que l'esclavage qui ôte
la liberté ; et elles donnent beaucoup de lumières de la condition des
personnes qui sont véritablement esclaves de la reine du ciel, et qui le sont
par état et non-seulement par paroles, ou par quelques marques extérieures.
Écoutez
donc, dit le Saint-Esprit en l'Ecclésiastique
(VI, 24-26), écoutez, mon fils, un sage conseil que je veux vous
donner, et ne cessez jamais d'en faire état, mettez-vous ses fers aux pieds et
son collier au cou, et n'ayez point de difficulté à porter ses chaînes. Ce Dieu d'amour désire que nous lui soyons
attachés sans réserve ; c'est pourquoi il veut que nous en portions
les marques aux principales parties de notre corps, afin qu'il n'y ait rien en
nous qui ne soit à son service.
Faisons-lui servir notre tête, l'inclinant dévotement, ou la découvrant
à la rencontre de ses images ; les
cheveux, en retranchant le soin que la vanité en donne ; les oreilles, les fermant aux
entretiens peu honnêtes ; aux paroles équivoques, aux chansons mondaines,
aux discours inutiles ; les yeux,
en les détournant des objets sensuels ; les lèvres, en baisant avec
respect ses saintes images ; la
langue et la bouche, en s'abstenant, et mortifiant le goût, et parlant de
ses grandeurs ; les bras et les
mains, en travaillant pour elle, donnant l'aumône, ornant ses temples et
chapelles, ne les souillant par aucune impureté ; les genoux par des révérences et génuflexions ; les pieds, allant visiter les lieux
dédiés à Dieu en son honneur. Il est
bien juste que nous servions cette grande reine en toutes les manières
possibles, non seulement parce que ses grandeurs l'exigent, mais encore à
raison de ses bontés incomparables, qui l'ont obligée amoureusement de nous
rendre des services, qui feront l'étonnement de toute l'éternité bienheureuse.
Notre Dame à l'Enfant. Vierge aux lys de France |
Elle
nous a servis de toute son âme par l'abondance de ses grâces, dont ayant été
plus que pleine, dit le dévot saint Bernard, elle a regorgé heureusement sur tous les fidèles ; de son corps en
ayant donné la matière au Verbe incréé en l'incarnation ; de son cœur précieux par la foi, ce qui
a donné le commencement à notre salut ; de sa tête, l'ayant tant de fois inclinée devant la
majesté de Dieu pour nous en obtenir les miséricordes ; de ses cheveux dont elle a blessé le
cœur du divin Époux pour l'attirer en notre terre ; de ses oreilles, obéissant à la voix de l'ange, ce qui a été la
cause de tout notre bonheur ; des
yeux par les larmes pour nous impétrer le pardon de nos crimes ; de ses lèvres par les chastes baisers
qu'elle a donnés à son divin enfant, pour le réconcilier avec les hommes ;
de sa bouche et de sa langue, nous
servant d'avocate ; de son cœur
sacré, y portant celui qui soutient toute la machine du monde, et lui ôtant
les armes des mains, et les foudres qu'il devait lancer sur nos têtes
criminelles ; de ses mains et ses
bras, en servant notre débonnaire Sauveur, pour nous acquérir la glorieuse
qualité de ses serviteurs ; de ses
chastes mamelles allaitant celui qui nous nourrit de sa grâce et de son
précieux corps et sang ; de son ventre sacré, qui l'a porté pour nous
délivrer de l'enfer ; de ses pieds
par les voyages qu'elle a faits de sa maison aux montagnes de Judée, de
Nazareth en Bethléem, de la Palestine en Égypte, accompagnant son Fils
bien-aimé pendant les jours de sa conversation avec les hommes, visitant après
sa mort les lieux saints, et suivant saint Jean l'Évangéliste son fils adoptif
en Éphèse, et tout cela pour nous obtenir tant de dons et de grâces dont le
ciel nous favorise continuellement.
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