De Dom de Mauléon
Autrefois, cette
royauté universelle du Christ était proclamée à tout venant par le crucifix
dont les bras s’étendaient sur les écoles, les tribunaux, les assemblées
publiques.
Le Christ-Roi, en effet, se confond avec le Christ crucifié, et le trône de notre Souverain n’est que la
croix sur laquelle il est mort.
Sa présence rappelait aux maitres la nécessité d’accorder leur
enseignement avec la vérité éternelle, et l’obligation où ils seront un jour de
rendre compte au Verbe de ce qu’ils auront dit. Elle rappelait aux juges la
redoutable éventualité du Jugement général, où toutes leurs sentences seront
révisées par Celui qui sonde les reins et les Cœurs. Elle rappelait aux législateurs
leur devoir de travailler sans cesse en fonction de l’Ordre éternel fixé par
Dieu, et avec le souci constant de conduire les hommes sur le chemin du salut.
Ainsi le Christ, silencieusement, du haut de cette croix à laquelle il s’est
laissé clouer pour l’amour de nous, diffusait un rayonnement de justice et de
miséricorde sur le gouvernement des peuples, et sa présence était pour tous une
garantie de paix.
Mais hélas! on a enlevé le crucifix des tribunaux et des Parlements,
comme on l’a enlevé des écoles et des hôpitaux. Au mépris de toute justice, au
mépris de l’évidence, on a fait du Christ un ennemi de la société humaine. On a
oublié qu’après avoir dit " Rendez à Dieu ce qui est à Dieu",
il avait dit aussi " Rendez à César ce qui est à César", et que sa
doctrine était le seul fondement possible de l’autorité.
On a repris contre lui la politique des Princes de sa nation, telle que
le Psalmiste l’avait annonée dix siècles à l’avance : " Les rois de
la terre se sont dressés, et les princes se sont concertés contre le Seigneur
Dieu, et pour faire périr son Christ. Brisons - ont ils dit - les liens dont
ils veulent nous enlacer, et rejetons loin de nous le joug de leur loi. "
Ps. II 2,3) On l’a fait entendre à nouveau, sans songer aux conséquences qu’avait entrainées pour les juifs ce
solennel reniement.
Dieu, en effet, semble vouloir les prendre au mot, lorsque, devant
Pilate, insensibles aux traitements odieux subis par l’homme qui, depuis
trente-trois ans, les comblait de bienfaits, ils proclamèrent à l’envi : "Non habemus
regem nisi Caesarem, nous n’avons d’autre roi que César."
(Jean XIX.15) Puisque vous voulez César, ô Juifs,
vous aurez César.
"Voici que le Seigneur a été rempli de colère contre son peuple,
avait dit, dans l’une de ses visions, le prophète Isaïe... Et il a fait signe
au peuple qui domine les extrémités de la terre - (c’est à dire au peuple
romain) - et voici qu’une armée composée de toutes les nations s’avance à
marches forcées. Nul ne peine, nul n’est fatigué parmi ces soldats: ils ne
prendront ni le temps ni de dormir, ni de sommeiller, ni de défaire le baudrier
de leurs reins. Les courroies de leurs chaussures ne se corrompt pas. Leurs
flèches sont perçantes et tous leurs arcs sont bandés. Les sabots de leurs
chevaux sont durs comme la pierre et les roues de leurs chars ressemblent au
bruit de la tempête. Le rugissement de cette armée est semblable à celui des
lions, elle rugira comme les petits des lions. Elle frémira, elle saisira sa
proie, elle l’embrassera étroitement et personne ne sera capable de la lui
enlever. (Is. V
26-29)
Voici qu’ils font venir en effet, ces soldats romains les plus
redoutables alors de l’univers. Avant un demi-siècle ils seront sous vos murs et le siège de Jérusalem dépassera en horreur
les horreurs de tous les temps. Mais quand enfin, ajoutant la guerre civile
à la guerre du dehors, vous vous
entre-tuerez vous-même dans la ville encerclée; quand la famine atteignant
ses dernières limites, conduira une mère à manger son propre enfant; quand le
nombre des Juifs crucifiés par Titus ne permettra plus, les arbres manquant de
faire des croix; quand le flot des Romains, pénétrant dans la ville après un
suprême assaut, aura massacré au hasard les enfant et les femmes, les riches et
les pauvres, les prêtres et le peuple; quand la gloire de la Judée, le Temple
magnifique par Salomon, ne sera plus qu’un brasier immense; quand de la cité
sainte il ne restera pas pierre sur pierre; quand la dure main de César, s’abaissant
sur vous de tout son poids, aura transformé en désert la terre où vous vivez..
alors, mais alors seulement, vous pourrez dire en vérité : "Non habemus
regem nisi Caesarem, nous n’avons pas d’autre roi que César…"
Tragique leçon, qui montre bien le sort auquel s’exposent les peuples lorsqu’ils
ne veulent pas accepter la royauté du Fils de Dieu.
Ils se condamnent eux-mêmes aux plus dures
oppressions : en raison du besoin absolu où se trouvent les hommes d’avoir
un chef pour gouverner la marche de leur société, ceux qui repoussent le Christ
se livrent nécessairement à César.
César : entendez par là tout pouvoir - monocéphate ou polycéphate,
peu importe - tout pouvoir qui, cessant de se considérer comme un intermédiaire
entre l’homme et Dieu, se prend lui-même comme fin et absorbe à son profit la
force de la nation ; vrai César en effet - comme le dit le mot - qui tue
dès sa naissance la mère dont il reçoit la vie.
A qui veut éviter un
sort semblable, un seul moyen se présente : celui que propose le Souverain
Pontife, le retour au Monarque dont "le joug est suave et le fardeau
léger", au Roi de la paix, au Christ Jésus.
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