Du vénérable abbé
Henri Marie Boudon, « Du saint esclavage de la Mère de Dieu », chap.
19, Aimer tout ceux que la
très sacrée Vierge a aimé
Qui
dit esclave de la divine Marie, dit une personne qui est toute à cette auguste
reine du ciel, qui entre dans tous ses sentiments, et qui fuit toutes ses
inclinations, qui ne veut que ce qu'elle veut, et qui aime tout ce qu'elle
aime. L'esclave donc doit être tout plein d'amour et de respect pour les
personnes qui lui ont été les plus chères, et qu'elle a plus considérées.
Notre Dame de la bonne Garde |
Mais
comme entre tous les saints le glorieux saint Joseph a eu avec la très pure
Vierge une liaison plus étroite, lui ayant été donné en qualité d'époux, on
doit avoir pour ce saint une dévotion très particulière. La séraphique sainte
Thérèse en recommande beaucoup la dévotion, assurant n'avoir jamais rien
demandé à Dieu par son intercession, qu'elle ne l'ait obtenu. Elle conseille
d'avoir recours à lui pour les difficultés de l'oraison, et de le choisir pour
le père spirituel de son âme, particulièrement lorsqu'on est destitué des
secours d'un bon directeur, Jésus notre Dieu l'ayant bien voulu choisir pour
son père nourricier, nos âmes ne peuvent être en meilleures mains, après sa
très sacrée épouse.
La
glorieuse sainte Thérèse, dont nous parlons si souvent, et avec une
particulière consolation, dit qu'elle ne sait pas comme l'on peut penser à la
reine du ciel, et au petit enfant Jésus, sans le remercier pour
les assistances qu'il leur a rendues. Le Dieu du ciel et de la terre
s'étant fait homme, a bien voulu lui obéir, c'est ce qui l'élève à des
grandeurs incomparables. Il a voulu dans l'excès de son amour en dépendre, et
il est vrai de dire qu'il est le sauveur du Sauveur. C'est ce qui le met dans
l'ordre de l'union hypostatique, ayant servi en tant de manières à l'adorable
Jésus dont il a été le père putatif, et à la divine Marie la mère de Dieu, et
sa virginale épouse. C'est ce qui fait que plusieurs savants estiment qu'il
fait dans le ciel un chœur à part et hors de tous les chœurs des anges et des
saints, aussi bien que la glorieuse Vierge. Cela est aisé à croire à celui qui
considérera ses emplois auprès de Jésus et de Marie, qui ont été si relevés,
que si les séraphins étaient capables d'envie, sans doute ils en prendraient à
la vue d'un état si sublime. Les élévations de la grâce incomparable de ce
saint sont si hautes, qu'elles surpassent toutes les pensées des hommes :
aussi sa divine vie a été une vie toute cachée, parce que la terre en était
indigne, et ne méritait pas de la connaître. En un mot, c'est tout dire, quand
on dit qu'il a eu un Homme-Dieu pour sujet : si l'on excepte sa sacrée
épouse, il n'y a point d'ange ni de saint, point de créature au ciel et en la
terre, dont cela se puisse dire. Il faut que tout esprit se perde dans cet
abîme de grandeurs. Ces deux qualités de père putatif de Jésus et époux de
Marie, lui donne une gloire qui ne peut souffrir de comparaison dans tout le
reste des créatures. Dans cet état si glorieux ses mortifications ont été
extraordinaires. Saint François de Sales parlant de la mortification de saint
Jean-Baptiste, qui demeurait dans son désert selon sa vocation, se privant de
la conversation d'un Dieu incarné qui était proche de lui, estime que c'est une
des plus grandes qui ait jamais été pratiquée, et il est vrai : mais celle
de saint Joseph en sa précieuse mort la surpasse. Il est privé de la
conversation de Jésus aussi bien que saint Jean-Baptiste ; mais c'est
après l'avoir goûtée et en avoir expérimenté les douceurs. C'est une chose bien
sensible à ceux qui ne respirent que l'amour du paradis, de se voir retardés de
sa bienheureuse possession : mais il est vrai que sa privation toucherait
encore bien plus vivement, si l'on en avait joui quelque temps.
~ Or
ce bon saint (Saint François de Sales) qui savait l'amour de son Maître envers lui, avait de la peine à
supporter qu'il pensât n'en être pas aimé. En vérité, selon les apparences,
saint Joseph pouvait avoir quelque peine de se voir ainsi éloigné de son épouse
et de son divin nourrisson, et encore dans un temps où l'adorable Jésus n'avait
pas encore commencé de paraître, dans un temps où il ne pouvait bien prévoir
qu'il serait nécessaire de donner un autre gardien de la pureté virginale à la
reine du ciel : mais comme sa sainteté était élevée au-dessus de la
perfection de tous les autres saints, il fallait aussi qu'il les surpassât en
ses croix.
On
a recours à saint Joseph pour toutes sortes de besoins, en toutes sortes
d'états ; toutes sortes de personnes le doivent prendre pour patron, mais
spécialement les vierges, ayant été le gardien de la Vierge des vierges, et les
personnes d'oraison, sa vie ayant été une continuelle contemplation de Jésus et
de Marie, vivant et conversant familièrement avec eux dans une si continuelle
contemplation de Dieu, que dans cette sainte famille l'on n'y parlait presque
jamais. Quand on est bien pénétré de Dieu, l'on a bien de la peine à parler aux
créatures, et même des choses divines. Toutes les plus fortes inclinations vont
à la retraite et au silence. L'ordre du Carmel a pris ce grand saint pour
protecteur ; et toutes les personnes qui mènent une vie abjecte, cachée et
inconnue aux hommes, qui ne connaissent pas le monde et que le monde ne connait
pas, doivent honorer avec un respect extraordinaire saint Joseph, et leur état
les mettra en disposition d'en recevoir des faveurs très rares et très
singulières.
Saint
Joachim et sainte Anne doivent tenir le premier rang après saint Joseph, dans
le cœur des dévots de la Mère de Dieu. C'est une doctrine constante que Dieu
donne des grâces conformément à l'état dans lequel il nous met : de là il
faut conclure que les grâces de saint Joachim et de sainte Anne ont été bien
grandes, puisqu'ils ont été choisis pour avoir une fille qui serait la mère du
Créateur de toutes choses. La sainte Vierge, apparaissant un jour à une
personne, lui fit un amoureux reproche de ce qu'elle avait peu de dévotion pour
sainte Anne, sa mère. Comment, lui dit-elle, pouvez-vous dire que vous m'aimez,
ayant si peu d'affection pour la sainte qui a été ma mère ? Ce reproche a
le même lieu à l'égard de ceux qui n’ont pas une dévotion spéciale à saint
Joachim, son père. Il faut donc prendre à tâche de les honorer autant que nous
le pourrons, et d'en inspirer la dévotion en toutes manières possibles.
L'on
doit grandement honorer saint Jean-Baptiste, qui est l'un des premiers sujets
des plus rares faveurs de la Mère de Dieu, ayant été sanctifié à sa divine
voix ; sainte Élisabeth, sa mère, qui fut remplie du Saint-Esprit aussitôt
qu'elle en eut été saluée ; saint Zacharie, le père de saint
Jean-Baptiste, sainte Marie Jacobé et sainte Marie Salomé, ses parentes. Elles
sont honorées spécialement dans le diocèse d'Evreux, et l'on en fit la fête
double dans toutes les églises de ce diocèse le 22 octobre. Mais dans la
cathédrale elle est triple ou de la première classe, et il y a une dévote
chapelle que l'on appelle des Maries, qui est un lieu d'une particulière
dévotion pour tout le peuple d'Evreux. Il y a de plus plusieurs paroisses
dédiées à Dieu sous l'invocation des Maries. Sainte Marie-Madeleine doit être
l'une des saintes de la grande dévotion des esclaves de Notre-Dame. C'est avec
une consolation très grande que nous écrivons ceci la veille de sa fête :
l'amour qu'elle a eu pour le Fils bien-aimé de la très pure Vierge ne nous
laisse aucun lieu de douter de celui qu'elle a eu pour sa très digne mère.
Assurément
c'est l'une des plus grandes amantes de Jésus et de Marie qui fut jamais.
Sainte Marthe, sa sœur, doit entrer dans le rang des patronnes des esclaves ;
saint Lazare, son frère, qui a eu l'honneur de porter la glorieuse qualité
d'ami de Jésus, et qui en a été favorisé de l'un des plus grands
miracles ; enfin, tous les saints et saintes qui ont été les parents de
Notre-Seigneur et de sa divine Mère, ou qui ont eu avec eux quelque liaison
particulière, comme les apôtres et disciples, et les saintes dames qui
suivaient Notre-Seigneur dans ses voyages, et l'assistaient charitablement de
leurs biens ; les rois mages qui ont donné une consolation particulière au
précieux cœur de notre sainte maîtresse, et qui le soulageaient dans sa
pauvreté par leurs présents ; les saints Innocents qui ont souffert la
mort à l'occasion de son saint enfant.
L'on
doit aussi avoir une dévotion spéciale à tous les saints et saintes qui ont
excellé dans l'amour de la très sacrée Vierge, comme à saint Cyrille,
patriarche d'Alexandrie, qui a défendu avec tant de courage et de constance sa
maternité divine, comme nous l'avons déjà remarqué : sa fête se célèbre le
28 de janvier ; à saint Ildefonse, archidiacre, et depuis archevêque de
Tolède, qui a été l'invincible défenseur de sa très pure virginité, et à qui
elle a donné une très belle chasuble, que l'on garde encore avec grand
respect : sa fête se fait le 23 de janvier ; à saint Jean Damascène,
qui a eu la main coupée à son service, écrivant pour la défense de ses images,
et à qui elle restitua la main miraculeusement ; à saint Thomas de
Cantorbéry, qui honorait avec tant de vénération ses sept joies
principales ; à saint Bernard, son cher nourrisson, qui a si admirablement
bien parlé et écrit de ses grandeurs ; à saint Norbert, fondateur du sacré
ordre de Prémontré, et qui a soutenu si saintement le mystère de son Immaculée
Conception ; à saint Anselme, l'un de ses dévots chapelains, qui assure
qu'il est impossible de périr, lorsque l'on a un sincère recours à ses
maternelles bontés ; à saint François d'Assise, qui ne respirait que son
honneur et sa gloire.
Saint
Dominique doit avoir un lieu très particulier parmi les saints qui ont excellé
en la dévotion de la Mère de Dieu ; et l'on peut dire
que ç'a été sa grâce spéciale, et, assurer qu'en ce sujet il a été
l'incomparable. Tout petit qu'il était, ses plus ordinaires entretiens avec ses
compagnons n'étaient que des moyens pour la servir, et il a passé toute sa vie
dans une continuelle occupation de son très pur amour. Il passait la plus
grande partie des nuits à lui réciter trois rosaires, dont il y en avait un
pour les âmes du purgatoire, et cela avec tant de fidélité qu'il a continué cet
exercice tous les jours jusqu'à la mort, même pendant tous ses voyages, quoique
quelquefois il fût accablé de fatigues et de peines, et il se donnait toujours,
durant ces trois rosaires, une sanglante discipline ; et, ce qui est
admirable, c'est que sa discipline était de fer à trois branches, composée
d'anneaux carrés d'une épaisseur considérable. Il passait les jours, les mois
et les années, à la bénir, à la louer, à la servir, à l'aimer, à l'honorer, à
en imprimer l'amour et la vénération dans tous les cœurs. Ordinairement il
n'avait pas d'autre sujet de ses sermons et catéchismes ou exhortations, que
les grandeurs et les bontés de cette reine du paradis ; et il ne pouvait
réussir avec bénédiction pour la conversion des hérétiques et pécheurs, et pour
l'avancement des bonnes âmes dans les voies de la perfection, que par la
prédication du saint Rosaire ; et il disait à ses religieux, que pour
avoir bénédiction dans leurs emplois, ils devaient être singulièrement dévots à
Notre-Dame. Quand il allait par les chemins, sa conversation se passait dans
les discours de la croix et de la sainte Vierge. En fort peu de temps il prêcha
avec tant de ferveur la dévotion de son saint Rosaire, en plusieurs provinces
et royaumes, que des milliers de personnes de toutes sortes d'états, de
conditions et de pays s'y enrôlaient : et par ce moyen il renouvela
l'esprit de dévotion pour la Mère de Dieu dans toute l'Église, et par toute la
terre habitable : et nous voyons encore aujourd'hui, avec joie et consolation,
que cet esprit de piété continue et s'établit de plus en plus parmi tous les
Chrétiens. La Mère de Dieu qui ne se laisse jamais vaincre en amour, a eu pour
ce grand saint tout ce qu'un cœur vraiment maternel peut avoir. À l'âge de huit
à neuf ans elle voulut en être la maîtresse, l'instruisant comme son bien-aimé
disciple : elle lui donna même un chapelet miraculeux. À l'âge de dix-huit
ans elle le choisit pour son époux, elle l'assistait en tous ses besoins, elle
le défendait par miracles, même contre ses ennemis, elle lui donnait des
secours merveilleux dans ses maladies, elle le prenait entre ses bras,
l'appliquait sur sa poitrine virginale pour lui faire reposer, lui faisait
couler de son précieux lait dans la bouche, l'appelant tantôt son ami, tantôt
son enfant, et quelquefois son époux. Ç'a été cette mère d'amour, qui
l'a obtenu à l'Église, et c'est un don qu'elle a fait à tous les fidèles :
après sa mort le siècle dernier, elle même voulut en faire le tableau
miraculeux de sa divine main, et elle le donna, paraissant visiblement avec
sainte Madeleine et sainte Catherine, la martyre protectrice de l’ordre, aux
religieux ses enfants dans le couvent de Loriano. Il s'y est fait un grand
nombre de miracles, et les copies, dont il y en a une dans le célèbre couvent les
Pères réformés de Saint-Honoré de Paris, se gardent avec une
singulière vénération ; non seulement les esclaves de la divine Marie,
mais les ecclésiastiques séculiers aussi bien que les réguliers, et les
premières dignités des diocèses, doivent avoir une dévotion envers ce saint,
ayant été chanoine, archidiacre, grand vicaire, et ensuite fondateur de l'un
des plus célèbres ordres de l'Église.
Saint
Ignace, fondateur de la Compagnie de Jésus, et saint François Xavier, ont
excellé en la dévotion de la Mère de Dieu : le vénérable Alphonse
Rodriguez eut révélation que dans les desseins de Dieu, la compagnie avait été
établie en partie pour soutenir l'immaculée Conception de Notre-Dame. Sainte
Thérèse a toujours aimé et honoré la très pure Vierge comme sa bonne mère, et
auparavant qu'elle entrât dans le couvent de Saint-Joseph, Notre-Seigneur lui
donna une couronne, la remerciant du service qu'elle rendait à sa Mère :
la sainte Mère de Dieu, de son côté remerciant le P. Yvagnes, Dominicain, du
soin qu'il avait pris de sainte Thérèse le revêtit d'un habit blanc miraculeux,
et le combla de ses plus saintes bénédictions. Tout l'ordre du Carmel est sous
sa protection particulière, et elle en est la dame, la protectrice et la mère.
Saint Elie et saint Élisée les premiers Pères de cet ordre doivent être honorés
avec de grands respects. Les saintes Gertrude, Mechtilde, Catherine,
doivent aussi tenir rang parmi les saintes de la dévotion spéciale des
esclaves, aussi bien que saint François de Sales, fondateur d'un ordre tout
dédié à la gloire de cette souveraine du ciel : et enfin tous les saints
et saintes qui ont une application spéciale au service de cette auguste
reine : l'on ne doit pas oublier le bienheureux Herman Joseph, l'un de ses
plus chers favoris.
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