Icône moderne de la Dormition de Notre Dame. |
Lorsqu’il plut au Christ notre
Dieu de rappeler à Lui Sa Mère, Il envoya un Ange, trois jours à l’avance, pour
lui annoncer cette nouvelle. En s’approchant, l’Ange dit à la Pleine de
Grâce : « Voici ce que déclare ton Fils : “le temps est venu de
rappeler auprès de moi ma Mère.” Ne te trouble pas à cette nouvelle, mais
réjouis-toi plutôt, car tu vas partir vers la vie éternelle. » Accueillant
ce message avec grande joie, la Mère de Dieu, emplie du désir ardent de
s’élever vers son Fils, se rendit au mont des Oliviers pour y prier dans la
quiétude, ainsi qu’elle en avait coutume. Il se produisit alors un miracle
étonnant : au moment où la Toute-Sainte atteignait le sommet de la colline,
les arbres qui s’y trouvaient plantés inclinèrent leur ramure, se prosternant
et rendant gloire à la Souveraine du monde, tels des serviteurs doués de
raison.
Statue de la Dormition de Notre Dame, crypte de l'église des bénédictins du Mont Sion, Jérusalem |
Après avoir prié, la
Toute-Sainte retourna chez elle, sur le mont Sion (lieu de Cénacle). Comme elle entrait dans la
maison, tout se mit soudain à trembler. Rendant grâces à Dieu, elle fit
éclairer la demeure, et appeler ses parents et ses voisins. Elle mit elle-même
tout en ordre, arrangea son lit funèbre et ordonna de préparer ce qui était
nécessaire pour les funérailles. Aux femmes qui étaient venues à son appel,
elle révéla la nouvelle de son départ vers le Ciel et, en guise de preuve, elle
leur remit la branche de palmier, symbole de victoire et d’incorruptibilité,
que l’Ange lui avait donnée. Encore attachées par les liens de ce monde, ses
compagnes reçurent cette nouvelle avec force larmes et gémissements, suppliant
la Mère de Dieu de ne pas les laisser orphelines. Celle-ci les rassura :
certes, elle partait vers le Ciel, mais elle n’en continuerait pas moins à les
protéger, elles et le monde entier, par sa prière. À ces paroles, les femmes
cessèrent leurs pleurs et s’empressèrent de faire les préparatifs. La
Toute-Sainte ordonna en outre de donner les deux seules robes qu’elle possédait
aux deux pauvres veuves qui étaient ses compagnes habituelles et ses amies. À
peine avait-elle prononcé ces paroles, que la maison fut de nouveau ébranlée
par un bruit semblable à celui du tonnerre, et elle se trouva remplie de nuées
qui amenaient les Apôtres, rassemblés de toutes les extrémités du monde.
C’était donc toute l’Église qui, en leurs personnes, était mystiquement
présente pour célébrer les funérailles de sa Souveraine. Au chœur des Apôtres
s’était joint celui des saints hiérarques, tels que saint Hiérothée, saint Denys
l’Aréopagite et saint Timothée. Les yeux pleins de larmes, ils dirent à la Mère
de Dieu : « Si tu demeurais dans le monde et vivais parmi nous, nous
en aurions, bien sûr, une grande consolation, ô Souveraine : ce serait
comme si nous voyions ton Fils et notre Maître. Mais puisque maintenant, c’est
selon Sa volonté que tu vas être transportée au Ciel, nous nous lamentons et
pleurons, comme tu le vois. Mais nous nous réjouissons cependant de tout ce qui
a été disposé pour toi. » Elle leur répondit : « Ô Disciples et
amis de mon Fils et de mon Dieu, ne transformez pas ma joie en tristesse, mais
ensevelissez mon corps et gardez-le dans la position que je prendrai sur mon
lit de mort. » À ces mots, arriva à son tour sur les lieux le Vase
d’Élection, saint Paul. Il se jeta aux pieds de la Toute-Sainte pour la
vénérer et lui adressa cette louange : « Réjouis-Toi, Mère de la Vie
et objet de ma prédication. Car, quoique je n’aie point vu le Christ
corporellement, en te voyant, c’est Lui-même que je crois contempler. »
Après avoir fait ses derniers
adieux à tous les assistants, la Toute-Immaculée s’allongea elle-même sur son
lit de mort, disposant son corps comme elle le voulait, et elle offrit
d’ardentes prières à son Fils pour la conservation et la paix du monde entier.
Puis, ayant donné sa bénédiction aux Apôtres et aux hiérarques, souriante, elle
remit paisiblement son âme, blanche et plus resplendissante que toute lumière,
entre les mains de son Fils et de son Dieu, qui était apparu en compagnie de
l’Archange Michel et d’une troupe angélique. Sa mort s’accomplit en effet sans
souffrances ni angoisse, de même que son enfantement avait eu lieu sans
douleurs. Pierre, le Coryphée des Apôtres, entonna alors l’hymne funèbre et ses
compagnons soulevèrent la litière, précédés par d’autres assistants qui
portaient des flambeaux et accompagnaient le cortège de leurs chants, avec à
leur tête saint Jean le Théologien tenant en main la palme de victoire, et
suivis en silence par la foule des disciples. On pouvait aussi entendre les
anges, qui joignaient leurs voix à celles des hommes, de sorte que le ciel et
la terre étaient tout remplis de cette thrène en l’honneur de la Souveraine du
monde. L’air se trouva purifié par l’ascension de son âme, la terre allait être
sanctifiée par la déposition de son corps, et de nombreux malades recouvrèrent
alors la santé. Ne pouvant supporter ce spectacle, les chefs des Juifs
excitèrent des gens du peuple et les envoyèrent renverser la litière sur
laquelle reposait le corps vivifiant. Mais la justice divine devança leur
sombre dessein, et ils furent tous frappés d’aveuglement. L’un d’eux, le prêtre
Jéphonias qui, plus audacieux que les autres, était parvenu à saisir la sainte
couche, eut en plus les deux mains coupées à la hauteur du coude par le glaive
de la colère divine, et ses bras mutilés restèrent accrochés au lit, offrant un
spectacle pitoyable. Porté au repentir par ce châtiment, Jéphonias adhéra de
tout son cœur à la foi ; et à la parole de Pierre, il se trouva guéri et
devint pour ses compagnons un instrument de Salut et de guérison. En effet,
comme on lui avait remis un rameau de la palme de la Mère de Dieu, il
l’appliqua sur les yeux de ses compagnons, et les guérit tous à la fois de leur
cécité corporelle et de leur aveuglement spirituel.
Dormition de Notre Dame, Reine des Anges. |
Parvenus au jardin de
Gethsémani, les Apôtres ensevelirent le corps très saint de la Mère de Dieu et
demeurèrent là pendant trois jours, leurs prières étant sans cesse accompagnées
des hymnes angéliques. Conformément à une disposition de la Providence, l’un
des Apôtres (Thomas selon certains) ne se trouvait pas aux funérailles. Il
n’arriva à Gethsémani que le troisième jour et ne pouvait se consoler de
n’avoir pu contempler une dernière fois le corps déifié de la Toute-Sainte.
Aussi, d’un commun accord, les autres Apôtres décidèrent-ils d’ouvrir le
tombeau, afin qu’il puisse vénérer le saint corps. Une fois qu’on eut enlevé la
pierre qui en fermait l’entrée, ils restèrent tous saisis de stupeur en
constatant que le corps avait disparu et que seul le suaire qui l’enveloppait
restait là, vide, mais gardant la forme du corps. C’était une preuve
irréfutable du transfert au Ciel de la Mère de Dieu, c’est-à-dire de sa résurrection
et de l’ascension de son corps, de nouveau réuni à son âme, au-delà des cieux,
dans l’intimité de son Fils, pour être notre représentante et notre avocate
auprès de Dieu. Marie, fille d’Adam, mais devenue véritablement Mère de Dieu et
Mère de la Vie en enfantant Celui qui est la Vie substantielle
(Jn 14, 6), est donc passée par la mort. Mais sa mort n’est en
rien déshonorante, car, vaincue par le Christ, qui s’y est soumis
volontairement pour notre Salut, la condamnation d’Adam est devenue « mort
vivifiante » et principe d’une existence nouvelle. Et le Tombeau de
Gethsémani, de même que le Saint Sépulcre, est apparu comme une « chambre
nuptiale », où se sont accomplies les noces de l’incorruptibilité.
L'Assomption, Ippolito Andreasi |
Il
convenait en effet que, conforme en tout au Christ-Sauveur, la très sainte
Vierge passe par toutes les voies que le Christ a empruntées pour répandre la
sanctification en notre nature. Après l’avoir suivi dans sa Passion et avoir
« vu » sa Résurrection, elle a donc fait l’expérience de la mort. Dès
qu’elle se sépara de son corps, son âme très pure se trouva unie à la Lumière
Divine, et son corps, étant resté peu de temps en terre, ressuscita bientôt,
par la grâce du Christ ressuscité. Ce corps spirituel fut reçu au Ciel comme le
tabernacle du Dieu-Homme, comme le trône de Dieu. Il est la partie la plus
éminente du Corps du Christ, et il a souvent été assimilé par les saints Pères
à l’Église elle-même, la demeure de Dieu parmi les hommes, prémices de notre
état futur et source de notre divinisation. Des entrailles très chastes de
Marie, Mère de Dieu, le Royaume des cieux nous a été ouvert, c’est pourquoi son
transfert au Ciel est cause de joie pour tous les croyants qui ont ainsi acquis
la garantie, qu’en sa personne, c’est toute la nature humaine, devenue porteuse
du Christ, qui est appelée à habiter en Dieu.
Eglise du tombeau de Marie, à Gethsémani, Jérusalem |
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