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Jan van Eyck, le Paradis, la résurrection des morts et l'Enfer |
Du vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Science et pratique du Chrétien »,
chap. 6
Parmi les grands amants du Fils de Dieu, non
seulement on y désire la mort, mais on est dans une certaine douleur de ce qu’elle
tarde à venir !
Sainte Thérèse était dans cet état lorsqu’elle
chantait si souvent dans un cantique que l’amour de Jésus lui avait inspiré :
Je
meurs de ce que je ne meurs pas.
Mais les ardeurs du zèle de l’amour de Notre Seigneur
qu’avait ce religieux de la Compagnie de Jésus dont il est parlé dans la vie du
grand serviteur de Dieu, le Père Balthazar Alvarez, étaient bien admirables
puisqu’il protestait qu’il serait mort de douleur s’il avait été assuré de ne
pas mourir chaque jour. Ah !
disait ce zélé amant du Fils de Dieu, serait-il bien possible de pouvoir vivre si
l’on était certain d’être douze ou vingt-quatre heures sans aimer Jésus
parfaitement, et dans l’entière
pureté du Divin amour, ce qui n’arrivera dans toute son étendue qu’après la
mort ?
(…) Ainsi ces
désirs de l’amour consommé se reposent dans Jésus aimé et laissent l’âme parmi
ses plus grands efforts, dans une paix toute divine car, étant inspirés par
l’Esprit de Dieu, ils sont accompagnés
du repos sacré qui le suit ; au contraire de ces désirs qui viennent
de l’esprit de la nature et qui laissent le trouble et l’inquiétude.
Cependant, ces
grandes âmes qui vivaient dans les feux et les flammes de l’amour de Jésus
et qui n’eussent pas voulu ou avancer ou retarder leur mort d’un moment hors de
son ordre, quand ce Souverain de toutes choses leur en aurait donné le pouvoir,
ne pouvaient pas, sans se tirer de cette conformité, s’empêcher de temps en
temps de soupirer après sa bienheureuse vue.
C’est ce qui faisait dire à sainte Thérèse, quand
elle entendait sonner l’horloge : Voilà
qui va bien, ô la bonne chose, ces heures qui abrègent le temps de ma vie me
font approcher plus près de la mort.
J’entendis un jour un homme, qui aspirait beaucoup
à l’amour de l’adorable Jésus, dire ces paroles comme on lui demandait à l’ordinaire
comment il se portait : Ô que ma
santé m’est une grande maladie, puisqu’ elle m’éloigne de la mort et que la
maladie me serait une grande santé, puisqu’en me faisant mourir elle me
mettrait dans le parfait amour de Jésus.
Là-dessus il témoignait un grand étonnement de la
joie que l’on se marque les uns aux autres de la bonne santé, ce qu’il estimait
être une désolation sans pareille. Ah !
Dieu, disait-il, encore quelle
douceur et quelle consolation dans tous les accès des maladies qui surviennent,
puisque ce sont autant de sujets d’espérer que la vie présente pourra bientôt
finir.
Mais, ô les agréables nouvelles, quand le médecin
assure que la maladie est mortelle et qu’il n y a plus d’apparence que l’on
puisse vivre plus longtemps.
O aimable
Jésus, que mon âme languisse et se consume du désir de vous voir dans la sainte
Sion.
Que mon
cœur et ma chair brûlent d’ardeur de vous y aimer éternellement !
Heureux celui qui habite dans votre maison, heureux
celui qui a mis en vous seul tout son appui !
O
Seigneur, disposez vous-même dans mon cœur les moyens d’avancer vers vous dans
cette vallée de larmes et, cependant que mon âme soupire après vous
comme le cerf soupire avec ardeur après les sources des eaux.
Que mes larmes deviennent mon pain durant le jour
et durant la nuit, jusqu’à ce que je paraisse devant votre face, ô mon Dieu.
Je me suis souvenu de choses et j’ai répandu mon âme
en moi, même parce que j’espère entrer
jusques dans votre maison où, parmi les chants de louange des saints Anges, je
vous bénirai à jamais.
O mon âme donc, pourquoi êtes-vous triste et
pourquoi me troublez-vous ?
Espérons
en Jésus notre Dieu et notre miséricorde, car nous lui rendrons encore nos
actions de grâces, il est le salut et la joie de notre visage, il est notre
Dieu.