Quand un homme part pour un voyage, il doit savoir où il va. Ainsi en
est-il avec le Grand Carême. Par-dessus
tout, le Grand Carême est un voyage spirituel, et sa destination, c'est Pâque, "la
Fête des fêtes". C'est la préparation pour "l'accomplissement de
Pâque, la véritable Révélation." Nous
devons dès lors commencer en tenant de comprendre cette relation entre le Grand
Carême et Pâques, car elle nous révèle à propos de notre foi et vie Chrétienne
quelque chose de tout à fait essentiel, de tout à fait crucial.
Est-il nécessaire d'expliquer que Pâques est bien plus qu'une des fêtes,
bien plus qu'une commémoration annuelle d'un événement du passé? Quiconque a déjà, ne fut-ce qu'une fois, participé
à cette nuit qui est "plus radieuse que le jour", qui a déjà goûté à
cette joie unique, le sait. [...] A Pâques, nous célébrons la Résurrection du
Christ comme quelque chose qui a eu lieu et nous advient encore. Car chacun
d'entre nous a reçu le don de cette nouvelle vie et le pouvoir de l'accepter et
d'en vivre. C'est un don qui transforme radicalement notre attitude envers tout
en ce monde, y compris la mort. Il nous met en état d'être capables
d'affirmer avec joie "La mort n'est plus!" Oh certes, la mort est
encore là, c'est sûr, et nous lui faisons face, et un jour elle viendra et nous
emportera. Mais c'est notre foi pleine et entière que par Sa propre mort, le Christ a changé la nature même de la mort,
en faisant un passage, une "Pâques", entrée dans le Royaume de Dieu, transformant la tragédie des tragédies en
une victoire ultime. [...]
Telle est la foi de l'Église, affirmée et rendue évidente par ses
innombrables saints. Cependant, est-ce que notre expérience quotidienne n'est
pas que cette foi est très rarement nôtre, que sans cesse nous perdons et
trahissons cette "nouvelle vie" que nous avons reçue en don, et qu'en
fait nous vivons comme si le Christ n'était pas relevé d'entre les morts, comme
si cet événement unique n'avait pas la moindre signification pour nous? [...] Nous oublions cela tout simplement, si
affairés que nous sommes, si plongés dans nos préoccupations quotidiennes – et
parce que nous oublions, nous échouons. Et à travers cet oubli, cet échec, et
le péché, notre vie redevient "vieille" à nouveau – mesquine, sombre,
et pour finir sans signification – un voyage vide de sens vers une fin absurde.
[...] Nous pouvons de temps à autre reconnaître et confesser nos divers
"péchés", et cependant, nous cessons de rapporter notre vie à cette
nouvelle vie que le Christ nous a révélée et donnée. En effet, nous vivons
comme s'Il n'était jamais venu. C'est le
seul véritable péché, le péché de tous les péchés, la tristesse sans fond et la
tragédie de notre christianisme nominal.
Le Christ outragé pour nous, par amour |
Si nous réalisons ceci, alors nous pourrons comprendre ce qu'est Pâques, et pourquoi cela requiers et présuppose le
Grand Carême. Car alors nous pourrons comprendre que les traditions
liturgiques de l'Église, tous ses cycles et offices, existent en tout premier
lieu afin de nous aider à retrouver la vision et le goût de cette nouvelle vie,
que nous avons si facilement perdue et trahie, afin que nous puissions nous
repentir et y revenir. […] Et cependant, la "vieille" vie, celle de
péché et d'insignifiance, n'est pas facilement vaincue et changée. L'Évangile attend et requiers un effort de
la part de l'homme, ce que dans son état présent il est virtuellement incapable
de faire. [...] C'est ici que vient le Grand Carême. C'est l'aide qui nous est
envoyée par l'Église, l'école de repentance qui seule rendra possible
d'accueillir Pâques non pas comme une simple permission de manger, boire et se
détendre, mais en effet comme la fin de ce qui est "vieux" en nous,
comme notre entrée dans ce qui est "nouveau." […] Car chaque année, le Grand Carême et Pâques
sont, à nouveau, la redécouverte et la récupération par nous de ce que nous
avons été fait à travers notre propre mort et résurrection baptismale.
Un voyage, un pèlerinage! Et cependant, alors que nous
l'entamons, alors que nous avons fait le premier pas dans la "radieuse
tristesse" du Grand Carême, nous voyons – loin, très loin – la destination. C'est la joie de Pâques,
c'est l'entrée dans la gloire du Royaume. Et c'est cette vision,
l'avant-goût de Pâques, qui rend radieuse la tristesse du Carême et transforme
notre effort de carême en un "printemps spirituel." La nuit peut bien être noire et longue,
mais tout au long du chemin, une aube mystérieuse et lumineuse semble briller à
l'horizon.
Ne nous prive pas de notre espoir, O Ami de
l'homme ! Gloire à Dieu !
Illustration de la vie cachée en Jésus Christ. Elle seule porte du fruit. |
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