«Non possumus.» Telle était la parole ferme des premiers
chrétiens qui refusaient de renier le Christ et de marcher sur la Croix et qui
préféraient le martyre à tous les honneurs humains. «Non possumus sine dominico vivere.»
Telle était la parole pleine de fierté de ces
premiers chrétiens qui rappelaient à leurs persécuteurs que l’Essentiel pour
eux résidait dans le Sacrement de Vie.
Je ne pensais pas un jour devoir pousser ce même cri, mais en l’adressant non à nos politiques (qui sont
bien incapables d’en mesurer le sens et la portée), mais à nos Evêques, ceux
qui sont nos Pasteurs chargés de veiller sur le Troupeau du Christ Roi et de le
guider vers le Royaume.
«Non possumus.» Ce cri
est celui d’un simple prêtre de France,
un parmi beaucoup d’autres qui, en ces heures, pleure (au sens strict), seul
dans son presbytère, après avoir célébré seul la solennité du Christ Roi de
l’univers devant un écran pour essayer de rejoindre les brebis qui lui sont
confiées, et après avoir dû dire à certaines qu’elle ne pouvaient venir
assister à la Messe, la porte de son église étant fermée. A-t-on souvent vu
dans notre histoire un Curé dire à ses ouailles de ne pas venir à la Messe? Le
comble. Et après cette Messe célébrée seul, mais heureusement pour moi avec
l’Unique, je me suis retrouvé seul devant mon assiette comme sans doute
beaucoup de mes confrères. Et en mangeant ce repas de fête (rions un peu) je me
disais: Mais comment nos Evêques en
sont-ils arrivés là?
Oui, «non possumus».
Nous ne pouvons pas et nous n’en pouvons plus. Nous ne pouvons pas vous suivre
et nous n’en pouvons plus de vos atermoiements, à quelques glorieuses
exceptions près mais que je ne vois que de loin car il ne s’agit pas de mon
Evêque, et nous n’en pouvons plus d’être quasiment abandonnés par ceux qui
pourtant exigent de nous notre obéissance, laquelle d’ailleurs je n’ai pas
l’intention de récuser. Je suis triste
d’avoir comme beaucoup de mes confrères reçu un coup de poignard dans le dos
par l’Archevêque de Paris (que pourtant j’estime) lorsqu’il a invoqué
l’obéissance prononcée le jour de l’ordination pour dire qu’il savait que
certains prêtres en prenaient à leurs aises avec les règles sanitaires (que
c’est beau la délation, car sinon il se serait adressé directement au prêtre).
Je ne me souviens pas, le jour de mon ordination, avoir entendu l’Evêque qui
m’a imposé les mains me demander si j’obéirais aux règles sanitaires. Par
contre, je l’ai entendu me demander: «Voulez-vous devenir prêtre, collaborateur des
évêques dans le sacerdoce, pour servir et guider le peuple de Dieu sous la
conduite de l’Esprit Saint? Voulez-vous accomplir fidèlement le ministère de la
Parole, c’est-à-dire annoncer l’Évangile et exposer la foi catholique?
Voulez-vous célébrer avec foi les mystères du Christ, selon la Tradition de
l’Église, pour la louange de Dieu et la sanctification du peuple chrétien?
Voulez-vous, de jour en jour, vous unir davantage au souverain prêtre Jésus
Christ qui s’est offert pour nous à son Père, et avec lui vous consacrer à Dieu
pour le salut des hommes?»
Et c’est justement cela que l’on m’empêche aujourd’hui d’accomplir
non seulement parce qu’un Etat laïc nous l’impose, et de quel droit, mais en
plus parce que nos Evêques se font le
‘bras armé’ de ce pouvoir contre les prêtres et les fidèles. Il paraît, à
entendre l’Archevêque, qu’un des grands vecteurs de la propagation du virus est
la communion dans la bouche. Outre le fait qu’aucune étude scientifique n’est
venue à ce jour apporter la preuve de cette affirmation, il me semble très détestable qu’un Pasteur jette le discrédit non
seulement sur une pratique multiséculaire et respectée par de saintes âmes
aujourd’hui comme hier (je ne noterai que Ste Mère Térésa et St Jean Paul II),
mais qui, en plus, est une loi universelle de l’Eglise, la communion dans la
main n’étant à ce jour qu’un indult. Or une décision épiscopale locale ne
peut remettre en cause une loi universelle de l’Eglise, à moins que l’autorité
supérieure ne l’approuve, en l’occurrence le Pape par l’intermédiaire du Préfet
du Culte divin, le Cardinal Robert Sarah, ce qui ne me semble pas avoir été le
cas.
Mais ce «non possumus»
je le clame également lorsque je constate votre
quasi réprobation des nombreux rassemblements qui ont lieu ces jours-ci, notamment
devant certaines de vos cathédrales, pour demander le retour de la Messe.
Et pour vous donner bonne conscience, vous dites: «Ce sont les traditionalistes». Mais quand aurez-vous fini de
diviser le Troupeau qui vous est confié? Non,
ce ne sont pas des traditionalistes, voire même des intégristes pour certains,
mais des catholiques. Car je suis prêtre et Curé d’une paroisse tout à fait
ordinaire de France et je sais que nombre de mes paroissiens sont à prier
devant la cathédrale de mon Diocèse. Mais à vous entendre, traiter aujourd’hui quelqu’un de traditionaliste, c’est en fait
simplement dire qu’il est catholique! Oui, vous êtes en train de diviser
profondément l’Eglise encore plus qu’elle ne l’est, en montant les
catholiques les uns contre les autres, comme s’il y avait d’un côté les bons :
ceux qui ne disent rien et restent sagement chez eux; et les mauvais, qui
braillent en récitant le chapelet devant les églises pour réclamer un droit
qui, non seulement est constitutionnel dans notre pays, mais qui surtout est
essentiel pour un croyant. Dans cette affaire, il n’y a ni bon ni mauvais dans
la mesure où chacun agit selon sa conscience. Et pour une fois que les laïcs prennent les choses en main dans le domaine
qui est le leur, on leur dit de se taire. Cléricalisme quand tu nous tiens !
«Non possumus.» Je le
dis aux gouvernants de notre pauvre pays. Je ne sais ce que nous réserve le
gouvernement qui en prend tellement à son aise avec nos libertés (et je pense
en ces heures à tous ces Français qui souffrent, non d’un virus, mais d’une
situation de laquelle ils ne se relèveront pas et que je risque avec mes
confrères de retrouver dans les cercueils après leur suicide, ce qui est déjà
le cas). Mais je le dis surtout à nos Evêques: pourquoi n’avoir pas rappelé fermement à ces gouvernants que
l’Essentiel ne se trouve ni dans l’argent ni dans la nourriture, mais dans le
Ciel ? Et de l’avoir rappelé sans crainte des rugissements des médias,
voire d’une inévitable incompréhension. Mais depuis l’Incarnation, le Christ est la pierre sur laquelle on
achoppe. Il sera toujours un signe de contradiction et encore plus lorsque l’on
s’éloigne de la Vérité. La solennité du Christ Roi est là pour nous le
rappeler.
Oui c’est un prêtre qui n’en peut plus, sans être désespéré, qui
vous envoie ce cri. Et l’époque est
telle qu’il ne peut signer ce cri sans risque, non pour sa carrière, mais pour
ne pas devoir un jour finir dans le cercueil de la même façon que ceux évoqués
plus haut, même s’il sait qu’il doit se préparer chaque jour à la grande
rencontre avec l’Autre, avec l’Essentiel, en espérant que le divin Roi lui
dira: «Ce que tu as fait à l’un de ces
petits, c’est à moi que tu l’as fait.»