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Sainte Marie proclamée Mère de Dieu au saint Concile d'Ephèse (431) |
Du
vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Dieu seul ou le saint esclavage de
l’admirable Mère de Dieu », chap. 3, Honorer arec toute sorte de respect la
maternité divine, et l'amour incomparable du précieux cœur de la glorieuse
Vierge
C'est une chose qui n'avait jamais été
ouïe, dit le dévot saint Bernard, qu'une Vierge fût mère et vierge tout
ensemble : mais si vous considérez de qui elle est Mère, où est-ce que
nous portera l'admiration d'une si éminente dignité ? N'est-ce pas Marie, qui peut sans crainte
appeler le Dieu et le Seigneur des anges, son fils, disant : Mon
Fils, pourquoi avez-vous fait cela ? (Luc, II, 48) Qui
est-ce des anges qui oserait parler de la sorte ? Mais Marie se
connaissant mère, donne avec assurance le nom de fils à cette sublime Majesté
que les anges adorent avec respect ; ce
Dieu à qui les anges font hommage, à qui les principautés et puissances
obéissent, était sujet à Marie, et non-seulement à Marie, mais aussi à Joseph
pour l'amour de Marie.
Qu'une
Vierge, poursuit ce Père, domine dessus un Dieu, c'est une sublimité qui n'a jamais eu et qui n'aura jamais de pareille.
Mais toutes ces élévations si éminentes ont pris leur origine de ses
humiliations abyssales : c'est
par l'humilité qu'elle a conçu, disent les Pères, s'abîmant devant l'infinie
majesté de Dieu, qui s'anéantissait pour nous dans ses pures entrailles au
moment de l'incarnation : et ce fut pour lors qu'étant élevée à une
dignité presque infinie par la qualité de Mère de Dieu, que le ciel lui
donnait, elle ne prit que celle de sa servante, et l'on peut bien croire
qu'elle choisit même le plus bas et vil degré de servitude, qui est celui de
l'esclavage. Dieu ayant arrêté les yeux sur cette humilité de sa servante, comme elle le chante elle-même dans
son divin cantique (Luc., I, 46 et seq.), c'est la cause pour laquelle toutes les nations la disent bienheureuse :
mais plus grand bonheur, et qui est la source de toutes les autres faveurs dont
le ciel l’a comblée, est sa maternité divine, qui, lui donnant la qualité de souveraine des anges et des hommes, de
reine du ciel et de la terre, fait le fondement de la dévotion de son saint
esclavage. C'est pourquoi tous ses esclaves doivent avoir tous les respects
possibles pour sa maternité ; ils doivent vivre et mourir dans une
dépendance très étroite d'une dignité si glorieuse ; invoquer souvent la
très-sainte Vierge sous le nom de Mère de Dieu : qualité admirable, qui a
fait le sujet de toutes les plus tendres et plus fortes affections des premiers
fidèles, et de tous les plus zélés catholiques.
Les
fidèles esclaves doivent de plus honorer
grandement l'amour de cette mère de la belle dilection, et son cœur virginal,
qui a été le siège de cet amour et le principe de la vie humaine et sensible du
saint enfant Jésus, puisque pendant que l'enfant est dans le ventre de sa
mère, le cœur de la mère est tellement la source de la vie de l'enfant, aussi
bien que de sa propre vie, que la vie de l'enfant n'en dépend pas moins que
celle de la mère. Cœur, principe de deux
vies si nobles et si précieuses, principe de la vie très pure et très sainte de
la Mère de Jésus, principe de la vie humainement divine, et divinement humaine
du fils de Marie : cœur sur lequel le divin enfant Jésus a pris tant de
fois son repos, qui par sa chaleur naturelle a produit et formé le très pur
lait dont il a été nourri ; cœur, la partie la plus noble et la plus
vénérable du corps virginal qui a donné un corps au Verbe éternel, qui sera
éternellement l'objet des adorations de tous les esprits bienheureux. C'est
ce qui donne à ce cœur, lorsqu'il est considéré non-seulement comme matériel et
corporel, mais encore en tant qu'il signifie tout l'intérieur de l'admirable
Vierge Mère de Dieu, des grandeurs qui sont entièrement ineffables : car
je rencontre dans ce cœur l'amour des séraphins, la plénitude de la science
chérubins, la paix des trônes, la grandeur des dominations, la force des
puissances, le gouvernement des principautés, l'excellence des vertus, le soin,
le zèle, la charité, la pureté des archanges et des anges. Ô cœur ! Que tu es admirable ! J'y trouve la justice des
patriarches, la connaissance des prophètes, la religion d'Abel, la piété
d'Enoch, l'a foi d'Abraham, l'obéissance d'Isaac, la constance de Jacob, le
zèle de Moïse et d'Elie, et tous les plus fervents désirs des anciens Pères. Ô
cœur glorieux, qui renferme en toi seul toutes les excellences et vertus de
l'Ancien Testament ! Je remarque dans ce cœur la charité des apôtres,
la force des martyrs, la fidélité des confesseurs, la pureté des vierges, la
retraite des solitaires et toute la sainteté des âmes les plus éminentes. Ô
cœur tout divin, rempli de toutes les grâces de la loi nouvelle ! Est totum quod
vides, tout ce qui s'entend, tout ce qui se lit, tout ce qui se voit, tout
ce qui y a de grand au ciel et en la terre, c'est ce cœur sacré et tout
précieux. Ramassez en un toutes les
lumières du soleil, de la lune et des étoiles ; mettez vous devant les
yeux toutes les clartés des corps des bienheureux : ô mon Dieu quel
spectacle ! Il n'y a point de corps de bienheureux qui n'ait plus de
clarté que le soleil. Mais combien y en aura-t-il dans l'Empyrée ?
Combien donc d'aimables soleils dans ce séjour de félicité ? Cependant ce
cœur glorieux a plus lui seul de lumières. Figurez-vous
toute la puissance des anges, dont un seul vaut plus qu'une armée, selon le
témoignage de l'Écriture. Considérez la
force du moindre des démons, qui n'ayant plus de grâce ne jouit plus que de ce
qu'il a en sa nature, et ne laisse pas d'être terriblement
redoutable ; méditez ensuite qu'elle doit être la puissance d'un
bon ange, et de tous les saints anges ensemble ; ce grand et digne cœur
est lui seul plus puissant. Joignez en eux tous les amours, ce cœur très
aimant en a plus et pour Dieu et pour les hommes : Est totum quod
vides, et totum quod non vides.
Hélas ! après avoir tout dit, nous n'avons rien dit encore. Ce cœur n'aime pas comme les séraphins, ne
connaît pas comme les chérubins, n'est pas saint comme les plus grands saints,
puisque tous ces amours, toutes ces lumières, toutes ces saintetés ne sont que
des amours, des lumières et des saintetés de serviteurs ou d'amis ; mais
les grandeurs de Marie sont des grandeurs d'une mère qui a pour fils un Dieu :
et ces grandeurs sont plus hautes que le ciel, plus profondes que les abîmes,
plus larges que la région des airs, et aussi longues que l'éternité même. Il
n'y a que celui-là seul qui l'a faite, qui la connaisse pleinement. Si l'on mettait d'un coté ce cœur virginal,
et de l'autre tous les anges et tous les saints ensemble, ce seul cœur, le très
uniquement unique cœur entre tous les bons cœurs des pures créatures
l'emporterait. Dieu fait plus d'état de lui seul, Dieu en est plus
glorifié, et il est plus cher à Dieu.
Ah !
Cœur donc la merveille de tous les cœurs ! Ah ! Cœur dont l'amour est
le miracle de tous les amours ! Cœur le plus ravissant de tous les cœurs,
puisque tu as ravi le cœur du Père éternel, son Fils bien-aimé ; cœur, le
roi de tous les cœurs, puisque tu es le cœur de la Mère d'un Dieu ; cœur béni entre tous les cœurs, puisque tu
es une source inépuisable de bénédictions ; cœur le plus obligeant de tous
les cœurs après l'incomparable cœur de Jésus, puisque les obligations que nous
lui avons, sont presque infinies et en quantité et en qualité. Qu'un chacun
porte ses dévotions où il voudra : pour moi, j'entends qu'après mon Dieu,
ô aimable, ô doux, ô ravissant objet, tous les désirs qui s'écloront dans mon
cœur, tous les mouvements qui s'élèveront dans mon âme, tous les actes qui se
formeront dans ma volonté, toutes mes actions soient consacrées à ta gloire
pour la gloire de Jésus, qui doit lui seul être aimé et loué en tous les amours
et en toutes les louanges.
Ô cœur
inestimable ! Je t'aime plus que mes yeux, plus que mon cœur, plus que ma
propre vie, plus que les anges, plus que les saints. Mais c'est ici, mon
cœur, où il faut s'élargir dans l'aveu que ce cœur mérite plus d'amour que tous
les cœurs, puisqu'il y a plus de Dieu seul. Repassons par notre esprit,
considérons toutes les dévotions des âmes les plus ferventes de l'ancienne et
de la nouvelle loi. Quel zèle pour les saints anges, quelle ferveur pour tant
de saints et de saintes dans les cœurs de leurs dévots ! Mettons en suite
et joignons ensemble tout ce zèle, toutes ces ferveurs, ce n'est pas encore assez
pour ce cœur admirable, qui mérite l'empire de tous les cœurs. S'ils étaient
tous en mon pouvoir, ils en deviendraient bientôt la conquête, ils en seraient
bientôt les esclaves, puisque Dieu même s'y est bien voulu assujettir : et
c'est ce qui l'a rendu un abîme de grâces, qui contient en soi un nombre
presque infini de toutes sortes de bénédictions. Il faudrait être sans cœur pour ne pas honorer d'une manière très
spéciale ce cœur maternel de notre très bonne mère et très glorieuse dame,
particulièrement après que Notre-Seigneur a bien voulu de sa propre bouche en
enseigner la dévotion, en la personne de sainte Mathilde, de l'ordre
de Saint-Benoit, qui, étant en peine quelle dévotion elle pratiquerait
pour se rendre plus agréable à la très sainte Vierge, cet adorable Sauveur lui
apprit à saluer son béni cœur. Le bienheureux Herman, de l'ordre de
Saint-Dominique, l'honorait tous les jours par quelque pratique pieuse :
sainte Gertrude lui était singulièrement dévote.
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