Lettre apostolique « Patris corde » à l’occasion du 150e anniversaire de la déclaration de S. Joseph comme Patron de l’Eglise universelle
7. Père
dans l’ombre
L’écrivain polonais Jan Dobraczyński, dans son livre L’ombre du
Père, a raconté la vie de saint Joseph sous
forme de roman. Avec l’image suggestive de l’ombre il définit la figure de Joseph qui est pour Jésus l’ombre sur la terre
du Père Céleste. Il le garde, le protège, ne se détache jamais de lui pour suivre
ses pas. Pensons à ce que Moïse rappelle à Israël : « Tu l’as vu aussi au
désert : Yahvé ton Dieu te soutenait comme un homme soutient son fils » (Dt 1,
31). C’est ainsi que Joseph a exercé la paternité pendant toute sa vie.
On ne naît pas père, on le devient. Et on
ne le devient pas seulement parce qu’on met au monde un enfant, mais parce
qu’on prend soin de lui de manière responsable. Toutes les fois que
quelqu’un assume la responsabilité de la vie d’un autre, dans un certain sens,
il exerce une paternité à son égard.
Dans la société de notre temps, les enfants semblent souvent être orphelins
de père. Même l’Église d’aujourd’hui a
besoin de pères. L’avertissement de saint Paul aux Corinthiens est toujours
actuel : « Auriez-vous des milliers de pédagogues dans le Christ, vous n’avez
pas plusieurs pères » (1 Co 4, 15). Chaque prêtre ou évêque devrait pouvoir dire comme l’apôtre : « C’est
moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus » (ibid.).
Et aux Galates il dit : « Mes petits-enfants, vous que j’enfante à nouveau dans
la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous » (4, 19).
Le bonheur de Joseph n’est pas dans
la logique du sacrifice de soi, mais du don de soi. On ne perçoit jamais en cet homme de la
frustration, mais seulement de la confiance. Son silence persistant ne contient
pas de plaintes mais toujours des gestes concrets de confiance. Le monde a besoin de pères, il refuse
les chefs, il refuse celui qui veut utiliser la possession de l’autre pour
remplir son propre vide ; il refuse ceux qui confondent autorité avec
autoritarisme, service avec servilité, confrontation avec oppression, charité
avec assistanat, force avec destruction. Toute vraie vocation naît du don de
soi qui est la maturation du simple sacrifice. Ce type de maturité est demandé
même dans le sacerdoce et dans la vie consacrée. Là où une vocation
matrimoniale, célibataire ou virginale n’arrive pas à la maturation du don de
soi en s’arrêtant seulement à la logique du sacrifice, alors, au lieu de se
faire signe de la beauté et de la joie de l’amour elle risque d’exprimer
malheur, tristesse et frustration.
La paternité qui renonce à la tentation de vivre la vie des enfants ouvre
toujours tout grand des espaces à l’inédit. Chaque enfant porte toujours avec
soi un mystère, un inédit qui peut être révélé seulement avec l’aide d’un père
qui respecte sa liberté. Un père qui est conscient de compléter son action
éducative et de vivre pleinement la paternité seulement quand il s’est rendu
“inutile”, quand il voit que l’enfant est autonome et marche tout seul sur les
sentiers de la vie, quand il se met dans la situation de Joseph qui a toujours su que cet Enfant n’était pas le sien mais avait
été simplement confié à ses soins. Au fond, c’est ce que laisse entendre
Jésus quand il dit : « N’appelez personne votre Père sur la terre : car vous
n’en avez qu’un, le Père céleste » (Mt 23, 9).
Chaque fois que nous nous trouvons dans la condition d’exercer la
paternité, nous devons toujours nous rappeler qu’il ne s’agit jamais d’un
exercice de possession, mais d’un
“signe” qui renvoie à une paternité plus haute. En un certain sens, nous
sommes toujours tous dans la condition de Joseph : une ombre de l’unique Père
céleste qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber
la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45) ; et une
ombre qui suit le Fils.
« Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère » (Mt 2, 13),
dit Dieu à saint Joseph.
Le but de cette Lettre Apostolique est de faire grandir l’amour envers ce grand saint, pour être poussés à
implorer son intercession et pour imiter ses vertus et son élan. En effet,
la mission spécifique des saints est non seulement d’accorder des miracles et
des grâces, mais d’intercéder pour nous devant Dieu, comme l’ont fait Abraham et Moïse, comme le fait Jésus, «
unique médiateur » (1 Tm 2, 5) qui est auprès de Dieu Père
notre « avocat » (1 Jn 2, 1), « toujours vivant pour
intercéder en [notre] faveur » (He 7, 25 ; cf. Rm 8,
34). Les saints aident tous les fidèles
« à chercher la sainteté et la perfection propres à leur état ». Leur vie est une preuve concrète qu’il est possible de
vivre l’Évangile.
Jésus a dit : « Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur
» (Mt 11, 29), et eux sont à leur tour des exemples de vie à
imiter. Saint Paul a explicitement exhorté : « Montrez-vous mes imitateurs »
(1 Co 4, 16). Saint Joseph le dit à
travers son silence éloquent. Devant l’exemple de tant de saints et de saintes,
saint Augustin s’est demandé : « Ce que ceux-ci et celles-ci ont pu faire, tu
ne le pourrais pas ? ». Et il a ainsi obtenu la conversion définitive en
s’exclamant : « Bien tard, je t’ai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle!
».
Il ne reste qu’à implorer de saint Joseph la grâce des grâces : notre conversion.
Nous lui adressons notre prière :
Donné à Rome, Saint Jean de Latran, le 8 décembre, Solennité de l’Immaculée
Conception de la B.V. Marie, de l’année 2020, la huitième de mon Pontificat.
François pp.
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