Arnold Böcklin, le Christ mort, détail |
« Traité
de la Foi, de l'Espérance et de la Charité », in Œuvres complètes de Saint
Augustin,
sous la direction de M. Raulx, Bar-Le Duc, 1869, Tome XII,
pp. 1-43
Chap. CIX, Du séjour des âmes avant la Résurrection
Dans l'intervalle qui sépare la mort de la résurrection
générale, les âmes résident dans un séjour mystérieux, séjour de repos ou de
tourment, selon le sort qu'elles ont mérité lorsqu'elles étaient enfermées dans
les liens du corps.
Jacopo Vignali, Saint Michel délivre une âme au Purgatoire |
Il est incontestable que
les âmes des morts sont soulagées par la
piété des vivants, quand on fait offrir pour elles le sacrifice du Médiateur ou
qu'on répand des aumônes dans l'Eglise.
Mais, pour recevoir ce
soulagement, on doit s'en être rendu digne pendant la vie car, il y a une manière de vivre qui n'est ni
assez parfaite pour se passer de semblables secours après la mort, ni assez
criminelle pour ne pas en retirer quelque fruit. En revanche il y a une
perfection dans la vertu qui n'a pas besoin de ces secours, comme il y a dans
le mal un degré où ils deviennent superflus. Par conséquent, il dépend de nous
de mener ici-bas une vie qui aggrave ou permette d'alléger nos peines dans
l'autre monde, et il serait insensé de compter après la mort sur une faveur que
l'on n'aura pas songé à mériter pendant sa vie.
Ainsi l'usage où est
l'Eglise de prier pour les défunts, ne contredit pas cette pensée de l'Apôtre :
« Nous devons tous comparaître devant le
tribunal de Jésus-Christ, afin que chacun reçoive ce qui est dû aux bonnes ou
aux mauvaises actions qu'il aura faites pendant qu'il était revêtu de son corps
» ; puisque ces âmes auront mérité, par leurs actions ici-bas, les soulagements
de l'Eglise. Tous, en effet, ne reçoivent
pas ces soulagements, et d'où peut venir cette exception, sinon de la
différence même dans la conduite qu'ils ont menée ici-bas ?
Donc le sacrifice de l'autel et les aumônes
faites à l'intention de tous les fidèles défunts, sont des actions de grâce
pour les chrétiens accomplis, des offrandes propitiatoires, pour les chrétiens
imparfaits ; quant aux méchants, ils n'en retirent aucun fruit ;
dans tous les cas, ces prières servent à consoler les vivants. Les âmes à qui elles sont utiles, voient
leurs peines annulées ou du moins allégées.
Chap. CXI, Deux Cités éternelles après le Jugement général
Après la Résurrection, quand le jugement de toutes les âmes
aura été clos, seront séparées les deux cités, celle de Jésus-Christ et celle
du démon ;
l'une sera le séjour des bons, l'autre celui des méchants ; toutes deux auront pour habitants des anges
et des hommes.
Jérôme Bosh, âme montant au Ciel dans les mains de ses saints Anges gardiens |
Les bons perdront toute
volonté : les méchants, tout pouvoir de pécher, la mort disparaîtra mais
les uns vivront au sein d'une pure et éternelle félicité, les autres existeront
au sein des tourments et comme dans une mort éternelle sans pouvoir mourir,
car, la durée des peines comme du bonheur n'aura pas de fin : toutefois il y
aura des degrés dans la félicité comme dans les supplices.
Chap. CXII,
Le supplice des damnés doit être éternel
C'est donc à tort que
parfois ou plutôt en général, on se
laisse toucher d'une piété toute humaine pour les malheureux qui doivent
subir un châtiment éternel et des tourments sans fin, et qu'on s'imagine que
ces peines auront un terme. Sans doute on n'attaque pas les Ecritures, mais,
en obéissant aux mouvements du cœur, on
adoucit les passages trop sévères, et on plie à un sens moins rigoureux des
paroles où l'on se plaît à voir une menace plutôt que la vérité.
Dieu, dit-on, n'oubliera
pas sa miséricorde et ne mettra pas lui-même, dans sa colère, une borne à
sa pitié. Ce sont bien là, en effet, les expressions du Psalmiste, mais elles
ne s'appliquent évidemment qu'à ceux qui sont appelés « des vases de miséricorde », parce qu'ils ne doivent pas leur
délivrance à leurs propres mérites, mais à la miséricorde de Dieu. Voudrait-on
que ce passage s'appliquât indifféremment à tous les hommes ? On ne
saurait, sans une grave inconséquence, reconnaître une limite au supplice des
damnés dont il est écrit : « Ils iront au feu éternel » ; car
il faudrait du même coup admettre que les justes, ceux qui iront dans « la vie éternelle », verront mettre un
terme tôt ou tard à leur félicité.
Qu'on croie, si on le veut, qu'après un certain laps de temps, le châtiment des damnés sera allégé dans une certaine mesure. Cette hypothèse, en effet, ne contredit pas la vérité : la colère de Dieu, synonyme ici de condamnation, puisque Dieu est étranger à tout mouvement des passions, subsiste contre ces malheureux, et par conséquent « Dieu, dans sa « colère », en d'autres termes, sans abjurer sa colère, « ne met pas de, bornes à sa miséricorde » ; il est miséricordieux, non en mettant un terme aux tourments éternels, mais en adoucissant les supplices ou en les tempérant par de certains soulagements. Ainsi on respecte la pensée du Psalmiste, qui ne dit pas que Dieu sera miséricordieux pour mettre un terme à sa colère ou après y avoir renoncé, mais qu'il ne mettra pas de bornes à sa compassion, tout en gardant sa colère.
Qu'on croie, si on le veut, qu'après un certain laps de temps, le châtiment des damnés sera allégé dans une certaine mesure. Cette hypothèse, en effet, ne contredit pas la vérité : la colère de Dieu, synonyme ici de condamnation, puisque Dieu est étranger à tout mouvement des passions, subsiste contre ces malheureux, et par conséquent « Dieu, dans sa « colère », en d'autres termes, sans abjurer sa colère, « ne met pas de, bornes à sa miséricorde » ; il est miséricordieux, non en mettant un terme aux tourments éternels, mais en adoucissant les supplices ou en les tempérant par de certains soulagements. Ainsi on respecte la pensée du Psalmiste, qui ne dit pas que Dieu sera miséricordieux pour mettre un terme à sa colère ou après y avoir renoncé, mais qu'il ne mettra pas de bornes à sa compassion, tout en gardant sa colère.
D'ailleurs, qu'on suppose cette peine aussi légère qu'on peut la souffrir dans l'enfer : se voir mort au royaume de Dieu, exilé de la Cité céleste, étranger à la vie de Dieu, privé des douceurs sans nombre que Dieu « réserve à ceux qui le craignent et communique à ceux qui espèrent en lui », quel supplice ! Il est si affreux dans sa durée infinie, qu'il ne peut être comparé à aucun des tourments que nous connaissons, dût-on les endurer des milliers de siècles.
Luca Signorelli, Les damnés, fresque dans la Cathédrale d'Orvieto |
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