Dédicace du Latran |
Lorsqu’en 313
Constantin rendit la paix à l’Église, il dota celle-ci avec une munificence
impériale. Partout surgissaient de somptueuses basiliques : en Terre
sainte, au Mont des Oliviers, au Saint-Sépulcre, à Bethléem, à Antioche, à
Constantinople…
Rome surtout
bénéficia de ses largesses : Sainte-Croix de Jérusalem, Sainte-Marie-Majeure,
les Saints-Apôtres, Saint-Paul-hors-les-murs, Saint-Laurent-hors-les-murs,
Saint-Pierre les proclament à l’envie. Une pourtant éminemment, somptueuse
entre toutes : la donation du Latran au pape Miltiade (+314).
Édifié sur le plan
des luxueuses demeures patriciennes, le vaste palais des « Laterani » dominait de ses
constructions et de sa basilique les flancs du Cœlius à l’intérieur de la cité.
Le jour où S.
Sylvestre (+337) dressa sa chaire, « le
saint siège apostolique » au fond de l’abside de la basilique
constantinienne, il fit du Latran le centre de l’enseignement et du
gouvernement de l’Église. En y consacrant son autel (324) il en fit le foyer de
la liturgie catholique. Comme l’enseignait le Pape Pie XI lors du XVIème
centenaire de cette dédicace (9 novembre 1924) : « Basilicam...
effectam esse Pontificis, ut Episcopi Romani et œcumenici, ut heredis integrae
apostolicae potestatis, Cathedralem Eccesiam ». Elle est la cathédrale
de l’Évêque de Rome, l’église œcuménique de la catholicité.
Successivement, les
Pontifes Romains agrandirent et enrichirent leur résidence en y construisant
leurs oratoires, baptistères, cloîtres, bibliothèques, hospices et galeries.
Tour à tour détruite
par les Vandales de Genséric et reconstruite par S. Léon le Grand (+461) et
Adrien I (+795) ; ruinée par les Normands et rebâtie par Serge III (+911) ;
incendiée une première fois en 1308 et réédifiée par Clément V (+1314) ;
incendiée à nouveau en 1360 et reconstruite par Urbain V (+ 1370) et Grégoire
XI (+1378).
La Cathédrale des
Papes reçut la translation des chefs de S. Pierre et de S. Paul dans le
ciborium qui surmonte l’autel papal ; la nouvelle consécration de l’église
fut célébrée en l’honneur de S. Jean-Baptiste par Serge III (+911) et la
dédicace complémentaire à S. Jean l’Évangéliste par Lucius II (+1145). Par une
solennité spéciale la liturgie a perpétué le souvenir de la première
consécration de l’Archibasilique. Chaque
année, en effet, le 9 novembre, l’Église universelle célèbre cet événement
capital : « Dedicatio Archibasilicae S. Salvatoris »,
fête pour toute l’Eglise.
Cinq Conciles œcuméniques
(1123 - 1139 - 1179 - 1215 - 1512) se réunirent dans ses murs. Le départ de
Clément V pour Avignon en 1307 arrête brusquement cette ère glorieuse. Le long
séjour des papes en France (1307-1377) laissa leur palais désert.
Transportée dans des
cadres nouveaux, la liturgie pontificale dut s’adapter à leurs exigences.
Désormais, c’est dans les chapelles du palais avignonnais que Clément V et ses
successeurs célèbrent les fonctions sacrées. Par une conséquence toute
naturelle, la liturgie papale évolue en liturgie de cour. Le terme si
caractéristique de « chapelles pontificales palatines »
désigna non seulement les oratoires du palais construits par les papes, mais
aussi, et surtout, les fonctions liturgiques que les souverains pontifes y
célébraient. Ce cérémonial liturgique finit par se cristalliser dans des formes
traditionnelles.
La Chaire de Saint-Pierre |
De plus, à leur retour à Rome (1377), les papes ne
s’établissent plus au Latran. C’est le palais du Vatican en hiver, celui du
Quirinal en été, qui deviennent les résidences pontificales habituelles.
Déjà, lors de son
retour éphémère, dans la ville, Urbain V (+1370) avait habité le Vatican. De ce
chef, l’importance de la basilique de
Saint-Pierre allait s’affirmer grandissante. Sans doute, la sollicitude de
Martin V (+1431) et d’Eugène IV (+1447) pour le Latran se dépense en
d’importants travaux de restauration. Mais l’attention des Papes se concentre
de plus en plus sur la basilique vaticane. Nicolas V (+1455) résolut de
reconstruire de fond en comble l’ancienne basilique. En 1452, il donna ordre
d’attaquer les travaux. Brusquement, la mort du Pape arrêta l’entreprise.
Ce n’est que
cinquante ans plus tard que celle-ci fut reprise : en 1506, Jules II, en présence de trente-cinq cardinaux, procéda à la
pose de la première pierre. Sous la vigoureuse impulsion de ce pape (+1513),
de son successeur Léon X (+1521), et plus tard de Paul V (+1621), les efforts
combinés du Bramante (+1514) et de Raphaël (+1516) dressèrent la fameuse
Basilique que Michel-Ange (+1564) recouvrit d’une coupole, et qu’achevèrent
Maderna (+1629) et le Bernin (+1680). Et pourtant, malgré tant de travaux et
d’embellissements qui firent de la basilique vaticane l’église la plus vaste et
la plus somptueuse du monde, l’Archibasilique
du Latran garda intangibles les droits de la primauté.
Celle-ci s’avère
spécialement dans une cérémonie solennelle entre toutes, inaugurale de chaque
règne et demeurée traditionnelle depuis le moyen âge jusqu’à Pie IX (+1878) :
la prise de possession du Latran par les papes. Ce cérémonial mérite
qu’on le considère.
Immédiatement après
leur couronnement, c’est à leur
cathédrale que les papes réservaient leur première visite.
Quelle que soit
l’antiquité de cette cérémonie qui remonte à Etienne III (+757) selon les uns,
à Léon II (+816) selon les autres, il est certain que dès le XIIème siècle elle
ouvrait chaque nouveau pontificat. Le faste déployé à cette occasion par les
papes du XIIIème siècle jusqu’à Boniface VIII (+1303) était resté célèbre. Sans
doute, le séjour à Avignon avait interrompu cette coutume pendant soixante-dix
ans. Mais, en 1377, Grégoire XI, rentré à Rome, renoua aussitôt les traditions.
Jusque-là, la prise de possession du Latran était le
complément même du rite du couronnement. Jules II, couronné le 26 novembre
1503, fut le premier pontife qui dissocia les deux cérémonies.
Clément XII (+1740)
rendit à la primauté latérane un éclatant témoignage en gravant au frontispice
de l’Archibasilique la célèbre inscription : « Omnium Ecclesiarum
Urbis et Orbis Mater et Caput », « Église-Mère et Maîtresse de
toutes les Églises de Rome et de l’Univers ».
Pie IX, qui prit
possession du Latran en 1846, fut avant la prise de Rome, le dernier pape qui accomplit cette cérémonie. Lui aussi fit exécuter au Latran
d’importants travaux. Il restaura la confession, l’autel papal et le baldaquin.
Mais, depuis 1870, par suite de la
situation violente créée au Saint-Siège, le pape se trouvait relégué loin de
son autel.
La Cathèdre du Souverain Pontife, Evêque de Rome |
Léon XIII (+1903),
prisonnier au Vatican, ne put prendre possession de sa cathédrale : la tradition liturgique plus de huit fois
séculaire se trouvait interrompue.
Depuis la prise de Rome, le siège pontifical dressé au fond
de l’abside latérane demeurait vide, l’autel papal restait désert. Depuis 1870,
la messe n’avait plus été célébrée au maître-autel de l’Archibasilique, où seul
le Pape a le droit de monter.
Il
fallut attendre les accords dits, du Latran, pour que le Pape Pie XI, Souverain
reconnu de la Cité vaticane, recouvre sa liberté.
C’est
en l’Archibasilique du Latran qu’Achille Ratti, le 20 décembre 1879, reçut
l’ordination sacerdotale. Cinquante ans plus tard, pour célébrer ses noces d’or
sacerdotales, il y rentra en Pape et Souverain indépendant. Après 59 ans d’interruption, renouant les
traditions séculaires, Pie XI reprit possession du siège apostolique et célébra
« sa première messe » pontificale à l’autel du Latran.
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