Détail de la dernière tentation du Christ : "le Bien et le Mal s'affrontèrent dans un combat prodigieux" (Victimae paschali) |
Du
vénérable abbé Henri Marie Boudon, « L’Homme
de Dieu », partie III, chap. 5,
De la force du zèle du Père
Seurin, qui l’engagea à une cruelle guerre contre l’enfer,
et de la grâce de sa
vocation à une entreprise si difficile
Cette guerre si redoutable (NB. Contre le démon et le péché) est commune à tous les hommes ;
elle nous est commune, mon cher lecteur, à vous et à moi. Hélas ! y
pensons-nous ? hélas ! les hommes y pensent-ils, ces hommes qui
vivent dans l’aise comme s’ils n’avaient aucun ennemi à combattre, qui se jettent
eux-mêmes dans leurs pièges qu’ils leur tendent par les richesses, par les
honneurs et les plaisirs qui s’en laissent surprendre si volontiers, s’arrêtant
aux bagatelles du monde dont ils les amusent, qui s’en laissent enchanter par
les choses temporelles.
Je ne m’étonne pas après cela de la vision du
grand saint Antoine, l’honneur des déserts et l’ornement de la vie solitaire à
qui Dieu fit voir le diable d’une forme monstrueuse, dont la tête touchait les
nues et les bras s’étendaient d’une façon immense dans les airs et qui, en même
temps que les âmes qui lui étaient aussi montrées sous des figures corporelles,
s’élevaient vers le ciel, les relançait d’une manière impétueuse sur la terre
en sorte qu’il n’y en avait presque pas une qui échappât des mains cruelles de
ce monstre d’enfer, ce qui donna lieu au grand saint de s’écrier :
« O mon
Dieu, qui pourra échapper des mains de ce tyran ? »
Détail, le démon essayant d'arracher une âme à l'Archange Saint Michel. |
Ah ! qu’il faut être humble pour obtenir les
grands secours de Dieu qui nous sont nécessaires ! qu’il faut être détaché
de toutes choses pour ne lui pas donner de prise ! qu’il faut avoir de
solide vertu pour en remporter la victoire !
Faites un peu de réflexion, vous qui lisez ces
vérités dans quel état vous êtes. Voilà la guerre commune à tous les hommes avec
les démons, mais celle du Père Seurin avec les esprits d’enfer a été
extraordinaire, ayant eu à les combattre dans la possession des religieuses, et
dans la possession et obsession qu’il en a lui-même soufferte.
De plus il a eu affaire avec les plus puissants
démons de l’enfer : Léviathan et Béhémot, dont il est parlé dans le livre
de Job, et d’une manière effroyable en deux chapitres entiers. Il suffit de
dire ici que l’Ecriture nous assure qu’il n’y a point de force en terre qui
égale leur puissance.
Cependant, c’était avec ces puissances que le Père
avait à combattre ; il y avait quelque temps qu’il était déjà obsédé par
les démons lorsque la déclaration ouverte de la guerre se fit. Un soir, dans un
parloir qui répond à l’église des religieuses, en la seule présence de Dieu et
de ses anges, c’est là que se donna le défi général d’un combat bien étrange
qui devait durer de longues années.
« J’ai commencé, lui dit le démon, à te faire sentir
mon pouvoir ; mais tu verras bien d’autres choses, j’ai bien d’autres
forces que tu ne penses ! Tout l’enfer se bandera contre toi, je me
servirai même des magiciens, je te rendrai tout à fait misérable, le traitement
que je te ferai sera si rude et si étrange que tu auras tout lieu de te
repentir de ton entreprise et tu seras contraint toi-même de demander à en
sortir ; je ferai contre toi des choses si extraordinaires et si inouïes
que ceux de qui tu dépends, à qui nous donnerons comme il faut de l’émotion
contre toi, seront obligés de te faire quitter ; tu en sauras bientôt des
nouvelles. »
Mais le Père, demeurant dans une fermeté inviolable,
sans aucunement s’étonner, lui répondit :
Le Christ exorcisant et chassant le démon par sa Croix, enluminure d'un Pontifical à l'usage des diocèses de Beauvais et de Lisieux, XIIIe siècle |
« Je ne crains point toutes
tes menaces, tous les tourments dont tu penses m’épouvanter ne servent qu’à me
redoubler le courage puisqu’il n’y a rien que je désire davantage. »
… Le Père avait mis toute sa confiance en celui en
qui l’on peut tout, ainsi il ne craignait rien ; ainsi il disait au démon :
« Si tu
as l’enfer et la magie contre moi, j’ai pour moi le ciel et ses anges. »
Et il avait Jésus-Christ, le Dieu du ciel, c’est
ce qui faisait qu’il se moquait même des démons !
Une sainte âme avait eu une connaissance
surnaturelle des maux extrêmes qu’il devait souffrir, dont la seule idée la
laissa dans une grande frayeur, mais elle fut consolée en voyant une main
céleste étendue sur lui qui le protégeait.
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