Vie nouvelle de Henri Marie Boudon, par
S.Exc.R. Mgr Matthieu, Archevêque de Besançon
Nous voyons le
vénérable évêque de Québec, que tant de titres recommandaient au respect et à l’amour
des chrétiens, de son vaste diocèse y subir
toutes les oppositions et les traverses que l’ambition et l’intrigue
peuvent faire éprouver chez les peuples civilisés.
C’est Boudon lui-même, dépositaire de ses
plus secrètes pensées, qui nous apprend dans une de ses lettres tout ce que son
cœur dut avoir à souffrir,
et par suite, les prêtres les plus zélés de son clergé. A peine arrivé dans le
Canada, il vit les gouverneurs opposés à tous ses desseins. Louis XIV, pour lui
donner une preuve de sa haute estime, ayant voulu en nommer un sur sa présentation,
bientôt cet homme qu’il croyait avoir choisi parmi tout ce que le monde pouvait
lui offrir de plus recommandable et de plus pieux, qui avait été l’ami intime
de ce vertueux M. de Bernières dont le nom revient si souvent dans notre
histoire, se tourne absolument contre le prélat qu’il avait élevé, et va jusqu’à
écrire à la cour pour l’y peindre sous les couleurs les plus suspectes.
M. de Laval se
persuade alors qu’il doit déposer une dignité dont il ne s’était chargé que
pour le bien de la religion ; il choisit encore parmi ses amis l’ecclésiastique
qu’il croit le plus digne d’en être revêtu, et le roi veut bien lui accorder
cette nouvelle preuve de sa bienveillance ; mais, à peine ce nouveau
prélat a-t-il pris possession du siège de son prédécesseur, qu’il change et
abolit toutes ses institutions, renverse l’ordre qu’il a établi dans son
séminaire, fait peser sa disgrâce sur tous les ecclésiastiques qui lui avaient
été attachés, et va jusqu’à interdire ceux qui avaient été en même temps et ses
plus zélés collaborateurs et les plus chers amis de Boudon. C’est ainsi que
plusieurs années s’écoulèrent avant que ce prélat, dont les intentions étaient d’ailleurs
irréprochables, ouvrit les yeux sur l’ingratitude dont il s’était rendu
coupable envers son bienfaiteur et réparât l’injustice de ses procédés envers
lui. Cependant, nous l’avons déjà dit, M.
de Laval portait comme Boudon une de ces âmes nobles et généreuses que l’injustice
des hommes ne saurait aigrir ni abattre. Il supporta ces épreuves sans laisser
altérer un instant le calme de sa vertu : « Priez bien, mon cher monsieur, écrivait-il à Boudon, que nous fassions un bon usage des croix
dont il plaît à Notre Seigneur de faire part à cette Eglise. Lorsque vous serez
à Paris, vous apprendrez de nos amis les moyens dont il se sert pour cela. Vous
verrez qu’ils sont d’autant plus extraordinaires qu’ils viennent de la part de
ceux qui en devraient être tout l’appui. Notre Seigneur est aimable en tout et,
en prenant tout de sa main, nous jouirons toujours d’une paix que tous les
hommes ne peuvent ôter. »
On sent que le
prélat qui écrivait ainsi devait être en effet l’ami de Boudon, et il n’est pas étonnant qu’ils se soient
communiqué jusqu’à la mort avec tant de constance leurs pensées les plus
intimes.
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