vendredi 6 mai 2022

S. François de Montmorency Laval


Vie nouvelle de Henri Marie Boudon, par S.Exc.R. Mgr Matthieu, Archevêque de Besançon

Nous voyons le vénérable évêque de Québec, que tant de titres recommandaient au respect et à l’amour des chrétiens, de son vaste diocèse y subir toutes les oppositions et les traverses que l’ambition et l’intrigue peuvent faire éprouver chez les peuples civilisés.

C’est Boudon lui-même, dépositaire de ses plus secrètes pensées, qui nous apprend dans une de ses lettres tout ce que son cœur dut avoir à souffrir, et par suite, les prêtres les plus zélés de son clergé. A peine arrivé dans le Canada, il vit les gouverneurs opposés à tous ses desseins. Louis XIV, pour lui donner une preuve de sa haute estime, ayant voulu en nommer un sur sa présentation, bientôt cet homme qu’il croyait avoir choisi parmi tout ce que le monde pouvait lui offrir de plus recommandable et de plus pieux, qui avait été l’ami intime de ce vertueux M. de Bernières dont le nom revient si souvent dans notre histoire, se tourne absolument contre le prélat qu’il avait élevé, et va jusqu’à écrire à la cour pour l’y peindre sous les couleurs les plus suspectes.

M. de Laval se persuade alors qu’il doit déposer une dignité dont il ne s’était chargé que pour le bien de la religion ; il choisit encore parmi ses amis l’ecclésiastique qu’il croit le plus digne d’en être revêtu, et le roi veut bien lui accorder cette nouvelle preuve de sa bienveillance ; mais, à peine ce nouveau prélat a-t-il pris possession du siège de son prédécesseur, qu’il change et abolit toutes ses institutions, renverse l’ordre qu’il a établi dans son séminaire, fait peser sa disgrâce sur tous les ecclésiastiques qui lui avaient été attachés, et va jusqu’à interdire ceux qui avaient été en même temps et ses plus zélés collaborateurs et les plus chers amis de Boudon. C’est ainsi que plusieurs années s’écoulèrent avant que ce prélat, dont les intentions étaient d’ailleurs irréprochables, ouvrit les yeux sur l’ingratitude dont il s’était rendu coupable envers son bienfaiteur et réparât l’injustice de ses procédés envers lui. Cependant, nous l’avons déjà dit, M. de Laval portait comme Boudon une de ces âmes nobles et généreuses que l’injustice des hommes ne saurait aigrir ni abattre. Il supporta ces épreuves sans laisser altérer un instant le calme de sa vertu : « Priez bien, mon cher monsieur, écrivait-il à Boudon, que nous fassions un bon usage des croix dont il plaît à Notre Seigneur de faire part à cette Eglise. Lorsque vous serez à Paris, vous apprendrez de nos amis les moyens dont il se sert pour cela. Vous verrez qu’ils sont d’autant plus extraordinaires qu’ils viennent de la part de ceux qui en devraient être tout l’appui. Notre Seigneur est aimable en tout et, en prenant tout de sa main, nous jouirons toujours d’une paix que tous les hommes ne peuvent ôter. »

On sent que le prélat qui écrivait ainsi devait être en effet l’ami de Boudon, et il n’est pas étonnant qu’ils se soient communiqué jusqu’à la mort avec tant de constance leurs pensées les plus intimes.



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