mercredi 18 décembre 2013

Préparons-nous à la Nativité du Sauveur (7/7)

Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
« Exhortation pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur » (7/7)

Angelots, Zurbaran
Mais ce n’est pas encore tout : non seulement Dieu fait tout ce qu’il fait pour le bien de l’homme ; non seulement il quitte tout ce qu’il a pour lui, mais même il se fait homme et se transforme en sa chair qu’il aime avec des profusions de bontés inouïes, et ainsi uni, il doit pousser plus avant l’amour du Chrétien pour le faire devenir Jésus, pour le changer tout en Jésus, et pour le faire vivre uniquement de sa vie divine.

Au reste, Dieu ne s’est pas fait un homme fantastique : il est très vrai qu’il est homme, qu’il a un véritable entendement et une véritable volonté humaine, il a un véritable corps humain. Aussi ces vérités que je vous propose ne doivent pas passer pour imaginaires.
Nativité du Sauveur. L'Enfant-Dieu
dans les bras de S. Joseph
Il est très vrai que le Chrétien ne doit vivre que de la vie de Jésus, sa vie n’étant autre chose que la continuation de celle de ce divin Sauveur. Jésus, avec tous ses fidèles fait un véritable corps mystique et, comme les membres ne vivent pas d’une autre vie que de celle de leur chef, ainsi les Chrétiens ne doivent vivre que de la vie de Jésus ; sur quoi il faut remarquer que ce n’est pas assez d’offrir ses actions en l’honneur de Jésus, mais, de plus il faut les faire en son esprit.

Tellement que par exemple, si un Chrétien prend son repas, ce n’est pas assez de l’offrir pour honorer les repas de Jésus, mais il faut encore qu’il l’offre en son esprit, c’est-à-dire qu’il s’unisse aux desseins que Jésus avait quand il prenait les siens, et aux intentions qu’il a à présent sur lui et qu’il veut qu’il prenne belle pratique pour rendre en quelque façon toutes nos intentions infinies, mais qui est nécessaire pour pouvoir dire avec saint Paul : Je ne vis plus mais c’est Jésus qui vit en moi.

Ainsi vous demandez à une âme ainsi transformée, aimée, ce qu’elle pense, elle vous répondra qu’elle ne pense qu’à Jésus ou pour Jésus ; sous la conduite de son esprit elle n’a plus d’autres affaires que celles de ce cher Sauveur, plus d’autres desseins que les siens, elle n’est sensible ou insensible qu’à ce qui sied ou ne sied pas de la gloire du cher tout de ses affections, tous ses intérêts sont fondus dans ceux de Jésus en qui elle vit, pour qui elle vit et de qui elle vit, et ayant perdu la vie d’Adam, vie de corruption et d’infamie, étant morte à toutes les choses de ce monde.

Voilà la vie extatique qu’elle doit mener, voilà ce que Dieu a fait pour elle, voilà ce qu’elle doit faire pour Dieu.

Nous autres, Messieurs, que faisons-nous ? Voilà comme un Dieu vous aime, Messieurs, comment l’aimez-vous ? Un Dieu est-il capable de vous donner de l’amour ? Il le peut, me direz-vous mais le fait-il ? Il le fait, mais comment le fait-il ? Quel amour avez-vous eu pour lui jusqu’à présent et dans quels sentiments êtes-vous pour l’avenir ? Comment êtes-vous résolus de vous donner à son amour ? Est-ce avec réserve ? Est-ce sans exception ?
Jésus est toujours présent au T.S. Sacrement,
il suffit de pousser la porte de l'église
pour Le trouver, Le prier, se laisser aimer
et transformer à Son image.
Dieu se donne tout à nous mais tout entièrement ; voulez-vous vous donner tout à lui ? Vous direz : peut-être que cela est bon pour ce Dieu de majesté d’aimer de la sorte, mais pour nous, hommes, il n’en est pas de même…
Que Dieu s’épuise dans tout ce qu’il a d’infini, l’homme n’a rien que de limité et de très bas, mais au bout de tout il ne se donnera pas entièrement à Dieu. Vos esprits sont choqués de cette proposition et, sans doute, qu’il l’estime éloignée de toute raison.
Je le crois mais je vous demande pendant qu’il les désapprouve ne la pratique-t-il point ? Rentrons dans nous-mêmes.

Quelles sont nos pensées ; quels sont nos desseins ; quelles sont nos volontés ; quelles sont nos affections ? Sont-elles toutes en Dieu, à Dieu et pour Dieu ? Mais il y a quantité de petites attaches, de mauvaises habitudes qui ne vont pas jusqu’au péché mortel, qui, à la vérité, nous empêcheront. Loin de n’être pas tout à fait à Dieu, mais qui ne nous font pas perdre la grâce et ne nous empêcheront pas d’aller en paradis. Vous dites vrai, je suis de votre avis. Mais je veux que vous sachiez que je ne vous parle aujourd’hui ni de paradis, ni d’enfer, que toutes ces choses disparaîtront aux yeux de notre esprit.
Pour le présent il est question de savoir comment vous voulez aimer Dieu.

Je ne vous demande pas ce qui vous arrivera, soit de bien, soit de mal ; je demande : Dieu qui tout s’anéantit, se fait petit enfant pour vous, l’amour seul le mettant dans cet état effroyable : vous, êtes-vous dans la résolution de l’aimer comme il vous aime ?

Dieu est tout, la grandeur même qui contient en soi tout ce qu’on peut désirer et aimer ; vous, vous êtes un petit ver de terre, un peu de fange, un beau rien.
Dieu néanmoins veut faire amitié avec vous, le voulez-vous bien ? Mais l’amitié sera-t-elle réciproque ? Aura-t-elle une partie de votre cœur ou bien le lui donnerez-vous tout entier ?

Qu’en pensez-vous ? Que vous dit là-dessus votre cœur ? Que dira-t-il à ce cher petit roi quand il le recevra la nuit ou le jour prochain ?

Ne nous flattons point ! Mettons nos cœurs à découvert ! Nous aurons beau fermer les yeux, Dieu nous voit bien. Ou vous êtes résolus d’être tout à Jésus, ou vous ne l’êtes pas.

Si vous êtes dans cette résolution, tout va bien,

le pur amour est aimé.

L'Enfant Jésus, chapelle de la mangeoire, grotte de la Nativité,
Basilique de Bethléem.



Les douceurs de la terre nous annoncent Le seul qui puisse combler nos cœurs et nos corps.
Sainte préparation à Noël !


samedi 14 décembre 2013

3e Dimanche de l'Avent - Gaudete : Préparons-nous, dans la joie qui vient de Dieu seul, à la Nativité du Sauveur (6/7)

Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
Hendrick van Balen, la Très Sainte
Trinité entourée de la cour céleste
« Exhortation pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur » (6/7)

L’amour fait transporter Dieu hors de soi-même et se fait homme, il faut donc que l’homme se quitte lui-même et devienne Dieu. Il faut que l’amour soit extatique des deux côtés. Il est vrai que Dieu, dans le dessein qu’il a eu de bâtir ce grand univers, a regardé l’homme et, à sa considération, a fait toutes les merveilles que nous voyons. Les deux luminaires, le soleil la lune et les étoiles avec toutes leurs éclatantes beautés, sont faits pour l’homme ; c’est pour lui que sont faits tous les éléments tout, ce qui vole dans l’air, tout ce qui marche sur la terre, tout ce qui nage dans les eaux sont autant d’ouvrages des amoureuses bontés de Dieu pour les hommes.

L’homme était donc étroitement obligé dans cette vue de faire tout ce qu’il faisait pour Dieu. Mais l’amour pressant ce Dieu de bonté, il va plus avant. Ce n’est pas assez de faire tout ce qu’il fait pour l’homme. Il faut qu’il quitte pour lui le sein de son Père, les beautés de l’empyrée, toutes ses grandeurs et sa gloire, et pour vous le dire en un mot, il s’anéantit en prenant la forme d’un petit enfant ; faveur étonnante qui ne doit plus laisser rien à l’homme qui soit à lui et qui le doit contraindre par une violente douceur d’abandonner tout pour cet aimable Jésus et d’entrer dans un état parfait d’anéantissement.
                                                                     
C’est bien la pensée du grand saint Paul. Mes frères, dit cette merveille des apôtres, entrez dans les mêmes sentiments de Jésus qui, tout Dieu qu’il était et égal à son Père, s’est anéanti en se faisant serviteur et, se revêtant d’un corps mortel, s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix.

Jacopo Amigoni, S. Jean Baptiste adorant l'Enfant Jésus
Anéantissement aux richesses et à tous les biens de fortune, le Chrétien ne devant s’en servir que simplement pour l’usage que Jésus veut qu’on en fasse, en étant entièrement dépouillé pour ce qui regarde l’affection du cœur aux plaisirs des sens, ne s’en servant pas pour sa satisfaction mais pour celle de son cher et divin Sauveur, à l’honneur à l’estime, aux louanges, aux grandeurs de la terre, n’estimant toutes choses que selon l’esprit de l’Evangile.
Anéantissement aux biens surnaturels ne tenant à rien qu’à la volonté pure et tout unique de Jésus, ne désirant ni plus ni moins de perfection qu’il n’en veut et exige de nous, remettant entre ses mains avec confiance le soin de notre salut, de notre avancement en la vie spirituelle notre âme et toutes ses dispositions pour le temps et l’éternité, nous tenant aussi fidèles envers le Dieu de notre amour dans les délaissements, les sécheresses, aridités, désolations, peines intérieures, obscurités, que parmi toutes les consolations les plus sensibles.
Anéantissement dans l’esprit, le tirant de l’erreur où les ténèbres du péché l’ont mis, n’estimant que Dieu dans toute chose et ne prenant point d’autres règles que celles de la foi.
Anéantissement en la mémoire en ôtant toutes les choses dont le souvenir pourrait retarder en quelque façon les progrès du divin amour, rejetant toutes les pensées inutiles et se mettant dans une ignorance de tout ce qui ne nous est point nécessaire.
Anéantissement dans la volonté, n’aimant rien que Jésus, et tout pour Jésus, nous séparant de toute affection naturelle, ne vivant point selon nos inclinations et par humeur, mais uniquement par les seuls mouvements de la grâce.

Voilà les anéantissements qu’il faut que le Chrétien fasse dans la vue de ceux de son Dieu.





mercredi 11 décembre 2013

L'Archange Saint Michel retrouve sa place sur la Sainte-Chapelle

L'envol de l'Archange Saint Michel sur la flèche de la Sainte-Chapelle
  
L’Archange Saint-Michel retrouve la Sainte-Chapelle après 8 ans d’absence ! 


Le Centre des monuments nationaux (CMN) a restauré l’Archange saint Michel avec le soutien des Fondations VELUX, mécène danois.

L’Archange va retrouver sa place au faîte de la toiture pour le plus grand bonheur des visiteurs. Rappelons que la Sainte-Chapelle est le troisième monument le plus visité de Paris, avec 700 000 visiteurs par an. Par ailleurs, la restauration de sept verrières est aussi en cours depuis 2008 et devrait se terminer en 2014. 

Cet ange du chevet a été imaginé par Jean-Baptiste Lassus, architecte de la restauration du monument gothique en 1850. L'oeuvre monumentale, coulée en plomb, mesure 2,90 mètres de haut, a 1,20 mètre d'envergure et pèse 2,2 tonnes. Elle a été réalisée par Victor-Adolphe Geoffroy-Dechaume en 1852. 

Placé au sommet de la Sainte-Chapelle en 1855, l'archange avait subi des altérations dues aux changements de température, à la pollution, à la pluie et au vent, la tempête de décembre 2004 ayant endommagé sa stabilité. 

On pourra regarder :


L'intérieur de la Sainte-Chapelle

La Sainte Chapelle sera le joyau de l’art gothique. C’est un vaisseau de lumière et de vitraux destiné à recueillir les reliques de la Passion du Sauveur.
En 1239, S. Louis IX de France acquiert pour des sommes colossales (la moitié des revenus du domaine royal) ces reliques, et notamment la Sainte Couronne d'épines, ce qui augmenta considérablement le prestige du roi et de son royaume. 

Ces reliques sont notamment la Couronne d'épines (les épines ayant été offertes aux rois, aux Evêques et aux monastères, il n’en reste qu’une dans le Trésor de la Cathédrale), un morceau de la vraie Croix (originaire de Rome via Jérusalem, offert au Pape et conservé à la Basilique Santa Croce in Gerusalemme par l’impératrice sainte Hélène) et un clou de la Passion (relique douteuse) qu'il a acquises auprès de l'empereur latin de Constantinople.

Le 26 avril 1248, Louis IX inaugure la Sainte-Chapelle dans l'île de la Cité. Cette chapelle construite entre 1242 à 1248 représente l'apogée de l'art gothique mais aussi le plus beau témoignage de foi du saint roi.


Préparons-nous à la Nativité du Sauveur (5/7)

Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
« Exhortation pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur » (5/7)

Le recensement à Bethléem, par Bruegel l'Ancien, 1566.
Dans ce brouhaha du monde, où trouveront une petite place
Marie et Joseph pour leur divin Enfant qui va naître?

Que ferons-nous pour lui Messieurs ? 
Sic Deus dilexit mundum. C’est ainsi que Dieu a aimé le monde.

Ô monde, ô monde, il est temps que tu aimes Dieu de telle façon qu’on puisse dire de toi : Sic mundus diltxit Deum ; c’est ainsi que le monde a aimé Dieu. Très chères âmes, quelles sont vos sentiments ? Souffrez que je le demande à vos cœurs. Quelles sont vos résolutions ? Non, rien ne blesse tant un cœur amoureux que de voir un autre qui est blessé d’amour pour lui. Il y a plus : les cœurs les plus barbares se rendent sensibles à l’affection, ils aiment quand ils sont aimés. Aussi l’amour ne se paye que par l’amour. L’amour ne veut pour toute récompense que l’amour. Et d’où vient que s’il se rencontre un naturel assez mal fait pour n’aimer pas les personnes qui lui sont amies, cela paraît insupportable. C’est ce que si nous n’y prenons garde, nous faisons tous les jours à l’égard d’un Dieu et c’est ce qu’il faut qu’il endure !

Bruegel l'Ancien, La danse de mariage, détail.
Veillez et priez, de peur que vos cœurs
ne s’appesantissent...
dit Jésus.
Oh ! qu’il est vrai que Dieu aime les hommes ! Oh ! qu’il est vrai que les hommes aiment peu Dieu !  Dieu nous aime, Messieurs, il nous aime jusqu’au point où vous le voyez, jusqu’à se faire petit enfant pour nous. N’est-ce pas là agir en homme passionné ?
L’antiquité nous apprend qu’un Hercule, ce fameux héros, a été réduit par l’amour à filer et c’est ce que l’histoire nous vante comme un prodige, mais, après tout, c’est une créature misérable et abjecte qui aime sa semblable ! Mais Dieu, se réduire au point de pleurer, de trembler de froid, mourant d’amour pour les hommes ? Ah ! c’est ce qui surpasse tout esprit ! C’est ce qui est entièrement inconcevable ! En vérité après cela que deviendront nos cœurs ?

Caritas Christi urget nos, dit le grand apôtre. L’amour de Dieu nous presse. Voilà dit le bienheureux François de Sales, le plus fort, le plus puissant et le plus admirable argument qui fut jamais fait :
Bruegel l'Ancien, détail du recensement
Je prends plaisir à vous redire ce que ce grand amant de Jésus et de Marie a dit parce que toutes ses paroles sont extrêmement avantageuses et favorables au pur amour. Voyez donc ce qu’il dit : Oui Théotime, rien ne presse tant le cœur de l’homme que l’amour ; si un homme sait être aimé de qui que ce soit, il est pressé d’aimer réciproquement ; mais si c’est un homme vulgaire qui est aimé d’un grand seigneur, certes il est bien plus pressé ; mais si c’est d’un grand monarque, son empressement est encore bien plus grandEt maintenant, je vous prie, sachant que le vrai Dieu éternel, tout puissant, nous a aimés comme il nous aime, ô mon cher Théotime, n’est-ce pas là avoir nos cœurs sous le pressoir, les sentir se presser de force et en exprimer de l’amour par une violence et contrainte qui est d’autant plus violente qu’elle est tout aimable et ineffable ?

Messieurs, je demande votre avis : n’est-il pas vrai que voilà un argument bien pressant en matière d’amour, mais il est tellement pressant qu’une des choses que quantité de saintes âmes n’ont jamais pu concevoir, c’est de voir, qu’après cela, les hommes puissent penser et parler d’autre chose que du pur amour !

Brugel l'Ancien, détail du recensement, l'arrivée de Marie et Joseph
(en bas, au centre gauche de la toile ci-dessus)
On en a entendu parfois qui, donnant la liberté à leurs esprits parmi les vastes campagnes, criaient pitoyablement que l’amour n’était pas aimé ; qui, entrant dans les villes et voyant quelques personnes qu’on portait en terre, après avoir demandé si elles étaient mortes d’amour et avoir appris que non, gémissaient et pleuraient de telle façon qu’elles étaient inconsolables.
Saint François, le grand amoureux du petit enfant de Bethléem, pleurait un jour si fort que quelque personne l’entendant, accourut comme au secours de quelqu’un qu’on voulait égorger et, le voyant tout seul, il lui demanda : Pourquoi cries-tu ainsi Pauvre homme ? Hélas ! dit-il, je pleure parce que mon Dieu aime tant et que personne n’y pense. Et ces paroles dites, il recommença ses larmes et, ce bon personnage se mit aussi à pleurer avec lui.

On a va une des belles amantes de Jésus, la glorieuse Madeleine de Pazzi, courir partout le cloître, criant à pleine tête : A l’amour ! Et une autre s’étonnait fort de ce qu’allant dans les grandes villes, elle voyait qu’on errait de toutes sortes de choses pour l’entretien du corps et que personne ne criait à l’amour. Et la divine Catherine de Gènes, entendant un jour un démon qui disait qu’il était la créature sans amour, elle tomba pâmée sachant combien le pur amour devait être aimé.

L'annonce aux bergers, enluminure.
A leur suite, nous mettrons-nous au service du
Roi des rois, Jésus, notre Seigneur ?
Grand dommage que ces telles âmes soient si rares. Ah ! Dieu ! il ne devrait pas y avoir un seul Chrétien qui ne fût dans cet état puisqu’il n’en existe pas un seul pour qui le Dieu de toute bonté n’ait fait ces efforts d’amour que nous admirons.

Allons-donc courageusement au pur amour et, si un Dieu nous montre ce qu’il veut faire pour nous, soyons assez généreux pour lui montrer ce que nous voulons faire pour lui













lundi 9 décembre 2013

8/9 décembre - Solennité de l'Immaculée Conception de Notre-Dame

Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
Venez, adorons la Source de tout Amour, Jésus, Fils de Dieu !
« Exhortation pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur » (4/7)


Exinanivit semetipsum
(NB. Il s'anéantit Lui-même) 

Messieurs ! Messieurs ! Que devenons-nous à ces paroles de l’Evangile ? O vérité épouvantable ! O cœurs des hommes ! Si les ténèbres que causent les péchés n’empêchaient pas les lumières divines, que vous seriez étonnés !

Amour, qu’il faut bien dire que tes forces sont prodigieuses puisque c’est toi seul agit et cause toutes ces merveilles. Vere, vere de Deo triumphat amor, dit le dévot saint Bernard ; Vraiment, vraiment l’amour triomphe de Dieu et le rend son esclave ! Et il apparaît dans le mystère de son enfance si puissant, et occupe si fortement celui que rien ne peut occuper, qu’il semble qu’il abandonne tout autre soin, tout autre exercice et soi-même encore, pour nourrir uniquement son amour et l’entretenir.

Là-dessus je me souviens d’une excellente remarque du bienheureux prélat de Genève dans son livre De l’Amour divin qu’il a tiré de Platon. L’Amour, dit ce saint Evêque, quand il est plus véhément, porte si impétueusement l’âme à la chose aimée qu’elle manque à toute autre chose. Platon a dit que l’amour était pauvre, déchiré, nu, déchu, chétif, sans maison, couchant dehors sur la dure, toujours indigent. O Théotime, je sais bien que Platon parlait ainsi de l’amour charnel, vil et mondain, mais néanmoins ces propriétés ne laissent pas de se trouver dans l’amour céleste et divin.
                             
O Dieu ! que cette vérité est éclatante dans la naissance de notre petit roi et, divinement, je vois l’amour pauvre parce qu’il faut tout quitter pour la chose aimée. Le ciel - empyrée, avec toutes ses illustres beautés et ses trésors inappréciables, toute la glorieuse compagnie des courtisans du paradis, n’est pas capable d’arrêter ce divin amant ; il abandonne tout, il quitte tout pour sa bien-aimée nature humaine.


Il est sans maison, n’ayant pu trouver où loger et demeurant dans une étable ouverte de tous côtés, il est chétif, pâle et défait, étant exposé aux injures de l’air dans une saison froide, au milieu de la nuit il est nu, déchaussé et mal vêtu, celui qui couvre tout le monde, qui donne même des robes aux lis des champs, n’ayant que de pauvres langes pour se garantir du froid il couche dehors sur la dure ayant pour tout lit un peu de paille et la terre, enfin il est comme un gueux ayant une pauvre mère, un pauvre équipage, et un appareil si pauvre que tout ce qui apparaissait, paraissait non seulement être très pauvre et très fragile, mais aussi tout mendié et emprunté des bêtes !

O mystère de très grand respect, disait le dévot Louis de Grenade, ô secret qui se peut mieux penser que dire, et qui s’explique plus facilement par le silence et l’admiration que par les paroles.
Lorenzo Lotto, l'Archange Gabriel
à l'Annonciation
Qu’y a-t-il de plus admirable que de voir ce Seigneur qui est loué par les étoiles du matin, qui est assis sur les chérubins qui volent sur les ailes des vents, qui soutient toute la rondeur de la terre, de qui le trône est le ciel, à qui la terre sert d’escabeau royal, ait voulu se réduire à une si extrême pauvreté qu’au jour de sa naissance il ait voulu que sa mère l’ait posé dans une crèche parce qu’il n’y avait point de lieu plus honorable pour lui ?

Quelle personne fut jamais réduite à une si extrême pauvreté et, qu’à défaut de couvert, elle ait été contrainte de poser son enfant dans une crèche ! Quelle conjecture si éloignée qu’un Dieu et une crèche ! Quoi de plus abject qu’une crèche ? Quoi de plus relevé que Dieu ?

Giovanni Battista Salvi,
La Très Sainte Vierge Marie, reflet sans tâche
de la sainteté de Dieu, Mère et Modèle
des chrétiens.
Pensez par la foi ce que c’est que Dieu ; pensez ce que c’est que l’homme. Pesez la distance infinie qui se rencontre entre ces deux êtres ; voyez comme l’amour les joints en un seul en sorte que Dieu se fait homme, se fait enfant, est attaché aux mamelles d’une Vierge, lié de petites bandes, pleure et tremble de froid. Voilà les sacrées extases d’un Dieu où l’amour l’a réduit.

Voilà où l’amour que vous nous portez, ô mon cher amant, vous a mis ; voilà où l’amour a mis ce Dieu de vérité

Pour nous, Messieurs, où nous mettra l’amour que nous aurons pour lui ; nous autres, quelles seront nos extases ? Voilà ce que Dieu a fait pour nous mon âme, que seras-tu pour lui ?




samedi 7 décembre 2013

2e Dimanche de l'Avent ; Préparons-nous à la Nativité du Sauveur

Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
« Exhortation pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur » (3/7)
                                                              

C’est de cette façon, a dit l’Apôtre de la France, que nous devons parler et penser de Dieu. Aussi je vois que les âmes les plus éclairées, touchant les divines obscurités de la foi, après avoir dit tout ce que l’on peut dire de cet amoureux mystère, n’ont pu s’empêcher de déclarer hautement qu’elles n’en avaient rien dit du tout !

La bienheureuse Angèle de Foligno passe plus avant. Elle soutient après avoir écrit des choses toutes célestes du Dieu de son âme, que toute la postérité admire et respecte tous les jours, que tout cela en est si infiniment éloigné que ce sont des blasphèmes. C’est là le nom dont elle qualifie ces divins écrits et avec raison car, puisque le blasphème est une parole par laquelle l’on attribue à Dieu ce qu’il n’a pas ou ne lui donne pas ce qu’il a, il est bien vrai que tout ce que nous disons de Dieu c’est toute autre chose qu’il ne s’en devrait dire et, le respect dû à sa grandeur devant être infini, c’est ce que jamais nous ne pourrons lui rendre.

La bienheureuse Vierge Marie, tout adorante,
vitrail.
Un Dieu Enfant c’est ce que l’on dit tous les jours, tous les Chrétiens en ce temps diront que Dieu est né pour eux mais ce qui ne faut pas entrer dans mon esprit c’est qu’on parle de ces choses avec si peu de réflexion, avec si peu d’esprit, avec aussi peu de foi que si un laquais avait rendu quelque grand service à son maître il en parlerait presque de la même façon !

Il faut que je vous dise tout nettement ma pensée. Si je voulais poursuivre le sentiment que le Dieu d’amour me donne à présent, je briserais ici et tout ce que je vous dirais d’avantage, ce serait : Étonnons-nous, admirons, pâmons-nous de joie et d’amour à la vue de ce spectacle digne de Dieu.

Un Dieu est devenu petit enfant pour nous ! Voilà qui est inconcevable. Saint Paul proteste qu’il a vu des choses dont il n’est pas permis à un homme de parler. Mais quand bien même il aurait vu l’essence divine, cela n’est pas si inconcevable que de savoir ce même être infiniment glorieux anéanti en la forme d’un tout petit enfant.

Les attraits qui, d’ordinaire, causent l’extase sont délicieux et pleins d’une douceur inestimable. Mais, ô bonté incomparable de Dieu ! Je ne vois point ici d’attraits (NB. chez les hommes) qui puissent vous faire quitter le séjour bienheureux de l’empyrée, mais tout au contraire tout ce qui peut servir d’obstacle à ce dessein.

Et parmi les deux sortes d’extases que je rencontre dont l’une est hautement louée et l’autre blâmée avec sujet parce que l’une porte au-dessus de nous-mêmes et l’autre au-dessous. Le dirai-je, mon Dieu, vous choisissez ce que l’on n’approuve pas ! Alors à la bonne heure, hommes divins, laissez ravir votre cœur aux délices intellectuelles ; sortez hors de vous-mêmes et au-dessus de la condition de votre nature, devenez des anges humains ou des hommes angéliques.

Vos extases sont aimables, nous leur donnons nos louanges et nos respects. Mais vous, mon Dieu, dans quelle extase vous aperçois-je à présent ? La misère et l’infamie vous touchent et vous ravissent et vous font quitter le Tout pour devenir le Rien !




mercredi 4 décembre 2013

Préparons-nous à la Nativité du Sauveur (2/7)

Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,

« Exhortation pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur » (2/7)

Dieu Créateur dans l'empyrée céleste. Enluminure

Sic Deus dilexit mundum. C’est ainsi que Dieu a aimé le monde.
C’est ainsi que Dieu a aimé le néant ; c’est ainsi que celui qui est tout a aimé le rien ; c’est ainsi que le Créateur a aimé la créature, l’immortel le mortel, le Tout-Puissant le faible, l’impossible le possible, l’infiniment glorieux la misère, la pourriture la corruption.

L'Esprit Saint viendra sur toi...
C’est ainsi que Dieu a aimé les créatures par un amour véritablement extatique qui l’a tiré hors de soi pour le faire homme, ce qu’il ne devait pas ; et c’est par cet amour que l’homme doit se quitter et devenir Dieu, ce qu’il doit et ce qu’il ne fait pas, voilà le sujet de ce chétif discours.

Il est vrai que, selon l’avis du grand saint Denis, l’amour est tout extatique parce que l’extase, n’étant autre chose qu’une sortie hors de soi-même, c’est le propre de l’amour de transformer la personne qui aime en l’objet aimé, d’où vient ce sentiment si universel que l’âme est bien plus dans la personne qu’elle aime que non pas dans le corps qu’elle anime.

... et tu deviendras la Mère de Dieu !
Van Eyck, l'Annonciation
Ainsi voyons-nous que les saints, extrêmement amoureux de la divine bonté, ne vivaient plus à eux mais tout à Dieu.
Et, quittant tout le soin d’eux-mêmes, ils ne pensaient, n’aimaient et ne soupiraient que Dieu, menant une vie véritablement extatique ; mais ce qui est étonnant et étrangement prodigieux, c’est l’amour extatique d’un Dieu pour les hommes qui se présente aujourd’hui à nos yeux !

Admirons si vous voulez les extases des saints ; étonnons-nous à la considération des merveilles qui s’y passent ; il n’y a rien que de juste et raisonnable. 
Mais de savoir, mais de voir aujourd’hui un Dieu entrer en extase, c’est ce qui surpasse toute pensée, c’est ce qui étonne les séraphins, c’est ce qui doit faire pâmer nos esprits et d’amour et d’admiration.

Un Dieu est ravi parce que l’homme l’attire à soi, l’arrache du sein de son Père éternel pour se l’approprier. Un Dieu est en extase parce qu’il quitte toutes ses grandeurs pour devenir un tout petit enfant. Spectacle qui doit arrêter et la terre et le ciel et les hommes et les anges, éveiller partout et l’amour et l’étonnement !

Voilà qui est bientôt dit : un Dieu est en extase, un Dieu se consumant d’amour pour les hommes est devenu un petit enfant ! mais c’est ce qui n’a jamais pu être pénétré par aucune créature ; c’est où l’esprit humain et angélique n’a jamais pu atteindre !

Dieu s'est fait Homme pour nous donner la vie divine.
Seigneur, protégez les saints Innocents !
Je sais bien qu’il y a eu de belles âmes qui ont dit des prodiges. Je sais bien que les François (N.B. d'Assise et de Sales) et les Bernard (de Clairvaux) en ont conçu des merveilles qui ont servi d’unique occupation à leurs esprits et de matière à leur amour. Mais je puis affirmer que quoique l’on ait pu dire, quelque hautes qu’aient été leurs pensées, quand bien même elles leur auraient été révélées et que nous réunirions en un tout celles qui ont passé par l’esprit de tous les hommes et de toutes les intelligences du ciel tout cela ; pour dire vrai, cela n’est rien.

Donnez-moi une personne qui conçoive ce que c’est que Dieu qui pénètre ses grandeurs adorables : alors j’avouerai qu’elle pense dignement ses bassesses et son anéantissement.

A moins de cela je demeure toujours dans le sentiment tout plein de vérité que le mystère, aussi aimable qu’adorable de l’enfance d’un Dieu, est véritablement un mystère pour tout esprit vrai : c’est-à-dire un secret que l’on ne peut connaître.



dimanche 1 décembre 2013

1er dimanche de l'Avent : Préparons-nous à la Nativité du Sauveur (1/7)

Parmi les écrits, nombreux, du vénérable abbé Henri Marie Boudon, l’exhortation pour la veille de Noël fait partie des plus beaux. Il nous décrit les grandeurs de Dieu : tout puissant, plein d’amour et de bonté, Créateur de tout l’univers, qui n’a besoin de rien, ni de la terre, ni du ciel, ni des anges, ni de nous. Et pourtant, ce Dieu d’Amour a tout créé ! Comment avons-nous répondu à cet amour infini : par le péché, la désobéissance, l’orgueil, le mensonge, et tant d’autres horreurs.

Nous nous préparons à la célébration de la Nativité. Oh, bien des images d’Epinal surgissent dans nos esprits, des saveurs, des couleurs, des chants. Tout cela est bien beau, mais ne risquons-nous pas de passer à côté de l’essentiel ?

Ce n’est pas un petit enfant comme les autres qui sera couché dans l’humble crèche de Bethléem. C’est ce Dieu d’Amour, dont l’amour fut bafoué, qui vient à notre rencontre. Dieu ! tout simplement. L’accueillerons-nous pour ce qu’Il est ? Notre Créateur et Rédempteur, notre Seigneur et notre Roi ? Les mots de notre foi sont devenus des coquilles vides de sens parce que nous n’y prêtons pas suffisamment attention.

Voilà pourquoi, pour ces prochaines semaines de l’Avent et de Noël, votre blogue vous proposera l’ensemble de cette exhortation. Prenons le temps de la lire, jour après jour, dimanche après dimanche. Méditons-là devant nos crèches, devant le Tabernacle où notre Seigneur repose en vérité. Ainsi, Noël prendra tout son sens et Jésus Enfant trouvera, enfin, le seul lieu véritable de son repos, nos cœurs.

Saint Avent à tous.


Du vénérable abbé Henri Marie Boudon,

« Exhortation pour la veille de Noël sur le mystère de la naissance du Sauveur » (1/7)
                                                              
L’amour, toujours grand en ses victoires, mais aujourd’hui tout-puissant dans ses triomphes, ayant par la plus glorieuse de ses conquêtes assujetti à ses lois celui qui les donne à tous, et qui n’en reçoit de personne ; cet amour, dis-je, triomphant, rendant le Verbe incréé muet et la parole éternelle sans voix, fait que j’ai de la peine à vous entretenir

Si un Dieu, dans les excès de son amour, en montre la grandeur en gardant le silence, faut-il que l’homme, par ses discours, donne des témoignages de la faiblesse de ses affections ? Les grandes choses ont cela de propre qu’elles ne se peuvent exprimer, aussi voyons-nous que dans les mouvements extraordinaires de joie ou de tristesse, nos langues se trouvent arrêtées sans pouvoir dire un seul mot, mais particulièrement cela se remarque dans les personnes puissamment emportées par l’amour, et il est vrai : qui aime bien parle peu ou point du tout.

C’est une vérité qui se fait voir dans tout son lustre dans le mystère amoureux de l’enfance d’un Dieu que la bienheureuse Eglise, notre bonne mère, nous propose aujourd’hui.

Un Dieu aime et aime les hommes mais les aime jusqu’à tel point que l’amour le met dans un état où il ne peut parler.
Voilà des transports admirables d’un Dieu qui mériterait bien que je m’arrêtasse ici tout court et, qu’après vous avoir fait faire réflexion sur cette vérité, que je viens de vous proposer, nous demeurassions tous, dans le silence adorant, avec respect les précieux amours de ce Dieu.

Enfant pour les hommes, il faut que je vous avoue que parmi ces sentiments, c’est avec honte et confusion que je vous parle.
L’on a vu des hommes apostoliques se rencontrant dans des pays barbares, dont la langue leur était inconnue, exposer des tableaux : un Dieu incarné leur faisant entendre par quelques signes ce que signifiait cette image dont la seule vue tirait des soupirs des cœurs et des larmes des yeux de ces pauvres gens ; et moi qui ai affaire avec des âmes chrétiennes, ne dois-je pas me contenter d’avoir mis devant les yeux de votre esprit un Dieu Enfant que vous connaissez par la foi ?

Une personne qui aime n’a que faire des discours pour se porter à l’objet aimé ; aussitôt qu’elle l’aperçoit, elle s’unit intimement à lui. Sa seule vue lui dérobe le cœur et emporte toutes ses affections. Mais puisqu’il faut que je parle, continuez, vous-autres, Messieurs, dans ce silence où je vous vois, et respectez par-là celui qui garde la Parole éternelle revêtue du corps d’un petit enfant.