lundi 29 mars 2021

Le programme de la Semaine Sainte


La Semaine Sainte de Léon XIII en 1892, Les Archives du Figaro

En 1892 Léon XIII est pape depuis quatorze ans, et malgré ses 82 ans il respecte à la lettre les rites de la semaine sainte. En voici le récit par Mr X... du Vatican paru dans Le Figaro. Article paru dans Le Figaro du 16 avril 1892.

Si le Pape, dans un esprit de tolérance, a relevé les catholiques de l'obligation du jeûne quadragésimal, il n'a pas profité, malgré ses quatre-vingt-deux ans, de la faveur accordée aux fidèles.

Levé à quatre heures, a dit chaque matin de carême sa messe à six heures. Avant de monter à l'autel, un capucin prédicateur du Vatican a commenté en latin chaque verset de l'évangile de la Passion selon saint Jean.

Le sermon finit régulièrement par ces mots: Et le Christ rendit l'esprit. Léon XIII, aidé de deux prélats, vient alors s'agenouiller sur la première marche de l'autel, qu'il embrasse trois fois en répétant la parole du moine: Et reddidit spiritum.

Puis les deux prélats revêtent le Pape de la chasuble violette; et la messe commence. Depuis un an, le Pape ne peut pas descendre seul les degrés de l'autel et les deux assistants sont obligés de le soutenir sous les bras.

Léon XIII prononce lentement les paroles sacrées, aussi sa messe, est-elle fort longue. Elle dure trois quarts d'heure.

Une seconde messe dite d'actions de grâce est ensuite célébrée par un cardinal. Malgré sa fatigue, le Saint-Père reste agenouillé sur un vaste prie-Dieu en velours blanc, depuis l'offertoire jusques après la communion.

Le Pape rentre ensuite dans ses appartements particuliers.

En temps ordinaire, il prend, avant de vaquer à ses nombreuses occupations, une tasse de bouillon; en carême, il prend du chocolat à l'eau avec une once de pain.

A midi, Léon XIII fait un repas assez copieux. A trois heures, il se rend à la chapelle où il fait son chemin de croix, méditant un quart d'heure devant chaque station. Un prélat porte un prie-Dieu qu'il place successivement en face de chaque tableau du chemin de croix.

Arrivé au maître-autel, un cardinal avance un grand Christ qui contient un morceau de la Vraie Croix.

Le cardinal dit à haute voix: Ecce lignum crucis. Voici le bois de la Croix. Et le Pape répond en embrassant les pieds et les mains, sur lequel le Christ a été cloué pour le salut du monde.

En carême Léon XIII fait une légère collation à cinq heures et demie. Elle se compose d'une salade et d'un bol de lait dans lequel le Saint-Père trempe un peu de pain sec.

A sept heures, Léon XIII va une dernière fois à la chapelle pour réciter le rosaire et entendre, le vendredi et le dimanche, le sermon dit le carême du Pape. Ce sermon est toujours fait par un capucin.

Le Pape, avant de quitter la chapelle, s'approche du tabernacle, fait la génuflexion et, prenant le ciboire qu'il ouvre, il sort une hostie et trace sur son front le signe de la croix.

Le médecin de Léon XIII a tout fait pour l'empêcher de suivre avec tant d'austérité son carême.

«Mon bon ami, lui répondait-il, les catholiques ont tous eu l'influenza, ils doivent se soigner, mais moi je n'ai pas eu l'influenza.

—Mais, Très Saint-Père, vous avez quatre-vingt-deux ans.

—Oh! c'est une influenza comme une autre; mais vous êtes impuissant à me l'enlever.»

Jusqu'à ce jour le Pape n'a pas manqué de suivre ce règlement. Sa santé n'en a nullement souffert.

Pendant la semaine sainte on craint cependant la longueur des cérémonies.

Le Jeudi Saint la cérémonie du lavement des pieds de douze pauvres de Rome est surtout fatigante.

Léon XIII s'agenouille, en effet, devant ces douze mendiants et leur lave consciencieusement les pieds. Puis il veut servir lui-même le repas qui leur est offert dans une salle voisine de son cabinet de travail.

Chaque pauvre trouve sous sa serviette un billet de cent francs.

Léon XIII porte sur sa soutane un tablier. Après le déjeuner des pauvres, ce tablier est renvoyé aux bénédictines qui en font pour tous les couvents de leur ordre les linges qui recouvrent le calice.

Le Saint-Sacrement est exposé pendant toute la nuit. Le Pape reste en prière de dix heures à minuit. A minuit, un cardinal se présente et frappe douze coups sur la porte de la chapelle.

Léon XIII prend alors le crucifix et l'approche de la fenêtre. Il trace un grand signe de croix sur la ville endormie en disant avec solennité: Et reddidit spiritum.

Le Vendredi Saint, Léon XIII dit seul la messe. L'évangile de la passion est chanté à trois voix. Un cardinal imite la voix du peuple, l'autre celle des juges, et le Pape répond à la place du Christ sur un ton plaintif.

Détail touchant: quand on arrive au récit de la renonciation de saint Pierre, Léon XIII cache sa figure avec ses deux mains.

On peut dire que le Vendredi Saint la journée du Pape se passe à l'église. Il ne fait qu'un seul repas, à midi. Aussi, l'année dernière, Léon XIII a eu à cinq heures une légère syncope.

Le Samedi Saint, quand les cloches sonnent au Gloria de la messe, le Pape, porté sur la sedia gestatoria, parcourt les couloirs du Vatican, escorté de la garde suisse, et chante sans discontinuer: Christus resurrexit. Le Christ est ressuscité.

Quant au jour de Pâques, c'est le grand jour de fête du Vatican.

Tous ceux qui se rencontrent pour la première fois sont tenus de se dire Alleluia et de s'embrasser.

L'année dernière, Léon XIII, voulant arriver à la réconciliation de deux cardinaux brouillés depuis longtemps, ne trouva rien de mieux que de les convoquer à la même heure. Ne se doutant pas du piège, ils arrivèrent à l'heure fixée par le Pape. Quand ils se trouvèrent en face l'un de l'autre, ils devinèrent le stratagème en voyant la figure de Léon XIII illuminée de son fin sourire. Les deux cardinaux s'embrassèrent du bout des lèvres, mais, sentant sur leurs épaules les deux mains du Pape qui les poussaient à s'étreindre plus cordialement, ils cédèrent et sont devenus les meilleurs amis du monde.

X... du Vatican.



dimanche 28 mars 2021

Entrée dans la grande et sainte Semaine. Dimanche des Rameaux et de la Passion du Sauveur


Homélie de Saint André de Crète pour le dimanche des Rameaux et de la Passion

Disons au Christ, nous aussi : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël. Adressons-lui, en guise de palmes, les paroles d’adieu destinées à la croix. Célébrons-le, non pas avec des rameaux d’olivier, mais avec les triomphes de nos pardons réciproques. Étendons à ses pieds, comme des vêtements, les désirs de notre cœur, afin qu’il fasse en nous son entrée, qu’il soit totalement en nous, qu’il nous établisse tout entiers en lui, et lui tout entier en nous. Disons à Sion cette parole du prophète : Confiance, fille de Sion, n’aie aucune crainte. Voici son roi qui vient vers toi, humble et monté sur un âne, un âne tout jeune.

Il vient, celui qui est partout présent et qui remplit toute chose, afin d’accomplir en toi le salut de tous. Il vient, celui qui n’est pas venu appeler les justes, mais les pécheurs à la conversion, afin de retirer du péché ceux qui se sont égarés. N’aie donc aucune crainte : Dieu est au milieu de toi, tu ne seras pas ébranlée.


Accueille en élevant les mains celui qui, sur ses mains, a gravé le plan de tes remparts. Accueille celui qui a établi tes fondations sur les paumes de ses mains. Accueille celui qui a pris sur lui tout ce qui est à nous, à l’exception du péché, afin d’absorber en lui tout ce qui est à nous. Réjouis-toi, ô Mère, cité de Sion, célèbre tes fêtes. Glorifie pour sa miséricorde celui qui vient à nous au milieu de toi. Réjouis-toi grandement, fille de Jérusalem, chante et danse. Resplendis, resplendis ! (Nous t’acclamons à la manière d’Isaïe, le prophète retentissant). Elle est venue, ta lumière, et la gloire du Seigneur s’est levée sur toi !

Quelle est cette lumière ? Celui qui éclaire tout homme venant en ce monde. Lumière éternelle, lumière hors du temps qui se montre dans le temps, lumière manifestée dans la chair et cachée par nature ; lumière qui a enveloppé les bergers et guidé les mages. Lumière qui était dans le monde au commencement, par qui le monde a été fait, mais que le monde n’a pas connue. Lumière qui est venue chez les siens, mais que les siens n’ont pas reçue.


La gloire du Seigneur s’est levée sur toi. Quelle est cette gloire ? Eh bien, c’est la croix, sur laquelle le Christ a été glorifié. C’est la lumière éclatante de la gloire du Père, comme lui-même l’a dit, la veille de sa passion : Maintenant le Fils de l’homme vient d’être glorifié, et Dieu a été glorifié en lui ; et bientôt il le glorifiera. Ce qu’il appelle alors sa gloire, c’est son élévation sur la croix. Car la croix du Christ est sa gloire et son élévation. Il a dit en effet : Moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes.



vendredi 26 mars 2021

Progresser dans la charité et le saint abandon à Dieu


De Saint Pierre Damascène

Un jour, alors que saint Antoine était assis avec un certain moine, une vierge s'approcha et dit à l'Ancien : « Abba, je jeûne six jours par semaine et je répète par cœur des parties de l'Ancien et du Nouveau Testament quotidiennement. »

L'Ancien répondit : « La pauvreté signifie-t-elle pour toi la même chose que l'abondance ? » « Non », répondit-elle.

« Ou subir le déshonneur la même chose que la louange ? » « Non, abba. »

« Tes ennemis sont-ils semblables pour toi à tes amis ? » « Non », répondit-elle.

Le sage Ancien lui a dit : « Va et commence à œuvrer, tu n'as encore rien accompli. »

jeudi 25 mars 2021

Annonciation du Seigneur


Saint Pierre Chrysologue, sermon 142

Vous avez entendu aujourd’hui, mes très chers frères, l’ange qui s’entretenait avec la femme de la réparation du genre humain. Vous avez entendu que son mandat consistait à ce que l’homme retourne à la vie par le même parcours par lequel il avait chuté dans la mort. Il pactise, l’ange, il discute avec Marie au sujet du salut, comme le démon avait trafiqué avec Ève la ruine de l’humanité. Vous avez entendu que, du limon de notre chair, l’ange, avec un art ineffable, construisait le Temple de la divine Majesté. Vous avez entendu que, par un mystère incompréhensible, Dieu était logé sur la terre, et l’homme dans le ciel. Vous avez entendu que, d’une façon inouïe, Dieu et l’homme étaient comme mélangés dans un seul corps. Vous avez entendu que, par l’exhortation angélique, la nature fragile de notre chair a été fortifiée pour porter toute la gloire de la Déité. Et enfin, pour que la terre sablonneuse de notre corps délicat ne succombe pas sous le poids de la Construction céleste érigée en Marie, et pour que ne casse pas la branche fragile qui, dans la vierge, devait porter tout le Fruit du genre humain, la voix de l’ange invite aussitôt Marie à fuir la crainte en disant : Ne crains pas, Marie.


Ne crains pas, Marie. Avant de donner la raison de son ambassade, l’ange proclame la dignité de la vierge en la nommant par son nom : Marie, car en hébreu et en latin, Marie signifie dame. L’ange l’appelle donc madame, pour que l’agitation et le tremblement qui sont le propre de l’esclavage s’éloignent de la mère du Dominateur. Qu’elle ait été dame à sa naissance et qu’elle en ait porté le nom, elle le doit à la dignité royale de ses ancêtres. Ne crains pas, Marie, car tu as trouvé grâce. Il n’est que trop vrai que qui a trouvé la grâce ne saurait craindre. Tu as trouvé la grâce. Auprès de qui ? Auprès de Dieu. Bienheureuse est-elle celle qui, parmi les hommes, a mérité d’entendre ce qui la place avant tous. Tu as trouvé la grâce. En quelle quantité ? Autant qu’il a été dit : la plénitude. Grâce qu’elle ferait pleuvoir avec abondance sur toute créature.

Tu as trouvé grâce auprès de Dieu. En disant cela, l’ange se demande avec émerveillement si la femme est seule à avoir mérité la vie, ou si tous les hommes l’ont méritée par la femme. L’ange est dans la stupeur à la pensée que la totalité de la Divinité descend dans l’exiguïté de l’utérus de la vierge, Elle pour qui tout l’ensemble de la création est un iota. Voilà pourquoi l’ange procède lentement. Il l’appelle vierge parce qu’elle le méritait, il l’interpelle en se référant à la grâce, sans avoir auparavant indiqué à celle qui l’écoutait la raison de sa visite. Il laisse son esprit dans l’attente pour attirer son attention. Considérez, mes frères, quelle révérence et quelle crainte il convient que nous apportions à un tel mystère, quand ce n’est pas sans crainte que l’ange lui-même parle de la crainte à son interlocutrice.

 


mardi 23 mars 2021

Contre les tentations


Du vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Le triomphe de la Croix », partie I, chap. 9

Elle eut donc recours à ces armes spirituelles : l’oraison, aux pénitences, à la fréquentation des saints sacrements et à l’asile commun et ordinaire de tous les Chrétiens : la très pure et très sainte Vierge qui a brisé la tête du serpent infernal et qui, tous les jours, réduit à rien toutes ses embûches et tous ses efforts.

Elle versait des torrents de larmes pour éteindre les feux qui l’embrasaient.

Elle passait une grande partie des jours et des nuits en oraison et même, elle était résolue si elle l’eût pu faire, non seulement de passer presque tout le jour dans l’une de ses chapelles dans l’exercice de la prière, mais encore d’y coucher. L’on a écrit qu’elle était un parfait modèle des personnes les plus pénitentes, elle qui avait toujours vécu dans l’innocence et, de vrai, elle châtiait son corps par des austérités incroyables.

Elle s’humiliait étrangement, elle disait qu’elle était bien étonnée de ce qu’elle osait regarder le ciel après tant de honteuses pensées qui lui passaient par l’esprit et qu’elle devait se cacher au centre de la terre.

Elle se confessait et communiait tous les jours.

Elle s’adressait avec confiance aux saints pour en implorer les secours mais spécialement à saint François.

Mais comme nous venons de le dire, sa grande confiance était aux puissantes intercessions de la glorieuse Mère de Dieu, sachant bien et c’est une vérité bien douce et bien consolante que jamais personne n’a eu recours à sa miséricordieuse bonté qui en ait été délaissée.

O puissante, ô douce, ô miséricordieuse Mère des Chrétiens et très digne Mère de Dieu, qu’il fait bon vivre sous votre protection maternelle et qu’il fait bon d’y mourir. C’est à vos pieds, ô ma bonne Dame, ô ma chère Maîtresse, ô ma fidèle Avocate, ô ma douce et très fidèle Mère, que je veux avec le secours de la grâce de votre bien-aimé, passer le reste de ma vie ; c’est à vos pieds que je désire la finir pour ne cesser jamais de vous aimer et de publier vos louanges et vos miséricordes durant toute l’éternité.

La très puissante Vierge était donc le refuge d’Elisabeth ; parmi tous ses combats elle renouvelait en sa présence son vœu de chasteté, elle protestait de ne vouloir avoir de l’amour que pour l’adorable Jésus, elle désavouait toutes ses tentations, elle protestait qu’elle aimait mieux être en horreur à tout le monde que de commettre un seul péché et être possédée jusqu’au jour du jugement de tous les malins esprits dans le corps que d’offenser Dieu une seule fois ; elle le désirait beaucoup, elle demandait instamment cette grâce à Dieu et elle s écriait : N’importe qu’il m’arrive ce qu’il pourra pourvu que je ne me rende point désagréable à Dieu !

C’est de cette manière qu’elle a triomphé glorieusement de tout l’enfer et de ses suppôts.

dimanche 21 mars 2021

1er dimanche de la Passion


Homélie de S. Pierre Chrysologue sur le sacrifice spirituel

~ Écoutez ce que demande le Seigneur : Reconnaissez en moi votre corps, vos membres, vos viscères, vos os, votre sang. Et si ce qui appartient à Dieu vous inspire de la crainte, est-ce que vous n'aimez pas ce qui est à vous ? Si vous fuyez le Seigneur, pourquoi ne recourez-vous pas à celui qui vous a engendrés ?

Mais peut-être que l'énormité de ma passion, dont vous êtes les auteurs, vous couvre de honte ? Ne craignez pas. Cette croix a été mortelle non pour moi mais pour la mort. Ces clous ne me pénètrent pas de douleur, mais d'un amour encore plus profond envers vous. Ces blessures ne provoquent pas mes gémissements, mais elles vous font entrer davantage dans mon cœur. L'écartèlement de mon corps vous ouvre mes bras, il n'augmente pas mon supplice. Mon sang n'est pas perdu pour moi, mais il est versé pour votre rançon.

Venez donc, retournez à moi et reconnaissez votre Père en voyant qu'il vous rend le bien pour le mal, l'amour pour les outrages, et pour de si grandes blessures une si grande charité.

Mais écoutons maintenant l'adjuration de l'Apôtre : Je vous adjure d'offrir vos corps. L'Apôtre, par cette demande, a fait accéder tous les hommes au sommet du sacerdoce : offrir vos corps, comme un sacrifice vivant.

Quelle fonction sans précédent, que celle du sacerdoce chrétien ! L'homme y est à lui-même et la victime et le prêtre ; l'homme n'a pas à chercher au dehors ce qu'il doit immoler à Dieu ; l'homme apporte avec lui et en lui ce qu'il doit offrir pour lui-même à Dieu en sacrifice ; la victime demeure la même, tandis que le prêtre reste aussi le même ; la victime qu'on frappe reste vivante, et le prêtre ne meurt pas puisqu'il doit officier.

Étonnant sacrifice où le corps est offert sans qu'il y ait de corps, où le sang est offert sans que le sang soit versé. Je vous adjure, par la miséricorde de Dieu, d'offrir vos corps en sacrifice vivant. Mes frères, ce sacrifice du Christ dépend du modèle qu'il nous en a donné, lorsqu'il a immolé son corps pour que sa vie donne la vie au monde ; et vraiment il a fait de son corps un sacrifice vivant, puisqu'il vit en étant immolé. Avec une telle victime, la mort est donnée en rançon, le sacrifice demeure, le sacrifice est vivant, la mort reçoit son châtiment. C'est pourquoi les martyrs naissent en mourant, commencent leur vie lorsqu'ils la finissent, vivent par leur mise à mort, et brillent dans le ciel alors que sur la terre on croyait à leur extinction.

Je vous adjure, mes frères, par la miséricorde de Dieu, d'offrir vos corps en sacrifice vivant et saint. C'est ce que le Prophète a chanté : Tu ne voulais ni offrande ni sacrifice, mais tu m'as façonné un corps. Sois le sacrifice et le prêtre de Dieu. Ne néglige pas le don que t'a concédé la souveraineté divine. Revêts la robe de la sainteté ; boucle sur toi le ceinturon de la chasteté ; que le Christ vienne voiler ta tête ; que la croix imprimée sur ton front te protège toujours ; mets sur ton cœur le mystère de la science divine ; fais brûler sans cesse l'encens de ta prière ; empoigne le glaive de l'Esprit ; fais de ton cœur un autel. Et ainsi présente ton corps à Dieu, offre-le sans crainte en sacrifice.

Dieu désire la foi, et non la mort ; il a soif de prières et non de sang ; il se laisse réconcilier par le bon vouloir, non par le meurtre.

vendredi 19 mars 2021

Solennité de S. Joseph, époux de Marie, protecteur de la sainte Eglise

 


Lettre apostolique « Patris corde » à l’occasion du 150e anniversaire de la déclaration de S. Joseph comme Patron de l’Eglise universelle

7. Père dans l’ombre

L’écrivain polonais Jan Dobraczyński, dans son livre L’ombre du Père, a raconté la vie de saint Joseph sous forme de roman. Avec l’image suggestive de l’ombre il définit la figure de Joseph qui est pour Jésus l’ombre sur la terre du Père Céleste. Il le garde, le protège, ne se détache jamais de lui pour suivre ses pas. Pensons à ce que Moïse rappelle à Israël : « Tu l’as vu aussi au désert : Yahvé ton Dieu te soutenait comme un homme soutient son fils » (Dt 1, 31). C’est ainsi que Joseph a exercé la paternité pendant toute sa vie.

On ne naît pas père, on le devient. Et on ne le devient pas seulement parce qu’on met au monde un enfant, mais parce qu’on prend soin de lui de manière responsable. Toutes les fois que quelqu’un assume la responsabilité de la vie d’un autre, dans un certain sens, il exerce une paternité à son égard.

Dans la société de notre temps, les enfants semblent souvent être orphelins de père. Même l’Église d’aujourd’hui a besoin de pères. L’avertissement de saint Paul aux Corinthiens est toujours actuel : « Auriez-vous des milliers de pédagogues dans le Christ, vous n’avez pas plusieurs pères » (1 Co 4, 15). Chaque prêtre ou évêque devrait pouvoir dire comme l’apôtre : « C’est moi qui, par l’Évangile, vous ai engendrés dans le Christ Jésus » (ibid.). Et aux Galates il dit : « Mes petits-enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous » (4, 19).

Etre père signifie introduire l’enfant à l’expérience de la vie, à la réalité. Ne pas le retenir, ne pas l’emprisonner, ne pas le posséder, mais le rendre capable de choix, de liberté, de départs. C’est peut-être pourquoi, à côté du nom de père, la tradition a qualifié Joseph de “très chaste”. Ce n’est pas une indication simplement affective, mais c’est la synthèse d’une attitude qui exprime le contraire de la possession. La chasteté est le fait de se libérer de la possession dans tous les domaines de la vie. C’est seulement quand un amour est chaste qu’il est vraiment amour. L’amour qui veut posséder devient toujours à la fin dangereux, il emprisonne, étouffe, rend malheureux. Dieu lui-même a aimé l’homme d’un amour chaste, en le laissant libre même de se tromper et de se retourner contre lui. La logique de l’amour est toujours une logique de liberté, et Joseph a su aimer de manière extraordinairement libre. Il ne s’est jamais mis au centre. Il a su se décentrer, mettre au centre de sa vie Marie et Jésus.

Le bonheur de Joseph n’est pas dans la logique du sacrifice de soi, mais du don de soi. On ne perçoit jamais en cet homme de la frustration, mais seulement de la confiance. Son silence persistant ne contient pas de plaintes mais toujours des gestes concrets de confiance. Le monde a besoin de pères, il refuse les chefs, il refuse celui qui veut utiliser la possession de l’autre pour remplir son propre vide ; il refuse ceux qui confondent autorité avec autoritarisme, service avec servilité, confrontation avec oppression, charité avec assistanat, force avec destruction. Toute vraie vocation naît du don de soi qui est la maturation du simple sacrifice. Ce type de maturité est demandé même dans le sacerdoce et dans la vie consacrée. Là où une vocation matrimoniale, célibataire ou virginale n’arrive pas à la maturation du don de soi en s’arrêtant seulement à la logique du sacrifice, alors, au lieu de se faire signe de la beauté et de la joie de l’amour elle risque d’exprimer malheur, tristesse et frustration.

La paternité qui renonce à la tentation de vivre la vie des enfants ouvre toujours tout grand des espaces à l’inédit. Chaque enfant porte toujours avec soi un mystère, un inédit qui peut être révélé seulement avec l’aide d’un père qui respecte sa liberté. Un père qui est conscient de compléter son action éducative et de vivre pleinement la paternité seulement quand il s’est rendu “inutile”, quand il voit que l’enfant est autonome et marche tout seul sur les sentiers de la vie, quand il se met dans la situation de Joseph qui a toujours su que cet Enfant n’était pas le sien mais avait été simplement confié à ses soins. Au fond, c’est ce que laisse entendre Jésus quand il dit : « N’appelez personne votre Père sur la terre : car vous n’en avez qu’un, le Père céleste » (Mt 23, 9).

Chaque fois que nous nous trouvons dans la condition d’exercer la paternité, nous devons toujours nous rappeler qu’il ne s’agit jamais d’un exercice de possession, mais d’un “signe” qui renvoie à une paternité plus haute. En un certain sens, nous sommes toujours tous dans la condition de Joseph : une ombre de l’unique Père céleste qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45) ; et une ombre qui suit le Fils.

« Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère » (Mt 2, 13), dit Dieu à saint Joseph.

Le but de cette Lettre Apostolique est de faire grandir l’amour envers ce grand saint, pour être poussés à implorer son intercession et pour imiter ses vertus et son élan. En effet, la mission spécifique des saints est non seulement d’accorder des miracles et des grâces, mais d’intercéder pour nous devant Dieu, comme l’ont fait Abraham et Moïse, comme le fait Jésus, « unique médiateur » (1 Tm 2, 5) qui est auprès de Dieu Père notre « avocat » (1 Jn 2, 1), « toujours vivant pour intercéder en [notre] faveur » (He 7, 25 ; cf. Rm 8, 34). Les saints aident tous les fidèles « à chercher la sainteté et la perfection propres à leur état ». Leur vie est une preuve concrète qu’il est possible de vivre l’Évangile.

Jésus a dit : « Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur » (Mt 11, 29), et eux sont à leur tour des exemples de vie à imiter. Saint Paul a explicitement exhorté : « Montrez-vous mes imitateurs » (1 Co 4, 16). Saint Joseph le dit à travers son silence éloquent. Devant l’exemple de tant de saints et de saintes, saint Augustin s’est demandé : « Ce que ceux-ci et celles-ci ont pu faire, tu ne le pourrais pas ? ». Et il a ainsi obtenu la conversion définitive en s’exclamant : « Bien tard, je t’ai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle! ».

Il ne reste qu’à implorer de saint Joseph la grâce des grâces : notre conversion.

Nous lui adressons notre prière :

Salut, gardien du Rédempteur,
époux de la Vierge Marie.
À toi Dieu a confié son Fils ;
en toi Marie a remis sa confiance ;
avec toi le Christ est devenu homme.

O bienheureux Joseph,
montre-toi aussi un père pour nous,
et conduis-nous sur le chemin de la vie.
Obtiens-nous grâce, miséricorde et courage,
et défends-nous de tout mal. Amen.

Donné à Rome, Saint Jean de Latran, le 8 décembre, Solennité de l’Immaculée Conception de la B.V. Marie, de l’année 2020, la huitième de mon Pontificat.

François pp.

mercredi 17 mars 2021

S. Joseph, charpentier

Lettre apostolique « Patris corde » à l’occasion du 150e anniversaire de la déclaration de S. Joseph comme Patron de l’Eglise universelle

6. Père travailleur

Le rapport avec le travail est un aspect qui caractérise saint Joseph et qui est mis en évidence depuis la première Encyclique sociale, Rerum novarum, de Léon XIII. Saint Joseph était un charpentier qui a travaillé honnêtement pour garantir la subsistance de sa famille. Jésus a appris de lui la valeur, la dignité et la joie de ce que signifie manger le pain, fruit de son travail.

À notre époque où le travail semble représenter de nouveau une urgente question sociale et où le chômage atteint parfois des niveaux impressionnants, y compris dans les nations où pendant des décennies on a vécu un certain bien-être, il est nécessaire de comprendre, avec une conscience renouvelée, la signification du travail qui donne la dignité et dont notre Saint est le patron exemplaire.

Le travail devient participation à l’œuvre même du salut, occasion pour hâter l’avènement du Royaume, développer les potentialités et qualités personnelles en les mettant au service de la société et de la communion. Le travail devient occasion de réalisation, non seulement pour soi-même mais surtout pour ce noyau originel de la société qu’est la famille. Une famille où manque le travail est davantage exposée aux difficultés, aux tensions, aux fractures et même à la tentation désespérée et désespérante de la dissolution. Comment pourrions-nous parler de la dignité humaine sans vouloir garantir, à tous et à chacun, la possibilité d’une digne subsistance ?

La personne qui travaille, quel que soit sa tâche, collabore avec Dieu lui-même et devient un peu créatrice du monde qui nous entoure. La crise de notre époque, qui est une crise économique, sociale, culturelle et spirituelle, peut représenter pour tous un appel à redécouvrir la valeur, l’importance et la nécessité du travail pour donner naissance à une nouvelle “normalité” dont personne n’est exclu. Le travail de saint Joseph nous rappelle que Dieu lui-même fait homme n’a pas dédaigné de travailler. La perte du travail qui frappe de nombreux frères et sœurs, et qui est en augmentation ces derniers temps à cause de la pandémie de la Covid-19, doit être un rappel à revoir nos priorités. Implorons saint Joseph travailleur pour que nous puissions trouver des chemins qui nous engagent à dire : aucun jeune, aucune personne, aucune famille sans travail !

dimanche 14 mars 2021

Dimanche de Laetare - Dimanche de la Joie car le Seigneur vient pour nous sauver


Sainte Mariam de Jésus Crucifié, ocd.


Je ne puis me contenir : j’ai une paix, une joie si grandes! Je suis en Dieu et Dieu est en moi. Je sens que toutes les créatures, les arbres, les fleurs, sont à Dieu et aussi à moi… Je voudrais un cœur plus grand que l’univers!


Tout le monde dort. Et Dieu si rempli de bonté, si grand, si digne de louanges, on l’oublie!... Personne ne pense à lui!… 


Vois, la nature le loue ; le ciel, les étoiles, les arbres, les herbes, tout le loue ; et l’homme qui connaît ses bienfaits, qui devrait le louer il dort!

Allons, allons réveiller l’univers…


A l’Amour, mon Amour!




vendredi 12 mars 2021

Le Salut par la Croix


Du pseudo Macaire (IVe siècle)

Dieu, jadis, a livré ouvertement Jérusalem à ses ennemis, dans sa colère contre les Juifs ; ceux qui le haïssaient les ont dominés, et il n’y a plus eu de fête ni de sacrifice. C’est ainsi qu’il s’irrite contre une âme qui transgresse son commandement, et qu’il la livre à ses ennemis, les démons et les mauvais désirs ; car, en l’égarant, ils l’ont totalement détruite. ~


Ainsi qu’une maison, si son maître ne l’habite plus, s’enfonce dans les ténèbres, le mépris et la ruine, se remplit de crasse et d’ordures ; de même, l’âme qui est délaissée par son Maître que le chœur des Anges accompagne, est remplie par les ténèbres du péché, la honte des mauvais désirs et un complet mépris.


Malheur à la route où personne ne marche plus, où la voix de l’homme ne se fait plus entendre ! Elle devient un repaire de bêtes fauves. Malheur à l’âme, si le Seigneur n’y marche plus, et si la voix n’en fait pas fuir les bêtes fauves de la méchanceté spirituelle ! Malheur à la maison que son maître n’habite plus ! Malheur à la terre qui n’a plus de cultivateur pour la travailler ! Malheur au navire, s’il n’a plus de pilote, car il se perd, emporté par les flots et la tempête ! Malheur à l’âme, si elle n’a plus en elle le vrai pilote, le Christ, car, livrée sur la mer à la cruauté des ténèbres, ballottée par les flots de passions, secouée par les esprits mauvais, elle trouve finalement sa perte.


Malheur à l’âme, si elle n’a pas le Christ pour la cultiver attentivement, afin qu’elle puisse produire les fruits savoureux de l’Esprit ! Car, abandonnée, remplie de ronces et de chardons, elle n’a de fruits que pour le feu. Malheur à l’âme, si elle n’a pas son Maître, le Christ, habitant en elle ! Car, déserte, elle est remplie par la puanteur des passions et elle devient l’auberge du vice.


Quand le cultivateur entreprend de travailler la terre, il doit prendre les outils et les vêtements appropriés à son travail. Il en va de même du Christ, ce roi céleste et ce cultivateur véritable ; lorsqu’il est venu vers l’humanité rendue déserte par le vice, il a revêtu un corps et porté sa croix en guise d’instrument, il a travaillé l’âme désolée, il a arraché les ronces et les chardons des esprits mauvais, il a déraciné l’ivraie du péché et brûlé toute la paille de ses iniquités. Et lorsqu’il l’a ainsi travaillée par le bois de la croix, il y a planté le jardin magnifique de l’Esprit qui produit toutes sortes de fruits délicieux et désirables pour le Maître qui est Dieu.