lundi 10 mai 2021

10, 11, 12 mai, chantons la litanie des Saints et implorons Dieu notre Père en ce temps des Rogations


Dom Guéranger, sur les Rogations

Une autre fin des Rogations est d'attirer la bénédiction de Dieu sur les moissons et les fruits de la terre ; c'est la demande du pain quotidien qu'il s'agit de présenter solennellement à la majesté divine. «Tous les êtres, dit le Psalmiste, élèvent avec espoir leurs yeux vers vous, Seigneur, et vous leur donnez leur nourriture en la saison convenable ; vous ouvrez la main, et vous répandez votre bénédiction sur tout ce qui respire.» Appuyée sur ces touchantes paroles, la sainte Eglise supplie le Seigneur de donner, cette année encore, aux habitants de la terre la nourriture dont ils ont besoin. Elle confesse qu'ils en sont indignes par leurs offenses; reconnaissons avec elle les droits de la divine justice sur nous, et conjurons-la de se laisser vaincre par la miséricorde. Les fléaux qui pourraient arrêter tout court les espérances orgueilleuses de l'homme sont dans la main de Dieu; il ne lui en coûterait pas un effort pour anéantir tant de belles spéculations: un dérangement dans l'atmosphère suffirait pour mettre les peuples aux abois. La science économique a beau faire: bon gré, mal gré, il lui faut compter avec Dieu. Elle parle de lui rarement; il semble consentir à se voir oublié; mais «il ne dort pas, celui qui garde Israël.» Qu'il retienne sa main bienfaisante, et nos travaux agricoles, dont nous sommes si fiers, nos cultures, à l'aide desquelles nous nous vantons d'avoir rendu la famine impossible, sont aussitôt frappés de stérilité. Une maladie dont la source demeurera inconnue fondra tout à coup, nous l'avons vu, sur les produits de la terre; et ce serait assez pour affamer les peuples, assez pour amener les plus terribles perturbations dans un ordre social qui s'est affranchi de la loi chrétienne, et n'a plus d'autre raison de tenir debout que la compassion divine.

Et cependant, si le Seigneur daigne cette année encore octroyer fécondité et protection aux moissons que nos mains ont semées, il sera vrai de dire qu'il aura donné la nourriture à ceux qui l'oublient, à ceux qui le blasphèment, comme à ceux qui pensent à lui et l'honorent. Les aveugles et les pervers, abusant de cette longanimité, en profiteront pour proclamer toujours plus haut l'inviolabilité des lois de la nature; Dieu se taira encore, et il les nourrira. Pourquoi donc n'éclate-t-il pas? pourquoi contient-il son indignation? C'est que son Eglise a prié, c'est qu'il a reconnu sur la terre les dix justes, c'est-à-dire le contingent si faible dont il se contente dans son adorable bonté. Il laissera donc parler et écrire ces savants économistes qu'il lui serait si aisé de confondre. Grâce à cette patience, il adviendra que plusieurs se lasseront de courir ainsi les voies de l'absurde; une circonstance inattendue leur dessillera les yeux, et un jour ils croiront et prieront avec nous. D'autres s'enfonceront toujours plus avant dans leurs ténèbres; ils défieront la justice divine jusqu'à la fin, et mériteront que s'accomplisse sur eux ce terrible oracle: «Le Seigneur a fait toutes choses pour lui-même, et l'impie pour le jour mauvais.»

Pour nous qui nous faisons gloire de la simplicité de notre foi, qui attendons tout de Dieu et rien de nous-mêmes, qui nous reconnaissons pécheurs et indignes de ses dons, nous implorerons, durant ces trois jours, le pain de sa pitié, et nous dirons avec la sainte Eglise: «Daignez donner et conserver les fruits de la terre: Seigneur, nous vous en supplions, exaucez-nous!» Qu'il daigne exaucer cette fois encore le cri de notre détresse! Dans un an nous reviendrons lui adresser la même demande. Marchant sous l'étendard de la croix, nous parcourrons encore les mêmes sentiers, faisant retentir les airs des mêmes Litanies, et notre confiance se fortifiera de plus en plus, à la pensée que, par toute la chrétienté, la sainte Eglise conduit ses enfants dans cette marche aussi solennelle qu'elle est suppliante. Depuis quatorze siècles, le Seigneur est accoutumé à recevoir les vœux de ses fidèles à cette époque de l'année; nous ne voudrons plus désormais atténuer les hommages qui lui sont dus, et nous ferons nos efforts pour suppléer, par l'ardeur de nos prières, à l'indifférence et à la mollesse qui s'unissent trop souvent, pour faire disparaître de nos mœurs tant de signes de catholicité qui furent chers à nos pères.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire