vendredi 19 avril 2019

VENDREDI SAINT

Le baiser de Judas...

Homélie de Saint Jean Chrysostome sur la Croix

Nous célébrons en ce jour une fête solennelle, mes chers frères, en ce jour où Notre Maître est cloué sur la Croix.
Et ne soyez pas étonnés que nous nous réjouissions d’un événement aussi triste; les choses spirituelles sont toujours en contradiction avec les habitudes des hommes. Pour vous convaincre de ce que je dis, la Croix, qui auparavant était un titre de condamnation et de punition, est devenue un objet précieux et désirable.

La Croix, qui auparavant était un sujet de honte et d’opprobre, est devenue une source de gloire et d’honneur. Que la Croix constitue une gloire, c’est le Christ qui le dit. Écoute : Mon Père, dit-Il, glorifie-moi auprès de Toi-même de la gloire que J’avais auprès de Toi avant que le monde soit. (Jean, XVII, 5.) Il appelle la Croix un titre de gloire. La Croix est le principe de notre salut, la source d’une infinité de biens.

Par elle, nous sommes admis au nombre des enfants, nous qui auparavant étions rejetés et avilis. Par elle, nous ne sommes plus livrés à l’erreur, mais nous connaissons la vérité. Par elle, nous qui adorions le bois et la pierre, nous connaissons maintenant le Maître et le Créateur du monde.  Par elle, la terre désormais est devenue le ciel. La Croix nous a affranchis de nos erreurs, elle nous a conduits à la vérité, elle a réconcilié l’homme avec Dieu, elle nous a arrachés de l’abîme du vice pour nous porter au sommet de la vertu. Elle a mis fin à l’illusion des démons, elle a détruit la tromperie. Par elle, il n’y a plus la fumée et l’odeur des viandes grasses brûlées [en sacrifices], on ne voit plus couler le sang des animaux ; mais partout domine un culte spirituel, partout retentissent des hymnes et des prièresPar elle, les démons sont mis en fuite et le diable est proscrit.

La crucifixion, par Cosimo Rossetti
Grâce à elle, la nature humaine rivalise avec la condition angélique. Grâce à elle, la virginité habite sur la terre; car depuis que Celui qui est né de la Vierge est venu dans le monde, la nature humaine a connu la voie de cette vertu. C’est elle qui nous a éclairés, nous qui étions assis dans les ténèbres ; c’est elle qui nous a réconciliés [avec Dieu], alors que nous étions ennemis c’est elle qui nous a rapprochés [avec Lui], nous qui étions éloignés ; elle nous a fait Sien, nous qui étions aliénés ; elle nous a fait citoyens du ciel, nous qui étions étrangers ; elle a fait cesser pour nous la guerre, et nous a assuré la paix. Par elle, nous ne craignons plus les traits enflammés du diable, parce que nous avons trouvé la source de la vie. Par elle, nous ne gémissons plus dans une triste viduité, parce que nous avons recouvré l’Époux. Par elle, nous n’appréhendons plus le loup cruel, parce que nous avons connu le bon Pasteur Je suis, dit-Il, le bon Pasteur. (Jean, X, 11.) Par elle, nous ne redoutons plus le tyran, parce que nous sommes accourus auprès du Roi.

Vois-tu de quels biens la Croix est pour nous la cause ? C’est donc avec raison que nous célébrons une fête. Et c’est à quoi nous exhorte l’apôtre saint Paul lorsqu’il dit : Célébrons la fête, non avec l’ancien levain, avec le levain de la perversité et de la malice, mais dans les azymes de la sincérité et de la vérité. (I Cor. V, 8.) Et pourquoi, bienheureux Paul, nous exhortes-tu à fêter ? Dis-nous-en la raison. C’est que le Christ Dieu, notre pâque, a été immolé pour nous.

Vois-tu que la Croix est une fête ? Comprends-tu pourquoi l’Apôtre nous exhorte à en célébrer la fête ? Jésus-Christ a été immolé sur la croix; or, partout où il y a sacrifice, il y a rémission des péchés, il y a réconciliation avec le Maître, il y a fête et joieJésus-Christ, notre pâque, dit l’Apôtre, a été immolé pour nous. (I Cor. V, 7.) Et où dit-il qu’Il a été immolé ? Sur la hauteur de la Croix.

Descente de Croix
L’autel est nouveau et extraordinaire, parce que l’offrande est extraordinaire et inhabituelle. Lui-même était en même temps l’offrande et le prêtre; l’offrande selon la chair, le prêtre selon l’esprit. Il offrait et était offert. Écoute encore saint Paul qui dit : Tout grand prêtre, pris d’entre les hommes, est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu : il faut donc nécessairement qu’il ait de quoi lui offrir. (Héb. V, 3; VIII, 3.) Voici qu’Il offre jusqu’à maintenant. L’apôtre dit encore ailleurs : Jésus-Christ s’est offert une seule fois pour enlever les péchés d’un grand nombre (Héb. IX, 28.)

Voici qu’ici Il a été offert, et là Il s’est offert Lui-même. As-tu vu comment Jésus-Christ était en même temps offrande et prêtre et que la Croix était l’autel ? Mais il est nécessaire d’examiner pourquoi le sacrifice n’est pas offert dans un temple, c’est-à-dire le temple judaïque, mais hors de la ville, hors des murs. Jésus-Christ a été crucifié hors de la ville comme un condamné, afin que cette parole du prophète fût accomplie : Il a été compté parmi les criminels. (Is. LIII, 12.) Pourquoi donc a-t-Il été crucifié hors de la ville, dans un lieu élevé, et non sous un toit quelconque ? Cela ne s’est pas fait non plus sans cause; c’était afin de purifier la nature de l’air. Voilà pourquoi, dis-je, Il est mort dans un lieu élevé, et non sous un toit. Il est mort, ayant le ciel pour toit, afin que le ciel entier fût purifié, l’Agneau étant immolé dans un lieu élevé. Le ciel a donc été purifié; la terre l’a été aussi, puisque le sang du Sauveur a coulé de Son côté sur la terre, et l’a purifiée de toutes ses souillures. Telle est donc la raison pour laquelle le sacrifice n’a pas été offert dans un lieu enfermé.

Le Christ, mort pour nos péchés
Et pourquoi n’a-t-il pas été offert dans le temple judaïque même ? Cela ne s’est pas fait encore sans une raison particulière : c’est afin que les Juifs ne s’appropriassent point le sacrifice, afin que tu ne penses pas que le sacrifice a été offert pour cette seule nation. Hors de la ville, hors des murs, afin que tu saches que le sacrifice est universel, que l’oblation était faite pour toute la terre, que la purification est commune à toute la nature humaine. Dieu a ordonné aux Juifs de choisir dans toute la terre un lieu unique où on Lui offrit des sacrifices, où on Lui adressât des prières, parce que toute la terre était alors souillée par la fumée, par des viandes grasses brûlées [en sacrifices], par le sang des offrandes aux idoles, et par les autres souillures des païens. Voilà pourquoi Il leur a marqué un lieu unique. Mais le Christ étant venu dans le monde, et ayant souffert hors de la ville, a purifié toute la terre, a rendu tous les lieux propres aux prières.

Veux-tu apprendre comment toute la terre est devenue désormais un temple, comment tous les lieux ont été rendus propres aux prières ? Écoute encore le bienheureux Paul, qui dit : Ainsi je veux que les hommes prient en tout lieu, élevant vers le ciel des mains pieuses, sans colère ni disputes (I Tim. II, 8.) Vois-tu comment Jésus-Christ a purifié le monde; vois-tu comme nous pouvons en tout lieu élever des mains pures ? Oui, toute la terre est désormais devenue sainte, et même plus sainte que ce que les Juifs avaient de plus saint. Comment cela ? C’est que là on n’immolait que les animaux déraisonnables, au lieu qu’ici un Agneau doué de raison a été immolé. Or, autant ce qui est doué de raison l’emporte sur ce qui en est dépourvu, autant toute la terre a été plus sanctifiée que le temple des Juifs. Donc, en vérité, la Croix est une fête.

Icône de la descente aux enfers et de la libération de l'humanité en Adam et Eve

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