Présentation de Notre Dame au Temple |
Cette homélie d’Hésychius de Jérusalem en
l’honneur d’une fête de la Vierge Marie a été prononcée un 15 août,
peu après le concile d’Éphèse (431) qui venait de proclamer que Marie n’était
pas uniquement la mère de Jésus, mais aussi la mère de Dieu. Le 15 août
était dédié à la vénération de Marie mère de Dieu. Ce n’est que plus tard, sous
l’empereur Maurice (582-602), que la fête de la Dormition et de l’Assomption de
Marie fut définitivement fixée au 15 août.
1.
Divers noms donnés à Marie
C’est à juste
titre que toute langue sensée salue la Vierge mère de Dieu (θεοτόκος) et qu’elle imite,
selon ses moyens, Gabriel, le chef des anges. L’un dit à la Vierge : Réjouis-toi (Lc 1, 28), l’autre lui déclare : Le Seigneur est issu de toi (Lc 1, 28), parce que le Seigneur est né d’elle et
qu’avec une chair il a été manifesté à la race humaine. Celui-ci la surnomme
Mère de lumière, celui-là Astre de vie. Un autre l’appelle Trône de Dieu, un
autre Temple plus vaste que le ciel, un autre Chaire nullement inférieure à
celle des chérubins, un autre encore Jardin sans semence, fertile et non
cultivé, Vigne aux belles grappes, verdoyante, à laquelle on n’a pas touché,
Tourterelle pure, Colombe sans tache, Nuée concevant son ondée sans
destruction, Écrin dont la perle est plus brillante que le soleil, Carrière
d’où est extraite, sans que personne ne la taille (cf. Dn 2,34-35.45), cette pierre qui recouvre toute la
terre, Vaisseau chargé de marchandises qui n’a que faire d’un pilote, Trésor
qui enrichit. Mais d’autres pareillement l’appellent Lampe sans orifice qui
s’allume d’elle-même, Arche plus grande, plus longue, plus illustre que celle
de Noé : celle-ci était une arche de vivants corruptibles mais celle-là, l’arche
d’une vie incorruptible ; celle-ci a porté Noé mais
celle-là, le créateur de Noé ; celle-ci
possédait deux ou trois étages (cf. Gn 6, 16) mais
celle-là, toute la plénitude de la Trinité, puisque précisément l’Esprit est
venu en elle, que le Père l’a prise sous son ombre (cf. Lc 1, 35), et que le Fils l’a habitée quand il a
été porté dans son sein : en effet, l’Esprit-Saint viendra sur
toi, dit l’Écriture, et la puissance du Très-Haut te
prendra sous son ombre. C’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils
de Dieu (Lc 1, 35). Tu vois combien grande et considérable est la
dignité de la Vierge, mère de Dieu (θεοτόκος). Le Fils unique de Dieu en effet, le créateur du monde,
était porté par elle comme
un nouveau-né, alors qu’il remodelait
Adam, sanctifiait Ève, anéantissait le dragon, ouvrait le Paradis et maintenait
fermé le sceau virginal. C’est en toute rigueur et d’une manière analogue qu’il
faisait l’un et l’autre : il ouvrait en effet le Paradis, puisqu’il allait
y introduire le larron (cf. Lc 23,43) et y
conduire tous les héritiers du Royaume. Il maintenait fermé le sceau virginal
puisque, étant Dieu et Verbe, celui qui est incarné n’avait nullement besoin de
porte pour entrer ou pour sortir.
2. Buisson
ardent, Porte orientale, Jardin fermé, Source scellée
Icone de Notre Dame de Palestine |
C’est donc pour
toi, ô Vierge, que les prophètes partagent leurs louanges et que chacun de ces
porteurs de Dieu célèbre, parmi tes merveilles, les mystères qui lui ont été
confiés. L’un t’appelle Verge de Jessé (cf. Is 11, 1), afin
d’insinuer le caractère invulnérable et inflexible de ta virginité. L’autre te
compare au Buisson qui brûle et ne se consume point (cf. Ex 3, 2), afin d’insinuer que le fils unique a une
chair et que le vierge est la mère de Dieu (θεοτόκος) : Marie en effet brûlait et ne se consumait point, puisqu’elle a enfanté
sans que son sein ait été ouvert, qu’elle a conçu sans flétrir sa virginité,
qu’elle a mis au monde son nouveau-né tout en gardant son sein scellé, qu’elle
lui a donné du lait en conservant ses mamelles loin de tout contact, qu’elle a
porté un petit enfant sans connaître un homme qui serait le père de celui-ci,
qu’elle est devenue mère sans être devenue épouse. Un fils était élevé et on ne
lui découvrait pas de père. Le champ produisait une récolte et la récolte
n’avait pas de cultivateur : il a donné une moisson et n’a pas reçu de
semence. Un fleuve courait et sa source était fermée de toutes parts, afin de
manifester tout ensemble que tu étais devenue mère et que tu n’avais pas subi le
sort des mères. Tu as mis au monde comme une femme et tu n’as pas souffert de
flétrissure comme une femme. Tu portais dans ton sein selon la loi de la
nature, puisque tu attendais le moment fixé pour l’enfantement, mais en effet
tu as conçu aussi en dehors de la loi de la nature. Un autre t’a nommée Porte
fermée (cf. Éz 44, 1), mais située à
l’Orient (cf. Jn 20, 19) et introduisant le
roi, bien que les porte demeurent fermées. De même encore il t’a appelée Porte
menant au-dehors, puisque tu es devenue la porte de la vie présente pour le
Fils unique, Porte située à l’Orient (cf. Éz 44, 1)
puisque la vraie lumière éclairant tout homme venant dans le monde (Jn 1, 9) sort de ton sein, comme d’un dais nuptial
et royal. Tu as introduit le roi au-dedans bien que les portes fussent fermées,
mais de nouveau tu l’as produit au-dehors : le Roi de gloire en effet, ni
dans sa conception, ni non plus d’aucune manière dans sa naissance, n’a ouvert
les portes de ton sein, ni relâché les liens de ta virginité. Il t’a nommée Jardin fermé (Ct 4, 12)
et Source scellée (Ct 4, 12), cet
époux qui est né de toi : il t’a appelée d’avance, dans le Cantique, Jardin fermé (Ct 4, 12), puisque la faux ou la moisson d’une
flétrissure ne t’a pas atteinte, mais que la fleur issue en toute pureté de la
verge de Jessé (cf. Is 1, 11) est
offerte, en toute pureté aussi, au genre humain, du fait qu’elle a été cultivée
pour toi par l’Esprit seul, qui est pur et sans tache. (Il t’a appelée) Source scellée (Ct 4, 12)
puisqu’un fleuve de vie, sorti de toi, a rempli la terre habitée, mais que le
rameau nuptial n’a pas épuisé la source.
3.
Prophétie de David : l’arche de ton sanctuaire
À ton sujet,
David ne cesse de chanter sur sa cithare celui qui est issu de toi : Lève-toi, Seigneur, pour (venir au lieu de) ton repos, toi et
l’arche de ta sainteté (Ps 131, 8). Lève-toi : d’où ? Du sein du Père, non pour te séparer du Père - il
n’est pas permis en effet ni de le concevoir ni de le dire -, mais afin de
réaliser le plan rédempteur qui d’avance a été fixé d’en haut, pour toi, avant
les siècles et avant les générations. Lève-toi, afin de
relever ceux qui sont tombés, afin de redresser ceux qui ont trébuché, afin de
reprendre ton bien, que l’ennemi a détenu jusqu’à maintenant de manière
tyrannique. Lève-toi, Seigneur, pour (venir au lieu de)
ton repos (Ps 131, 8), que
tu t’es fixé sur la terre et arrangé à Bethléem : la grotte, la crèche
(cf. Lc 2, 7.12.16) et les langes (cf. Lc 2, 7.12). Dans les cieux en effet, tu n’as pas
besoin de repos, tu es au contraire le repos de toute la création ; mais, sur terre, tu souffres pour nous la condition
charnelle. N’as-tu pas supporté en effet la faim, la soif et la fatigue ? Mais bien qu’affamé, tu es le pain de vie (Jn 6, 35) ; bien qu’assoiffé, tu es toi-même la consolation de
ceux qui ont soif (cf. Jn 7, 37)
puisque tu es devenu un fleuve d’incorruptibilité - ; bien que fatigué
par tes marches sur la terre ferme, tu foules sans fatigue les flots de la
mer. Lève-toi, Seigneur, pour (venir au lieu de) ton repos, toi et
l’arche de ta sainteté (Ps 131,
8) : manifestement la Vierge, la mère de Dieu (θεοτόκος). Si en effet
tu es la perle, à juste titre celle-là est le coffret ; puisque tu es le
soleil (Mal 3, 20), nécessairement la Vierge sera appelée
Ciel ; puisque tu es la fleur qui ne se flétrit pas, la
Vierge est donc la Plante d’incorruptibilité, le Paradis d’immortalité.
C’est pour elle
qu’à l’instant Isaïe
a proclamé de la part de Dieu : Voici que la Vierge concevra
dans son sein, qu’elle enfantera un fils et qu’on lui donnera le nom d’Emmanuel (Is 7, 14). Voici que la Vierge : laquelle ? Celle qui a été distinguée entre les femmes et
choisie parmi les vierges, l’ornement magnifique de notre nature, la fierté de
notre limon, la femme qui a libéré Ève de son opprobre et affranchi Adam de la
peine qui le menaçait, celle qui a amputé le dragon de son effronterie, celle
que la fumée du désir n’a pas atteinte et que le ver de la volupté lui non plus
n’a pas gâtée. Voici que la Vierge concevra dans son sein (cf. Mt 1, 23) : de qui, ô prophète ? - « Je ne le dis pas,
répond-il, car cela est réservé à Gabriel. Ils sont beaucoup à se partager les
merveilles de la mère de Dieu, mais néanmoins beaucoup de ces merveilles sont
passées sous silence : du moins j’ai reçu en dépôt l’enfantement de celle
qui demeure toujours vierge, Michée s’est vu confier l’endroit dans lequel la
merveille s’est accomplie (Is 7, 14) et
David son moment, car il a inséré cette phrase dans sa prophétie des
psaumes : De mon sein, avant l’aurore, je t’ai engendré (Ps 109, 3). C’est donc
Gabriel qui dira de qui (elle conçoit) : il descend en effet du ciel ; il est envoyé pour cela même vers la Vierge ; il arrive au moment de l’enfantement, et le soin
d’en expliquer la nature lui est nécessairement confié. Mais si tu veux
apprendre aussi de moi, parcours la suite de ma prophétie : Elle enfantera un fils et on lui donnera le nom d’Emmanuel » (Is 7, 14). Que
signifie Emmanuel ? Dieu avec nous (cf. Lc 2, 7.12.16). Est-ce qu’un Dieu est conçu à la
suite d’un mariage et d’une flétrissure ? Peut-il naître
ou s’incarner en vertu d’une étreinte humaine ? - Absolument
pas, mais en vertu de l’opération divine, de la visite du Très-Haut, de la
venue de l’Esprit.
5. Le
message de Gabriel
Couronnement de Marie, Sainte-Marie Majeure |
Ainsi donc
lorsque la Vierge disait à Gabriel : Comment cela se fera-t-il
puisque je ne connais point d’homme ? (Lc 1, 34) c’est-à-dire : « Cette merveille me frappe de stupeur, cette parole me
confond », la révélation de l’ange jette la Vierge hors
d’elle-même. « tu dis des choses merveilleuses, mais elles me sont
suspectes à cause de leur étrangeté. Je crains la nouveauté de ce que tu
annonces, je suis troublée à cause du caractère très insolite de tes
paroles. Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais point
d’homme ? (Lc 1, 34)
Comment serai-je mère, sans être devenue épouse ? Je n’ai pas
flétri la fleur de mon printemps, je n’ai pas dénoué la ceinture de ma
virginité, je n’ai pas relâché les liens de mon sein, je n’ai pas rompu le
sceau de mes entrailles. » L’ange aussitôt
ajouta : L’Esprit Saint viendra sur toi et la puissance
du Très Haut te prendra sous son ombre (Lc 1, 35) c’est-à-dire : « Si tu connaissais un homme, tu n’aurais pas enfanté
un Dieu qui a consenti de prendre la condition d’esclave (Phi 2, 7), de toi, par toi, sans flétrissure ; tu ne serais pas devenue l’instrument de
l’incarnation par celui qui a tout créé. Mais puisque tu te trouves pure
d’étreinte nuptiale, puisque tu as gardé ton temple sans corruption et ton
tabernacle libre de toute souillure, le Père vient en toi, l’Esprit te prend
sous son ombre (Lc 1, 35), et le Fils unique
naît de toi avec une chair. Quant à toi, ne mets donc en doute, d’aucune
manière, les mystères qui suivront, ne les mets pas en doute, toi qui enfantes
dans une grotte le démiurge de toute la création, ne les mets pas en doute toi
qui assoies dans une crèche (cf. Lc 2, 7.12.16)
celui qui est assis sur le dos des chérubins (Ps 79, 2 ; Is 37, 16 ; Dn 3, 55 ; Éz 1, 18), toi
qui n’as pas de place dans l’hôtellerie (cf. Lc 2, 7) et qui
es la mère d’un roi régnant sur les êtres d’en haut et sur ceux d’en bas. »
6. Les
desseins du Fils de Dieu
C’est en effet
de son plein gré qu’il naît de toi dans la pauvreté (cf. 2 Co 8, 9), afin de soumettre les riches à son
frein et de devenir, pour les pauvres, un principe de patience, un maître
d’action de grâces. De son plein gré il est posé sur la crèche, pour que les
gens menant une vie de bête accourent et trouvent le Verbe assis sur la crèche,
pour qu’ils reçoivent de lui la dignité de la raison, pour qu’ils trouvent du
froment alors qu’ils attendent de la paille, pour qu’ils accourent comme du
bétail croyant trouver des poignées de grains dans la crèche (cf. Lc 2, 7.12.16), et qu’ils mangent le pain
véritable (Jn 6, 32), l’aliment de la vie, le repas de la
lumière, la nourriture de la joie, le doux breuvage de l’incorruptibilité, d’où
viennent la connaissance du Royaume, les arrhes (cf. Eph 1,14) de l’adoption, l’héritage des cieux, la
communion avec le Père, le Fils et le Saint Esprit : gloire à lui dans les
siècles des siècles. Amen.
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