Saint Martin, priez pour nous et pour la France ! |
Statue de Saint Martin, avant d'être remise sur le toit de la basilique Saint-Martin à Tours. |
Du Cardinal Désiré
Joseph Mercier
La religion du Christ fait du patriotisme une loi, il n'y a point de
parfait chrétien, qui ne soit un parfait patriote. Elle surélève l'idéal de la raison païenne
et le précise, en faisant voir qu'il ne se réalise que dans l'Absolu.
D'où vient, en effet, cet élan universel, irrésistible, qui emporte
d'un coup toutes les volontés de la nation dans un même effort de cohésion et
de résistance aux forces ennemies qui menacent son unité et son
indépendance ?
Comment expliquer que, sur l'heure, tous les intérêts cèdent devant l'intérêt général ; que toutes les
vies s'offrent à l’immolation ?
Il n'est pas vrai que l'Etat vaille essentiellement mieux que
l'individu et la famille, attendu que le bien des familles et des individus est
la raison d'être de son organisation.
La brutalité
des mœurs païennes et le despotisme des Césars avaient conduit à cette
aberration - et le militarisme moderne tendait à la faire revivre - que l'état
est omnipotent et que son pouvoir discrétionnaire crée le Droit.
Poilus dans les tranchées |
Non, réplique la
théologie chrétienne, le Droit, c'est la Paix, c'est-à-dire l'ordre
intérieur de la nation, bâti sur la Justice. Or la Justice elle-même n'est absolue, que
parce qu'elle est l'expression des rapports essentiels
des hommes avec Dieu et entre eux. Aussi la guerre pour la guerre est-elle un
crime. La guerre ne se justifie qu'à titre de moyen nécessaire pour assurer la
paix. "Il ne faut pas que la paix
serve de préparation à la guerre, dit saint Augustin, il ne faut faire la guerre que pour obtenir la
paix".
A la lumière de cet enseignement, que reprend à son compte saint
Thomas d'Aquin, le patriotisme revêt un caractère religieux. Les intérêts de famille, de classe, de
parti, la vie corporelle de l'individu sont dans l'échelle des valeurs,
au-dessous de l'idéal patriotique, parce que cet idéal, c'est le
Droit qui est absolu. Ou encore cet idéal, c'est la reconnaissance publique du
Droit appliqué à la nation, l'Honneur national. Or, il n'y a d'Absolu, dans la
réalité que Dieu.
Dieu seul
domine par sa sainteté et par la souveraineté de son empire, tous les intérêts
et toutes les volontés. Affirmer la nécessité absolue de tout
subordonner au Droit, à la Justice, à l'Ordre, à la Vérité, c'est donc
implicitement affirmer Dieu. Et quand nos humbles soldats, à qui nous faisions compliment de leur
héroïsme, nous répondaient avec simplicité : "Nous n'avons
fait que notre Devoir" ;
"l'Honneur l'exige", ils exprimaient à leur façon, le
caractère religieux de leur patriotisme.
Qui ne sent que le
patriotisme est "sacré" et qu'une atteinte à la dignité nationale est
une sorte de profanation sacrilège ? Un officier d'état-major me demandait
naguère si le soldat qui tombe au service d'une cause juste - et la nôtre l'est
à l'évidence - est un martyr. Dans l'acception rigoureuse et théologique du
mot, non, le soldat n'est pas un martyr, car il meurt les armes à la main,
tandis que le martyr se livre, sans défense à la violence de ses bourreaux. Mais si vous
me demandez ce que je pense du salut éternel d'un brave qui donne consciemment
sa vie pour défendre l'honneur de sa patrie et venger la justice violée, je
n'hésite pas à répondre que sans aucun doute le Christ couronne la vaillance
militaire, et que la mort, chrétiennement acceptée, assure au soldat le salut
de son âme.
"Nous n'avons pas, dit Notre-Seigneur, de meilleur moyen de pratiquer la charité, que de donner notre vie pour
ceux que nous aimons."Majorem
hanc dilectionem nemo habet ut animam suam ponat pro amicis suis."
Le soldat qui meurt pour sauver ses frères, pour protéger les foyers
et les autels de la patrie, accomplit cette forme supérieure de la charité.
Il n'aura pas toujours, je le veux, soumis à une analyse minutieuse
la valeur morale de son sacrifice, mais est-il nécessaire de croire que Dieu
demande au brave entraîné au feu du combat, les précisions méthodiques du
moraliste ou du théologien ?
Nous admirons
l'héroïsme du soldat : se pourrait-il que Dieu ne l'accueillit pas avec
amour ? ~
Car telle est la
vertu d'un acte de charité parfaite, qu'à lui seul il efface une vie entière de
péché. D'un coupable, sur l'heure, il fait un saint. Et combien
n'y en a-t-il pas, parmi ces jeunes gens de vingt ans, qui n'auraient pas eu,
peut-être le courage de bien vivre, et dans l'entraînement patriotique, se
sentent le courage de bien mourir ?
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