mercredi 10 juillet 2019

Un modèle pour les prêtres

Chanoine cathédral


« Vie nouvelle de Henri Marie Boudon », par S. Exc. R. Mgr Matthieu, Archevêque de Besançon

Le grand archidiaconé d’Evreux avait été conféré à Boudon le 28 février 1664 par Gilles Boutault qui en était alors évêque ; il partit de Paris pour en prendre possession dans le mois de juin de la même année, c’était à trente ans qu’il entrait pour la première fois dans les emplois de l’Eglise et, les obligations que celui dont il était revêtu allait lui imposer, étaient aussi difficiles que délicates à remplir.

Fidèle aux principes d’humilité dont il ne s’écarta jamais, il parut à Evreux avec cet extérieur simple et pauvre qui trompe bien souvent la pénétration des hommes. Il est vrai qu’une circonstance imprévue put faire croire qu’il portait cette simplicité jusqu’à la négligence. Sollicité par l’évêque d’Evreux de descendre au palais épiscopal où on lui avait préparé un logement, il ne voulut point profiter de cette marque de bienveillance et refusa les offres du même genre qui lui avaient été faites par les membres les plus recommandables du clergé.

Comme il ne recherchait rien moins que sa commodité, il choisit pour se loger une des plus chétives auberges de la ville et, le lendemain, au moment où il voulut sortir, pour aller faire ses visites au chapitre, son manteau long qu’il avait laissé la nuit sur une chaise se trouva tellement coupé par des morsures de rats qu’il semblait impossible qu’il pût s’en servir ! Ce contre temps était de nature à contrarier l’amour propre et, pour peu qu’il s’en fût trouvé dans le cœur de Boudon, il aurait laissé voir quelques marques d’embarras. Heureux au contraire d’avoir à subir une légère mortification, il ne pensa pas que cet accident dût retarder ses visites. Aussi, après avoir fait réparer à la hâte et autant que cela était possible le dégât causé par les rats, il revêtit son manteau pour aller rendre ses devoirs aux chanoines.
Le désordre de sa toilette n’échappa point à leurs regards et l’étonnement qu’elle leur causa parut tellement plaisant à Boudon qu’il s’en égayait encore avec ses amis dans les dernières années de sa vie.

Boudon ne resta que quelques jours à Evreux, pressé de se préparer par une entière séparation du monde à la réception des saints ordres. Il partit pour Rouen afin de choisir parmi les communautés qu’il connaissait celle où il puiserait davantage l’esprit de renoncement et de sacrifice qu’il croyait indispensable au ministère auguste qu’il allait embrasser. Ce fut de cette ville qu’il écrivit aux curés d’Evreux une lettre aussi admirable par l’humilité avec laquelle il s’exprime que par le style plein de ferveur dans lequel elle est conçue.

Cœur Sacré de Jésus, sauvez le monde et la France !
Il s’excuse de n’avoir pu les voir, avant son départ, pressé par les affaires toutes de Dieu qui l’appelaient à Rouen, et il se recommande à leurs prières de la manière la plus touchante :
« J’ai cru que l’adorable Crucifié serait glorifié si, ayant été appelé par un excès de son amour à l’archidiaconé d’Evreux, nous avions soin de nous recommander à vos saints sacrifices. Ce n’est pas, messieurs, le pauvre pécheur que je recommande à votre souvenir, je vois devant Dieu que je mérite d’être effacé dans l’esprit de toutes les créatures ; ce sont les seuls intérêts de Dieu tout bon dont je vous supplie d’avoir soin dans vos prières. 
L’âme chrétienne, dans les pures lumières que sa foi lui donne, doit cheminer toujours dans la vérité ; c’est qu’elle voit que Dieu seul, étant uniquement estimable, tout l’être créé ensemble n’étant qu’un pur néant, elle ne doit faire cas que de ses seuls intérêts ; ce sont donc les seules affaires de Jésus-Christ, notre Dieu, que je recommande à vos soins : toute ma confiance est dans sa divine vertu et, ce qui me console dans ma misère, c’est que j’espère que mon Seigneur Jésus-Christ paraîtra avec plus d’éclat dans une créature aussi abjecte que je le suis. 
Il est seulement à souhaiter que je n’oppose point d’obstacle à ses nouveaux desseins par mes infidélités qui sont extrêmes. Il est à désirer que l’adorable Dieu-homme me donne un esprit de mort pour tout l’être créé afin que je donne lieu à ses divines opérations, que je meure à moi-même, et qu’il n’y ait que lui seul qui vive. 
Tout ira bien si le pauvre archidiacre d’Evreux est bien détruit, bien anéanti par l’esprit de Dieu ; pour lors Jésus vivra et régnera et opérera, ce qui sera nécessaire pour un ministère si divin.  
Priez donc Dieu, messieurs, pour ses intérêts qui seront bien établis quand je serai bien détruit, et que son seul esprit vivra dans ma chétive personne, mon Dieu, que ne peut pas la créature saintement transformée en Jésus-Christ, mais que peuvent tous les hommes avec tout leur esprit et leur suffisance quand ils n’ont pas l’esprit de Jésus Christ ! »


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