lundi 8 juillet 2019

Un bon Évêque pour un saint Prêtre

Un saint Évêque, vitrail de la
Cathédrale d'Evreux

« Vie nouvelle de Henri-Marie Boudon », par S.Exc.R. Mgr Matthieu, Archevêque de Besançon

Cependant, approchait le temps où les vœux de Boudon pour la répression des abus dont il déplorait l’excès semblaient devoir s’accomplir.
Henri de Maupas, évêque du Puy et premier aumônier de la reine Anne d’Autriche, fut désigné pour remplacer sur le siège d’Evreux Monseigneur Gilles Boutault, mort le 11 mars 1661. La nomination de ce prélat devait réjouir toutes les âmes pieuses. Il était considéré comme un des évêques les plus recommandables de l’Eglise de France. Entré fort jeune dans le sacerdoce, il avait sacrifié les avantages que lui promettait le titre d’aîné de sa famille pour suivre l’attrait qui l’appelait à Dieu et il s’était donné à son service avec un dévouement sans réserve. Les maximes et les conseils de St Vincent de Paul avaient nourri dans son âme ce sentiment sublime et l’Ecole de St Lazare, pouvait le compter au nombre des hommes apostoliques dont elle avait formé de si parfaits modèles. Il avait un jugement vif et pénétrant, un zèle fort et courageux, une foi ferme et inflexible.
Tout ce qui offensait le respect dû à Dieu l’affectait vivement, il ne pouvait entendre blasphémer son Nom sacré sans descendre de voiture pour reprendre les coupables et souvent avec une force telle qu’il avait le bonheur de les toucher et de les convertir.
Attaché inviolablement à l’autorité de l’Eglise, toutes les nouveautés lui étaient suspectes, il les combattait avec ardeur et mettait tous ses soins à en préserver ses ouailles ; il veillait à leur instruction avec une attention infatigable ; souvent on le voyait prendre plaisir à catéchiser lui-même de jeunes enfants ou de pauvres villageois.
Mgr de Maupas
Doué d’une grande facilité pour la chaire (de prédication), il possédait cette éloquence douce et persuasive qui vient autant de la conviction du cœur que des talents naturels de l’esprit. Il avait eu le bonheur de connaître St François de Sales, c’est à lui qu’on doit des détails précieux sur sa vie et l’on sait avec quelle ardeur il travailla à sa canonisation. Admirateur passionné de cet aimable saint, il semblait s’être revêtu de son esprit de douceur et d’onction ; comme lui, il aimait surtout à se faire entendre dans les maisons religieuses et son cœur paraissait plus à l’aise dans ces humbles retraites où Dieu est adoré sans ostentation et sans éclat que parmi tout ce que les grandeurs du monde pouvaient lui offrir de plus illustre et de plus recommandable.
A ces belles qualités M. de Maupas en joignait d’autres qui, pour être indispensables aux véritables chrétiens, demandent pourtant de certaines mesures dans l’esprit de ceux que la Providence appelle au gouvernement ou à la surveillance des peuples. C’étaient une candeur et une simplicité admirables une défiance aussi humble qu’absolue de ses propres lumières et par suite une grande facilité à soumettre son jugement et sa conduite à ceux qu’il jugeait en état de le diriger. Un Carme déchaussé de Rouen nommé le P. Cyprien eut longtemps toute sa confiance. Outre la prédilection qu’il avait pour les religieux de son ordre, il lui portait une sorte de déférence filiale et, pour me servir des expressions de M. Bosguérard, il suivait ses avis avec la simplicité d’un enfant, heureux s’ils avaient toujours prévalus dans son esprit sur les conseils violents et injustes qu’on s’efforça de lui donner par la suite.

Chanoine portant l'aumusse, comme
le vénérable abbé Boudon
La piété et les talents de Boudon étaient assez connus pour que M. de Maupas pût juger d’avance tout ce qu’il devait attendre de sa coopération dans l’accomplissement des devoirs de son épiscopat. Il était à peine arrivé à Condé, avant d’avoir pris possession de son évêché, qu’il lui écrivit pour l’engager à se rendre auprès de lui afin de l’instruire de l’état du diocèse et des mesures à prendre pour le bien de la religion et l’avancement de âmes.

Boudon lui rendit compte avec la plus scrupuleuse exactitude de tout ce qui pouvait contrister son zèle ou lui donner quelque consolation. En lui peignant les désordres sur lesquels il gémissait depuis près de dix ans il s’ouvrit à lui avec une pieuse liberté sur les moyens les plus propres à les réparer. Il parla de l’établissement d’un séminaire mais surtout il insista sur la nécessité de remettre les anciens statuts en vigueur en y ajoutant d’autres règles que le besoin des temps exigeait. Convaincu de la sagesse et du zèle de son grand archidiacre, M. de Maupas le chargea de rédiger lui-même ces nouveaux statuts. Il s’y appliqua avec toute l’attention que réclamait l’important travail qui lui était imposé et, comme l’on doit croire que l’Esprit de Dieu ne refuse pas ses lumières à ceux qui l’invoquent dans l’humble sentiment de leur insuffisance, on peut assurer aussi qu’il daigna inspirer lui-même à Boudon ces sages ordonnances dignes de la ferveur des siècles primitifs.

Le 29 mai 1664, M. de Maupas convoqua en synode tous les ecclésiastiques de son diocèse afin de leur communiquer les nouveaux statuts. On reconnaît le style de Boudon dans le mandement de convocation dont nous avons sous les yeux un exemplaire. Une image de la sainte Vierge y remplace les armes du prélat qui n’était installé que depuis fort peu de temps.

Cathédrale Notre-Dame d'Evreux
Ce ne fut plus seulement alors par les prières et les ferventes exhortations de l’archidiacre mais en vertu de l’autorité épiscopale et par la bouche de leur premier pasteur que les prêtres réunis furent rappelés à la vie sainte qu’exige leur état. On leur enjoignait d’en retracer la pureté dans tout leur extérieur de ne quitter jamais les saintes livrées de l’Eglise, de montrer dans leur maintien aussi bien que dans leurs paroles et leurs actions cette sage réserve qui commande le respect.
Les occupations bruyantes et indignes de leur état, les amusements profanes leur furent expressément défendus et cette défense fut plus sévère encore relativement à tout ce qui pouvait faire suspecter la régularité des mœurs. A ces préceptes propres à l’édification publique les statuts en joignaient d’autres qui regardaient la perfection intérieure, la méditation et les pieuses lectures étaient prescrites aux prêtres comme indispensables au maintien de la ferveur qui devait les animer. On retraçait surtout aux curés les devoirs nombreux de leurs charges, l’obligation de résider et de consacrer tout leur temps aux besoins de leurs ouailles. On leur rappelait avec force la nécessité d’annoncer souvent la parole de Dieu, de faire assidûment les catéchismes, d’administrer les sacrements d’une manière convenable, de visiter les malades avec empressement et charité, de prévenir les pécheurs avec douceur et avec zèle,  on n’oubliait pas surtout le soin des églises, la décence et la majesté du culte et l’obligation où sont les bénéficiera d’employer tous leurs soins à ce que rien ne soit négligé dans cet objet important du service divin. Enfin aucun des devoirs nombreux auxquels oblige le sacerdoce, aucune des vertus dont doivent être ornés ceux qui en sont revêtus ne sont oubliés dans ces sages ordonnances.

M. de Maupas, après les plus pressantes exhortations pour les engager à y être fidèles, déclare aux prêtres qui seront rebelles à sa voix qu’il a les mains pures de leur sang et qu’il est innocent de la perte de leur âme. Afin d’assurer davantage l’exécution de ces statuts et les fruits qu’il en espérait, il institua, suivant le conseil de Boudon, des conférences ecclésiastiques où les prêtres réunis de temps en temps, soit à Evreux soit dans les paroisses les plus voisines de leur résidence, devaient mettre en commun leurs lumières se soumettre leurs doutes et s’exciter mutuellement à l’accomplissement de leurs devoirs.

Plus l’évêque d’Evreux sentait le besoin d’être secondé dans la réforme toujours si difficile qu’il venait d’entreprendre, plus il appréciait Boudon et plus il semblait reconnaissant envers Dieu pour lui avoir accordé un coopérateur si fidèle et si sûr. Bientôt sa confiance et son estime semblèrent ne pouvoir ni s’augmenter ni souffrir jamais d’altération. Il le regardait comme l’ange tutélaire chargé de lui annoncer les volontés divines, il ne voulait rien entreprendre ni rien conclure sans avoir pris ses conseils et la déférence qu’il lui témoignait était telle que l’humble archidiacre en souffrait souvent beaucoup.

Vue du cloître de la Cathédrale
A ces sentiments d’estime qu’inspiraient à M. de Maupas les vertus de Boudon se joignait l’affection la plus vive, il voulait qu’il fût continuellement auprès de lui et qu’il n’eût point d’autre table que la sienne. Aimant dans sa manière de parler de Dieu ce sentiment d’un cœur qui s’entretient de ce qu’il croit, de ce qu’il aime uniquement, il renouvelait autant que possible cette jouissance toutes les fois qu’il était à Evreux, et il ne voulait point que la journée finît sans l’avoir entendu faire une pieuse exhortation à ses domestiques et à tous ceux qui étaient auprès de lui. L’âme affectueuse de Boudon dut être sensible à tant de marques de bienveillance parce qu’il y avait entre M. de Maupas et lui cette union de pensées, cet accord de sentiments qui rend ordinairement les liaisons d’autant plus solides qu’elles sont fondées sur des vertus plus parfaites.



Notre-Dame des Anges, tableau de la chapelle mortuaire du vénérable abbé Henri Marie Boudon,
là où il confessa et célébra la Messe durant tant d'années.


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