Cathèdre du Pape,
Saint-Jean du Latran
3. Ecoutons ce que déclare le Seigneur aux prédicateurs qu’il envoie : «La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson.» Pour une moisson abondante, les ouvriers sont peu nombreux. Nous ne pouvons le dire sans une grande tristesse : il y a des gens pour entendre de bonnes choses, il n’y en a pas pour leur en dire. Voici que le monde est rempli d’évêques, et l’on n’y trouve pourtant que bien peu d’ouvriers pour la moisson de Dieu, car ayant accepté la fonction épiscopale, nous n’accomplissons pas le travail lié à cette fonction.
Réfléchissez, frères
très chers, réfléchissez donc à ce qui est dit : «Priez le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson.»
C’est à vous d’obtenir par vos prières que nous sachions accomplir pour vous ce
qui doit l’être : que nous ne laissions
pas notre langue s’engourdir lorsqu’il faut vous exhorter, et qu’après avoir
accepté la charge de la prédication, nous ne soyons pas condamnés auprès du
juste Juge par notre silence. Consécration épiscopale de S. Eloi, XVe s.
Si ce sont souvent les vices des prédicateurs qui leur paralysent la langue, souvent aussi, ce sont les fautes de leurs ouailles qui empêchent les pasteurs de prêcher. Les vices des prédicateurs leur paralysent en effet la langue, comme le déclare le psalmiste : «Mais au pécheur, Dieu dit : Pourquoi énumères-tu mes préceptes ?» (Ps 50, 16). La parole des prédicateurs est également arrêtée par les fautes de leurs ouailles, ainsi que le Seigneur l’affirme à Ezéchiel : «Je ferai adhérer ta langue à ton palais, tu seras muet et tu cesseras de les avertir, parce que c’est une maison rebelle.» (Ez 3, 26). C’est comme s’il disait clairement : «Si la parole de la prédication t’est retirée, c’est parce que ce peuple qui m’exaspère par sa conduite n’est pas digne d’être exhorté selon la vérité.» Il n’est donc pas facile de savoir par la faute de qui la parole est retirée au prédicateur. Mais ce qu’on sait avec une absolue certitude, c’est que si le silence du pasteur lui nuit parfois à lui-même, il nuit toujours à ses ouailles.
A l’opposé d’une
telle attitude, nous devons considérer que nous sommes envoyés comme des
agneaux au milieu des loups, pour que, nous conservant des âmes innocentes,
nous ne nous permettions pas de mordre avec méchanceté. Car celui qui reçoit la charge de la
prédication ne doit pas infliger de mauvais traitements, mais en supporter,
afin que sa propre douceur tempère la colère des furieux, et qu’il soigne les
plaies du péché dans les autres tout en souffrant lui-même des plaies causées
par ses persécuteurs. Et si le zèle de la vérité exige parfois qu’il sévisse
contre ses ouailles, sa colère même doit procéder de l’amour, non de la cruauté;
ainsi, tout en faisant respecter au-dehors les droits de la discipline, il
aimera au-dedans de lui avec une paternelle bonté ceux qu’il semble persécuter
au-dehors en les corrigeant. Or un
évêque ne peut bien accomplir cela qu’à la condition d’ignorer tout amour de
soi égoïste, de ne pas rechercher les avantages du monde, et de ne pas
soumettre son âme au joug de ces fardeaux que le désir cupide des choses de la
terre nous impose.
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