mardi 24 novembre 2020

D’un prêtre diocésain aux évêques de France

«Non possumus.» Telle était la parole ferme des premiers chrétiens qui refusaient de renier le Christ et de marcher sur la Croix et qui préféraient le martyre à tous les honneurs humains. «Non possumus sine dominico vivere.» Telle était la parole pleine de fierté de ces premiers chrétiens qui rappelaient à leurs persécuteurs que l’Essentiel pour eux résidait dans le Sacrement de Vie.

Je ne pensais pas un jour devoir pousser ce même cri, mais en l’adressant non à nos politiques (qui sont bien incapables d’en mesurer le sens et la portée), mais à nos Evêques, ceux qui sont nos Pasteurs chargés de veiller sur le Troupeau du Christ Roi et de le guider vers le Royaume.

«Non possumus.» Ce cri est celui d’un simple prêtre de France, un parmi beaucoup d’autres qui, en ces heures, pleure (au sens strict), seul dans son presbytère, après avoir célébré seul la solennité du Christ Roi de l’univers devant un écran pour essayer de rejoindre les brebis qui lui sont confiées, et après avoir dû dire à certaines qu’elle ne pouvaient venir assister à la Messe, la porte de son église étant fermée. A-t-on souvent vu dans notre histoire un Curé dire à ses ouailles de ne pas venir à la Messe? Le comble. Et après cette Messe célébrée seul, mais heureusement pour moi avec l’Unique, je me suis retrouvé seul devant mon assiette comme sans doute beaucoup de mes confrères. Et en mangeant ce repas de fête (rions un peu) je me disais: Mais comment nos Evêques en sont-ils arrivés là?

Oui, «non possumus». Nous ne pouvons pas et nous n’en pouvons plus. Nous ne pouvons pas vous suivre et nous n’en pouvons plus de vos atermoiements, à quelques glorieuses exceptions près mais que je ne vois que de loin car il ne s’agit pas de mon Evêque, et nous n’en pouvons plus d’être quasiment abandonnés par ceux qui pourtant exigent de nous notre obéissance, laquelle d’ailleurs je n’ai pas l’intention de récuser. Je suis triste d’avoir comme beaucoup de mes confrères reçu un coup de poignard dans le dos par l’Archevêque de Paris (que pourtant j’estime) lorsqu’il a invoqué l’obéissance prononcée le jour de l’ordination pour dire qu’il savait que certains prêtres en prenaient à leurs aises avec les règles sanitaires (que c’est beau la délation, car sinon il se serait adressé directement au prêtre). Je ne me souviens pas, le jour de mon ordination, avoir entendu l’Evêque qui m’a imposé les mains me demander si j’obéirais aux règles sanitaires. Par contre, je l’ai entendu me demander: «Voulez-vous devenir prêtre, collaborateur des évêques dans le sacerdoce, pour servir et guider le peuple de Dieu sous la conduite de l’Esprit Saint? Voulez-vous accomplir fidèlement le ministère de la Parole, c’est-à-dire annoncer l’Évangile et exposer la foi catholique? Voulez-vous célébrer avec foi les mystères du Christ, selon la Tradition de l’Église, pour la louange de Dieu et la sanctification du peuple chrétien? Voulez-vous, de jour en jour, vous unir davantage au souverain prêtre Jésus Christ qui s’est offert pour nous à son Père, et avec lui vous consacrer à Dieu pour le salut des hommes?»

Et c’est justement cela que l’on m’empêche aujourd’hui d’accomplir non seulement parce qu’un Etat laïc nous l’impose, et de quel droit, mais en plus parce que nos Evêques se font le ‘bras armé’ de ce pouvoir contre les prêtres et les fidèles. Il paraît, à entendre l’Archevêque, qu’un des grands vecteurs de la propagation du virus est la communion dans la bouche. Outre le fait qu’aucune étude scientifique n’est venue à ce jour apporter la preuve de cette affirmation, il me semble très détestable qu’un Pasteur jette le discrédit non seulement sur une pratique multiséculaire et respectée par de saintes âmes aujourd’hui comme hier (je ne noterai que Ste Mère Térésa et St Jean Paul II), mais qui, en plus, est une loi universelle de l’Eglise, la communion dans la main n’étant à ce jour qu’un indult. Or une décision épiscopale locale ne peut remettre en cause une loi universelle de l’Eglise, à moins que l’autorité supérieure ne l’approuve, en l’occurrence le Pape par l’intermédiaire du Préfet du Culte divin, le Cardinal Robert Sarah, ce qui ne me semble pas avoir été le cas.

Mais ce «non possumus» je le clame également lorsque je constate votre quasi réprobation des nombreux rassemblements qui ont lieu ces jours-ci, notamment devant certaines de vos cathédrales, pour demander le retour de la Messe. Et pour vous donner bonne conscience, vous dites: «Ce sont les traditionalistes». Mais quand aurez-vous fini de diviser le Troupeau qui vous est confié? Non, ce ne sont pas des traditionalistes, voire même des intégristes pour certains, mais des catholiques. Car je suis prêtre et Curé d’une paroisse tout à fait ordinaire de France et je sais que nombre de mes paroissiens sont à prier devant la cathédrale de mon Diocèse. Mais à vous entendre, traiter aujourd’hui quelqu’un de traditionaliste, c’est en fait simplement dire qu’il est catholique! Oui, vous êtes en train de diviser profondément l’Eglise encore plus qu’elle ne l’est, en montant les catholiques les uns contre les autres, comme s’il y avait d’un côté les bons : ceux qui ne disent rien et restent sagement chez eux; et les mauvais, qui braillent en récitant le chapelet devant les églises pour réclamer un droit qui, non seulement est constitutionnel dans notre pays, mais qui surtout est essentiel pour un croyant. Dans cette affaire, il n’y a ni bon ni mauvais dans la mesure où chacun agit selon sa conscience. Et pour une fois que les laïcs prennent les choses en main dans le domaine qui est le leur, on leur dit de se taire. Cléricalisme quand tu nous tiens !

«Non possumus.» Je le dis aux gouvernants de notre pauvre pays. Je ne sais ce que nous réserve le gouvernement qui en prend tellement à son aise avec nos libertés (et je pense en ces heures à tous ces Français qui souffrent, non d’un virus, mais d’une situation de laquelle ils ne se relèveront pas et que je risque avec mes confrères de retrouver dans les cercueils après leur suicide, ce qui est déjà le cas). Mais je le dis surtout à nos Evêques: pourquoi n’avoir pas rappelé fermement à ces gouvernants que l’Essentiel ne se trouve ni dans l’argent ni dans la nourriture, mais dans le Ciel ? Et de l’avoir rappelé sans crainte des rugissements des médias, voire d’une inévitable incompréhension. Mais depuis l’Incarnation, le Christ est la pierre sur laquelle on achoppe. Il sera toujours un signe de contradiction et encore plus lorsque l’on s’éloigne de la Vérité. La solennité du Christ Roi est là pour nous le rappeler.

Oui c’est un prêtre qui n’en peut plus, sans être désespéré, qui vous envoie ce cri. Et l’époque est telle qu’il ne peut signer ce cri sans risque, non pour sa carrière, mais pour ne pas devoir un jour finir dans le cercueil de la même façon que ceux évoqués plus haut, même s’il sait qu’il doit se préparer chaque jour à la grande rencontre avec l’Autre, avec l’Essentiel, en espérant que le divin Roi lui dira: «Ce que tu as fait à l’un de ces petits, c’est à moi que tu l’as fait

 

 

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