Du vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Le triomphe de la Croix »,
Oraison à l’adorable Jésus en sa douloureuse agonie
Adorable Jésus, prosterné en esprit à vos pieds sacrés dans le jardin de Gethsémani où votre âme a été saisie d’une tristesse mortelle parce, que vous l’avez voulu de la sorte, j’adore de tout mon cœur votre douloureuse agonie, j’en adore tous les mouvements, je m’unis à toutes les adorations que les bienheureux anges et saints lui ont rendues.
J’adore votre divine providence, j’en loue, j’en bénis, j’en remercie, j’en aime, j’en glorifie la très sainte conduite dans la participation qu’elle en a donnée à tant de saintes âmes et, en particulier, à sa fidèle et affligée servante dont elle a voulu que j’en fisse connaître quelque chose au public.
Souffrez, ô mon divin Sauveur, que j’unisse toutes les peines intérieures et extérieures qu’il plaira à votre aimable providence me faire souffrir, à celles que vous avez portées dans cet état si affligeant. Faites-moi la grâce de dire toujours avec vous à votre Père céleste : Que votre volonté soit faite et non pas la mienne. Que dans votre sainte union je veille et je prie sans me lasser, que toutes les peines ne me servent qu’à me faire prier avec plus d’application.
O mon Seigneur et mon Dieu, selon la multitude de vos plus grandes miséricordes, unissez l’agonie de ma mort à la vôtre. Que la vôtre sanctifie celle de votre pauvre et indigne serviteur qui la consacre présentement à Votre seule gloire, vous demandant uniquement que vous y établissiez vos divins intérêts car, enfin, c’est tout ce que je désire, c’est tout ce que je veux, c’est tout ce que je vous demande. Vos seuls intérêts, ô mon Sauveur, vos seuls intérêts et dans ce temps de ma mort comme dans le reste de ma vie.
Ah Dieu seul ! Dieu seul et toujours Dieu
seul ! Entier oubli, perte entière, parfait renoncement à tout autre
intérêt tel qu’il puisse être et pour le temps et pour l’éternité.
O mon bon Sauveur, faites que je m’oublie sans réserve de moi-même pour ne penser seulement qu’à vous seul, à votre seule gloire, et particulièrement dans le moment de ma mort.
O bienheureux ange qui avez apparu à notre commun maître pour le fortifier, c’est à dire pour recueillir ses esprits et sa chaleur naturelle dissipée par son agonie, pour essuyer sa sueur de sang et pour lui rendre d’autres services extérieurs, je vous salue avec tous les respects dont je suis capable, je vous honore et je vous veux honorer le reste de mes jours par une dévotion toute spéciale, et je vous prie en toute humilité de me fortifier dans mon agonie comme avant l’honneur d’être l’un des membres de l’adorable Jésus et, qu’en cette qualité, je ne sois animé que de son Saint Esprit, entrant dans les intentions qu’ il avait pour lors de glorifier son Père.
O mon très miséricordieux Sauveur, commandez au saint ange député à ma garde de me fortifier dans cet état d’agonie et qu’il y multiplie les soins charitables qu’il a toujours eus pour une personne qui en est si indigne, dont je l’en remercie avec toutes les reconnaissances possibles.
Commandez au glorieux prince de la milice céleste,
le grand archange saint Michel, à saint Gabriel, à saint Raphaël et aux autres
quatre premiers princes qui assistent devant votre trône, qu’ils m’y assistent
de leur puissante protection. Faites, dans l’excès de votre amour incompréhensible
que le grand saint Joseph, l’aimable saint Jean Evangéliste, m’y servent de
défenseurs ; mais surtout, ô Dieu dont la miséricorde n’a point de bornes,
dites à mon âme, à l’heure de ma mort, comme vous avez dit à votre disciple
bien-aimé dans le temps de la vôtre, parlant de votre Mère immaculée : Voilà votre mère.
Accordez-moi cette précieuse faveur qu’elle se montre pour lors ma mère et que je parte de ce monde ayant pour elle un cœur d’un véritable enfant. Faites-moi ressentir pour lors les effets de vos plus abondantes miséricordes, par les mérites et les intercessions de tous vos bienheureux anges et saints, pour votre seul honneur et la seule gloire de votre Père et du Saint Esprit, pour les seuls intérêts de vos trois personnes divines, vous qui êtes le principe et la fin de toutes choses.
Mais comme je ne sais point si je serai en liberté
dans ces derniers moments de ma vie de vous dire toutes ces choses dès à
présent, je déclare en votre divine présence en la présence de votre immaculée Mère,
de mon bon ange gardien, de tous les glorieux anges et saints, que ma dernière
et irrévocable volonté est de mourir dans ces sentiments que j’écris dans la
fête de votre Saint Esprit, et que je laisse dans ce petit ouvrage dont je
désire que les lignes soient comme autant de voix qui les crient et les
exposent incessamment à votre divine Majesté : Dieu seul ! Dieu seul !
Toujours Dieu seul !