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Avec Notre Dame, attendons le Seigneur et préparons-nous ! |
Charles
Péguy – "Ève" (extraits)
Les
pas des légions allaient marcher pour lui.
Les
voiles des bateaux pour lui s’étaient gonflées.
Pour
lui les grands soleils d’automnes avaient lui.
Les
voiles des bateaux pour lui s’étaient pliées.
Rome
avait fait marcher les lourds légionnaires
Et
le lourd bouclier et le glaive pour lui,
Et
la lourde tortue.
Et
les durs mercenaires devant Rome et César et le glaive avaient fui.
C’est
lui qui marchait derrière le Romain,
Derrière
le préfet, derrière la cohorte.
C’est
lui qui passait par cette haute porte.
Il
était le seigneur d’hier et de demain.
Et
le pas d’Annibal avaient marché pour lui
Du
fin fond des déserts vers la porte Colline.
Jusqu’au
fond des frimas les Parthes avaient fui
Sous
le redoublement de la force latine.
Les
éléphants d’Afrique avaient marché pour lui
Du
fin fond des déserts jusqu’aux portes de Rome.
Et
pour lui les soleils d’Israël avaient lui,
Du
haut du Sinaï jusqu’au fin fond de l’homme.
Il
allait hériter des naufrages de Rome,
Du
monde divisé dans des morcellements.
Il
allait hériter des naufrages de l’homme,
Du
cœur subdivisé par amoncellements.
Il
allait hériter des partages de Rome,
D’un
empire brisé par des morcellements.
Il
allait hériter des partages de l’homme,
D’un
royaume épuisé par des ruissellements.
Les
éléphants massus avaient marché pour lui,
Et
les princes captifs et les peuples liés.
Et
pour lui les soleils d’Israël avaient lui
Le
long du fil du temps sur des jours oubliés.
Il
allait hériter de lourds légionnaires,
Tout
harnachés de fer comme des cuirassiers.
Il
allait hériter des maigres mercenaires,
Tout
harnachés de cuir comme des carnassiers.
Il
allait hériter des lourds légionnaires,
Tout
en muscles de fer comme des cuirassiers.
Il
allait hériter des maigres mercenaires,
Tout
en paquets de nerfs comme des carnassiers.
Il
allait hériter des lourds legionnaires
Gainés
dans des étuis comme des scarabées.
Il
allait hériter des martyrs Macchabées.
Il
allait hériter des maigres mercenaires.
Il
allait hériter des peuples débonnaires
Et
des peuples cruels et du peuple romain.
Il
allait hériter des antiques tonnerres,
Des
foudres oubliés sur le bord du chemin.
Il
allait hériter des peuples centenaires,
Des
peuples nouveau-nés et du peuple romain.
Il
allait hériter des foudres séculaires,
Et
des étonnements laissés sur le chemin.
Il
allait hériter des princes débonnaires
Et
des princes cruels et du peuple monarque.
Il
allait hériter des princes sanguinaires
Et
des peuples humains et d’Hérode tétrarque.
Il
allait hériter des peuples diplomates.
Et
des consternements d’un peuple sénateur.
Il
allait hériter des peuples démocrates.
Et
des prosternements d’un peuple donateur.
Il
allait hériter des forêts séculaires
Et
des déboisements laissés sur le chemin.
Il
allait hériter des chênes centenaires
Et
des abattements et du peuple romain.
Il
allait hériter des lourds légionnaires
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Reliquaire de la Crèche, basilique Sainte-Marie Majeur |
Tout
lamellés de fer comme des scarabées.
Il
allait hériter des géants Macchabées.
Il
allait hériter des maigres mercenaires.
Il
allait hériter des lourds légionnaires
Bardés,
plaqués, lamés comme des cuirassiers.
Il
allait hériter des maigres mercenaires
Battus,
creusés, tendus comme des carnassiers.
Il
allait hériter des lourds légionnaires
Tout
bardés de métal comme de grands carabes,
Il
allait hériter des cavaliers arabes.
Il
allait hériter des maigres mercenaires.
Il
allait hériter des lourds légionnaires
Trapus,
musclés, barbus comme des cuirassiers.
Il
allait hériter des maigres mercenaires
Tout
tendus de tendons comme des carnassiers.
Il
allait hériter des lourds légionnaires
Sanglés
dans la rudesse et la force romaine.
Il
allait hériter des maigres mercenaires
Noueux
et ravinés comme une écorce humaine.
Et
les peuples de Rome et les légionnaires
Étaient
comme des chiens rompus à toute garde.
Et
les hordes d’Afrique à la face hagarde
Étaient comme des loups maigres et mercenaires.
Et
les peuples de Rome et les légionnaires
Sous
les centurions étaient d’énormes dogues.
Et
les loups de Carthage impérieux et rogues
Sous
les négociants demeuraient mercenaires.
Et
les hordes d’Afrique et les durs mercenaires
Se
payaient d’or, d’argent, de sang et de fureur.
Et
les peuples de Rome et les légionnaires
Se
payaient d’avoir fait un immense empereur.
Et ces
peuples brûlés et tous ces
marchands d’homme
Se
payaient d’avoir fait un monde mercenaire.
Mais
les peuples civils et les hommes de Rome
Se
payaient d’avoir fait un monde centenaire.
Et
ces peuples payés, ces maigres mercenaires
Se
payaient d’or, d’argent, de sang et de luxure.
Mais
ces peuples profonds, les lourds légionnaires
Se
payaient d’avoir fait une immense nature.
Et
ces peuples véreux, les maigres mercenaires
Se
payaient d’or, d’argent, de luxe et de bavure.
Mais
ces peuples terreux, les lourds légionnaires
Se
payaient d’avoir fait une immense armature.
Ces
peuples ramassés, ces brûlants mercenaires
Étaient
comme des loups maigres et décharnés.
Ces
peuples assemblés, ces lourds légionnaires
Étaient
des chiens de garde ardents et acharnés.
Et
ces peuples crevés, ces âcres mercenaires
Se
payaient d’or, d’argent, de crimes et d’ordure.
Mais
ces peuples sevrés, les grands légionnaires
Se
payaient d’avoir fait une magistrature.
Les
Romains préposés à la garde du monde
Étaient
assis en rond devant les triples portes.
Et
l’univers était une immense rotonde
Sous
le gouvernement de deux mille cohortes.
Et
les peuples payés en outre se frayaient
Une
route de sang effroyable et profonde.
Mais
les soldats romains en outre se payaient
Par
le gouvernement de l’empire du monde.
Et
les peuples payés en outre se frayaient
Une
route d’horreur solennelle et profonde.
Mais
les soldats romains en outre se payaient
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Lampe de sanctuaire remplie d'huile. Ici, photo de l'huile miraculeuse de Notre-Dame du Laus. Comme les vierges sages, gardons nos lampes allumées. |
Par
le gouvernement de tout l’orbe du monde.
Il
allait hériter des peuples mercantiles
Et
du peuple nomade et des peuples marchands.
Il
allait hériter des comptoirs et des champs
Et
des peuples déserts et des races fertiles.
Il
allait hériter des peuples inactifs
Et
des peuples bourreaux et du peuple martyr.
Il
allait hériter de Sidon et de Tyr.
Il
allait hériter des Romains et des Juifs.
Il
allait hériter des frondeurs baléares,
Du
bouclier gaulois et du glaive romain.
Il
allait hériter des héritiers barbares.
Il
allait hériter de l’héritier latin.
Il
allait hériter des cavaliers numides
Et
d’Assourbanipal et de Masinissa.
Il
allait hériter du rude Micipsa.
Il
allait hériter des hautes Pyramides.
Et
les pas d’Alexandre avaient marché pour lui
De
son jeune berceau jusqu’à sa jeune mort.
Il
était le seigneur de l’un et l’autre port.
Il
était le seigneur d’hier et d’aujourd’hui.
Et
les pas d’Hérodote avaient marché pour lui.
Il
était le seigneur de l’un et l’autre sort.
Il
était le seigneur de l’une et l’autre mort.
Il
était le seigneur d’hier et d’aujourd’hui.
Les
pas même d’Hercule avaient marché pour lui.
Il
était le seigneur de l’Averne et de Lerne,
Et
de la monstrueuse et sanglante caverne,
Il
était le seigneur d’hier et d’aujourd’hui.
Et
les pas de Thésée avaient marché pour lui.
C’est
lui qu’on attendait dans les pâles enfers.
C’est
lui qu’on attendait dans l’immense univers.
Il
était le seigneur d’hier et d’aujourd’hui.
Les
pas de Darius avaient marché pour lui.
C’est
lui qu’on attendait au fin fond de la Perse.
C’est
lui qu’on attendait dans une âme disperse.
Il
était le seigneur d’hier et d’aujourd’hui.
Et
l’Asie et l’Europe avaient marché pour lui.
Il
était le seigneur de l’un et l’autre bord.
Il
était le preneur de l’un et l’autre fort
Et
seul Poliorcète hier et aujourd’hui.
Les
pas de la phalange avaient marché pour lui,
Du
fin fond de la Thrace aux portes de la Chine.
Pour
lui les vieux sapins avaient courbé l’échine.
Pour
lui les vents d’hiver et d’automne avaient fui.
Et
les pas de César avaient marché pour lui,
Du
fin fond de la Gaule aux rives de Memphis.
Tout
homme aboutissait aux pieds du divin fils.
Et
il était venu comme un voleur de nuit.