Du
vénérable abbé Henri Marie Boudon, « Dévotion
aux neuf chœur des Anges », 2nd traité, 1ère
pratique, Avoir une dévotion singulière aux
anges, archanges et principautés
Ô anges du paradis, je m'adresse à vous, sachant bien
que les hommes sont des endurcis : ayez donc soin, je vous en conjure, je
vous demande cette grâce, prosterné à vos pieds, dans le regret de mon cœur, et
baigné de larmes ; ayez soin du corps de notre Souverain. Ayez soin de toutes les parcelles des saintes
hosties ; donnez de saints mouvements
aux prêtres pour les bien nettoyer avant de les consacrer, et pour se
servir ensuite de tous les moyens possibles, afin que celles qui restent après
la consécration ne soient pas profanées.
Saint Michel, saint Raphaël, saint Gabriel archanges, vitrail de l'église de Fougères |
Inspirez
de fortes vues aux prélats, aux archidiacres et aux visiteurs, pour tenir
la main pour trouver des moyens à ce que le corps d'un Dieu soit traité, soit
gardé avec toute sorte de respect. Donnez
de plus en plus des lumières à ceux qui élèvent les ecclésiastiques dans les
séminaires, à y donner les instructions nécessaires sur un sujet de telle
importance ; faites que dans les conférences des ecclésiastiques l'on
s'en entretienne, l'on en parle, l'on avise aux remèdes ; touchez le cœur des personnes qui ont
quelque commodité, à ce que dans les diocèses l'on s'unisse ensemble pour faire
quelque fonds pour avoir des ciboires, calices, corporaux. Je sais, dans
l'expérience que j'en ai, par un grand nombre de visites que mon ministère
m'oblige de faire tous les ans, que si l'on avait un peu de zèle, il serait facile
en quelques années, par les soins d'un prélat, des archidiacres, des curés, de
la noblesse et de quelques personnes accommodées, d'avoir des tabernacles
décents, des ciboires d'argent ; ou dans les lieux qui sont sujets à être
volés, des ciboires de cuivre, dont la concavité serait remplie d'une façon de
coupe d'argent, qu'il est facile d'approprier au ciboire fort au juste, et de
l'y attacher proprement pour y mettre les saintes hosties, et cela pour peu de
dépense, deux écus y pouvant suffire. Ces sortes de ciboires sont aussi propres
que les petites boites d'argent, et sont plus d'usage, à raison qu'ils
contiennent un plus grand nombre d'hosties, qui n'y sont pas exposées, comme
dans les petites boîtes, à plusieurs périls que l'on voit en arriver, lorsque
l'on s'en sert pour communier à Pâques, ou en d'autres fêtes solennelles, quand
il y a grand nombre de personnes qui approchent de la sainte table ; il
serait aisé, dis-je, d'avoir des tabernacles raisonnables, aussi bien que des
ciboires, et de ne se servir plus que de calices d'argent, et de fournir toutes
les églises et chapelles de corporaux et purificatoires qui seraient en bon
ordre.
Sublimes intelligences, aimables gardiens des
chapelles, faites connaître le désordre où elles sont ; faites-en faire la
visite exacte ; car
très souvent on ne les visite point, l'on se contente de celles des paroisses,
ce qui fait qu'à peine sait-on ceux qui en sont les titulaires, qui souvent n'y
viennent point, qui en mangent le revenu impunément, qui laissent les
fondations, qui ne s'en acquittent que d'une partie et qui ne font aucune
dépense pour ces chapelles ou prieurés qui sont dans un état pitoyable, sans
ornements, sans décoration, qui paraissent plutôt des étables ou des granges,
que des chapelles destinées à la consécration du corps et du sang d'un Dieu.
Saint Michel terrassant le démon. Enluminure des heures du duc de Bedford (Sainte Jehanne d'Arc, pardonnez-moi !) |
Oh ! Quel
compte les prélats rendront-ils de tous ces lieux, où il se commet des
irrévérences perpétuelles contre le plus auguste de nos mystères, par le peu de
soin qu’ils en ont. Je ne puis ici m'empêcher que je ne dise une remarque que
j'ai faite en mes visites. S'il manque à une église une bannière ou un drap de
mort, l'on voit un grand empressement pour trouver de l'argent pour en
avoir ; si l'on parle sur ce sujet, l'on est écouté, l'on est aidé ;
chacun crie que c'est un désordre, et quoique la dépense soit assez
considérable, l'on trouve les moyens de la faire : faut-il deux écus pour
mettre un ciboire dans la décence, en la manière que nous l'avons dit, ou pour
avoir des corporaux, chacun ne dit mot, personne n'y veut entendre. Voilà où va l'aveuglement des Chrétiens, ce
qui marque assez et la dureté des cœurs, et le manque de foi. Quelquefois
même l'on s'opposera à avoir un calice d'argent, ou un ciboire ; l'on
criera qu'il suffit bien d'en avoir un d'étain ; que l'on s'en est bien
contenté par le passé, et l'on voudra mettre l'argent de la fabrique en rente.
Je laisse à penser à toutes les âmes de piété, à ce qu'elles feront pour
travailler à remédier à des choses si déplorables, et je convie avec larmes,
toutes celles qui sont touchées de la gloire de l'adorable Jésus au très saint
sacrement, de faire quantité de
dévotions en l'honneur des saints anges, et spécialement de ceux qui résident
dans nos églises, qui sont auprès du très saint sacrement, qui en gardent les
autels, afin qu'ils demandent pardon à la majesté divine de nos irrévérences,
de nos froideurs, de notre aveuglement, de notre dureté, et à ce qu'ils
inspirent des moyens convenables pour faire rendre les respects qui lui sont
dus dans ce mystère d'amour.
Ce que rapporte
le P. de Bary Jésuite, en son digne livre de la Dévotion
des anges, fait bien voir que les
communautés ou congrégations ont aussi des anges qui en prennent soin. Il
assure donc avoir appris du confesseur d'un jeune homme de la ville d'Eu, que
ce jeune homme étant fort malade vers l'heure de midi, un jour de mercredi, deux anges, pleins de majesté et de beauté,
lui apparurent, et qu'ils le consolèrent jusqu'au moment de sa mort, qui
fut le samedi suivant, comme ils lui avaient prédit. Or l'un de ces anges lui dit qu'il était son ange gardien, et l'autre,
le tutélaire de la congrégation de la très sacrée Vierge, établie en cette
ville, au collège de la Compagnie de Jésus. L'ange de la congrégation lui dit
de plus, qu'ils étaient envoyés par le commandement de la très sainte Mère de
Dieu, pour l'assister de la sorte, à raison de la patience qu'il avait eue
dans un mauvais traitement de son père et de sa mère, particulièrement ayant pu
l'éviter, s'il eût voulu, et parce qu'il avait fidèlement observé les règles de
la congrégation.
Saint Michel, prince des milices célestes, archistratège des armées célestes. Fresque du monastère de Valaam, Russie |
C'est une sainte pratique d'implorer le secours des
anges du diocèse dans lequel on est, et des anges de celui qui en est le
prélat ; et de ses officiers, afin qu'ils obtiennent l'établissement du règne
de Jésus-Christ dans les fidèles qui y demeurent, la destruction de l'empire de
Satan, et les lumières et la force nécessaires pour gouverner saintement le
diocèse ; et afin qu'ils empêchent la
malice et les ruses des diables, qui travaillent toujours à détruire les moyens
dont Dieu veut se servir pour l'établissement de ses divins intérêts.
Enfin, il faut être dévot aux anges, pour en obtenir
la pureté de corps et d'esprit, la charité envers le prochain, et la
patience ; aux archanges, pour en obtenir le zèle de l'intérêt de Dieu
pour nous et pour les autres, spécialement pour les princes de l'Église et
l'État séculier, pour les personnes publiques, pour le bien spirituel et
temporel des royaumes et provinces ; aux principautés, pour la réforme de
notre intérieur. L'homme est
un petit monde, et il doit commander à ses passions, et les gouverner en roi.
Mais comme sa puissance est merveilleusement affaiblie par le péché, il a
besoin d'être soutenu, pour ne se pas laisser vaincre à soi-même. Les principautés
qui portent à cette glorieuse qualité, par le commandement que Dieu leur a
donné sur les anges inférieurs, lui rendront de puissants secours, s'il tâche à
ne s'en pas rendre indigne : mais pour cela il faut honorer, avec de profonds respects, ces grands princes du
paradis.