Homélie du Pariarche Fouad Twal de Jérusalem
pour la nuit très sainte de Noël
en la Basilique de la Nativité de Bethléem
« Gloire à Dieu au plus haut des
cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. » (Lc 2,14)
Monsieur le
Président, M.Mahmoud Abbas, Président de la Palestine,
Monsieur le Premier Ministre, M. Rami Al Hamadallah,
Monsieur Nasser Judeh, ministre des Affaires étrangères pour la Jordanie,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs et consuls, et autres représentants des Eglises,
Monsieur Nasser Judeh, ministre des Affaires étrangères pour la Jordanie,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs et consuls, et autres représentants des Eglises,
Chers
pèlerins, Chers fidèles,
De la grotte
de Bethléem, je vous présente mes meilleurs vœux de joie et de paix.
Monsieur le
Président, merci d’être venu aujourd’hui pour célébrer Noël avec nous. Nous
prions pour vous et pour votre mission afin de trouver une solution juste et
équitable pour le conflit actuel, pour l’unité entre les palestiniens, pour la
paix et la prospérité de votre pays.
Nous demandons
à Dieu de vous donner la sagesse et le courage. Nous prions également pour tous
les dirigeants du Moyen-Orient, plus particulièrement pour Sa Majesté le Roi
Abdallah II Ben Al-Hussein, le gardien des Lieux Saints en Palestine.
Chers frères,
La
nuit de Noël a été dramatique pour la Sainte Famille, qui n’a pas trouvé de
place dans l’auberge (Lc 2,7). Cette nuit historique nous rappelle la longue
nuit dans laquelle est plongé notre monde et notre Moyen-Orient.
Le monde vit
une longue nuit de conflits, de guerres, de destruction, de peurs, de haine, de
racisme et en ces jours du froid et de la neige. De ce Lieu Saint, nous nous
rappelons tous les drames de l’humanité sur les cinq continents : des
guerres civiles en Afrique au typhon aux Philippines, en passant par la
situation difficile en Egypte et en Irak et la tragédie syrienne, sans oublier
nos problèmes locaux : les prisonniers, leurs familles qui gardent
toujours l’espoir de leur libération, les pauvres qui ont perdu leurs terres et
leurs maisons démolies, les familles qui attendent d’être réunies, les chômeurs
et tous ceux qui souffrent de la crise économique.
O
Enfant de Bethléem, nous sommes fatigués. Face à cette réalité
douloureuse, nous prions avec ce chant de l’Avent : « Víde Dómine afflictiónem
pópuli túi … Regarde, Seigneur,
l’affliction de ton peuple, Envoie, Seigneur, celui que tu dois envoyer, envoie
l’Agneau (…), pour qu’il nous délivre lui-même du joug de notre
captivité. »
Sainte Marie Mère de Dieu, détail de la Nativité, Charles le Brun |
Mais,
il ne faut jamais céder au désespoir, parce que Jésus Sauveur nous annonce que
la paix est possible, que la flamme de l’espérance restera vive, que la
justice, la paix et la réconciliation viendront. De Bethléem est parti le
message du Salut; et c’est vers Bethléem que nous devons regarder. Car en cette
nuit, se renouvèle la promesse divine, chantée par les anges: « Gloire à Dieu au plus haut des
cieux, et paix sur la terre aux hommes qu’il aime. » A notre tour, nous sommes invités à
l’optimisme et à renouveler notre foi que cette Terre, patrie des trois
religions monothéistes, pourra devenir un jour un havre de paix pour tous les
peuples.
«Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes
qu’il aime. » (Lc 2,14)
La
paix du Christ est une paix universelle et basée sur la justice. Elle nous fait
voir en chaque personne une créature de Dieu. C’est une paix qui redonne la vie. Personne
n’est autorisé à nous la voler au nom d’un Dieu qui tue et qui rend vengeance.
Pour cette raison, avec les mots du Pape François, « je désire adresser un appel fort à tous ceux qui, par les armes,
sèment la violence et la mort : redécouvrez votre frère en celui qu’aujourd’hui
vous considérez seulement comme un ennemi à abattre, et arrêtez votre main !
Renoncez à la voie des armes et allez à la rencontre de l’autre par le
dialogue, le pardon, et la réconciliation, pour reconstruire la justice, la
confiance et l’espérance autour de vous ! « Dans cette optique, il apparaît
clair que, dans la vie des peuples, les conflits armés constituent toujours la
négation délibérée de toute entente internationale possible, en créant des
divisions profondes et des blessures déchirantes qui ont besoin de nombreuses
années pour se refermer. » (Message pour le 47ème journée
mondiale de la paix).
Nous vivons en
Terre Sainte un conflit qui ne semble pas connaître de solution à court terme
et qui pèse sur les habitants de la Terre Sainte y compris les chrétiens. Cette
douloureuse réalité suscite de nombreuses questions concernant notre avenir
dans ce pays, et nous cause beaucoup d’inquiétude. Nous avons besoin de la
réponse de la foi. La réponse n’est ni l’émigration ni le repli sur soi-même.
Elle consiste à rester ici et à vivre et mourir ici. Notre Terre est Sainte et mérite notre attachement à elle car notre
permanence sur cette terre est une vocation divine, une bénédiction, voire un
privilège. La flamme de la foi y restera vive comme l’étoile des mages pour
nous indiquer le chemin. Nous avons besoin du réconfort venant de notre foi
absolue dans la Providence de Dieu : « dans
toutes nos détresses, il nous réconforte ; ainsi, nous pouvons réconforter tous
ceux qui sont dans la détresse, grâce au réconfort que nous recevons nous-mêmes
de Dieu. » ( 2 Cor 1 : 4-5)
La lumière de
la foi peut éclairer tous les aspects de notre vie, notre présent et notre
avenir. Grâce à la foi, notre
vision se fait plus intense, plus profonde, plus sublime et plus vaste que
l’œil humain seul ne peut atteindre. Nous voyons un peu, dans un certain sens,
comme Dieu Lui-même voit ! Par conséquent, la foi est une sagesse
qui nous fait prendre les bonnes décisions en temps opportun.
Mais si cette lumière manque, « tout devient confus, il est impossible de distinguer le bien
du mal, la route qui conduit à destination de celle qui nous fait tourner
en rond, sans direction. »
(Lumen Fidei,3). Ce qui renforce notre foi, c’est que Dieu est tout puissant,
omniscient, fidèle et nous aime. C’est
pourquoi rien ne doit nous faire peur, ni le présent, ni l’avenir, ni les
troubles qui affectent notre Moyen-Orient.
O
divin Enfant, qui a expérimenté la fuite en Egypte, après la menace d’Hérode
qui a tué il y a 2000 ans les enfants de Bethléem, aie pitié de nos enfants, de
tous les enfants du monde. Aie pitié des détenus, des pauvres, des marginalisés
et des plus vulnérables. En cette nuit, prions pour les évêques et les
religieuses de Syrie qui ont été enlevés. Nous prions pour leur retour et que
leur dignité leur soit rendue. Rappelez-vous d’eux Seigneur ainsi que de tous
les réfugiés. Donne leur un signe d’espérance en un avenir meilleur afin qu’ils
puissent revenir dans leur pays et retrouver leur maison.
O
divin Enfant, Dieu de bonté et de miséricorde, jette un regard de bonté
sur la Terre Sainte et nos peuples qui vivent en Palestine, en Israël et
Jordanie et sur tous les peuples du Moyen-Orient. Donne-leur tous la
réconciliation pour qu’ils deviennent tous frères – fils d’un seul Père.
O
divin Enfant, nous demandons ta paix par l’intercession de ta mère la Sainte
Vierge marie, fille de notre terre. Joyeux Noël et que la bénédiction de
l’enfant de Bethléem vous comble.
+ Fouad Twal, Patriarche latin de
Jérusalem