jeudi 29 janvier 2015

Préparons-nous à la fête de la vie consacrée, le 2 février prochain

Chaque 2 février, nous sommes invités à prier pour tous les consacrés, moines et religieux qui ont donné leur vie au Christ selon cette vocation particulière qui est la leur et qui est pour nous le signe du Royaume au milieu de nous.

Le Pape Jean-Paul II fit du 2 février, solennité de la Présentation de l'Enfant Jésus au Temple, une journée mondiale de prière pour eux. Et notre Pape François nous demande, cette année, de prier pour eux tout particulièrement en cette année de prière qui leur est dédiée

Pour nous préparer à cette si grande fête, voici une exhortation que nous pourrons méditer tout au long de cette année et qui, j'en suis sûr, nourrira notre prière pour ces hommes et ces femmes d'exception qui se donnent sans mesure au Christ et dont nous ne mesurerons qu'au Ciel l'immense bien qu'ils auront fait sur la terre.

Du Pape Jean Paul II, le 2 juin 1980,
en visite à la basilique Sainte-Thérèse de Lisieux

Extraits du discours du pape aux Carmélites :

Consacrez-vous, immolez-vous toujours davantage, sans même chercher à savoir comment Dieu utilise votre collaboration. Alors qu'à la base de toute action, il y a un but et donc une limitation, une finitude, la gratuité de votre amour est à l'origine de la fécondité contemplative. Une comparaison très moderne me vient à l'esprit : vous embrasez le monde du feu de la vérité et de l'amour révélés, un peu comme les maîtres de l'atome allument les fusées spatiales : à distance.


[…] Mon second encouragement est le suivant. Dans une civilisation de plus en plus mobile, sonore et parlante, les zones de silence et de repos deviennent une nécessité vitale. Les monastères - dans leur style original - ont donc plus que jamais la vocation de demeurer des lieux de paix et d'intériorité. Ne laissez pas les pressions internes ou externes porter atteinte à vos traditions et à vos moyens de recueillement. Efforcez-vous plutôt d'éduquer vos hôtes et vos retraitants à la vertu du silence. […] La clôture n'isole pas les âmes contemplatives de la communion du Corps mystique. Bien plus, elle les met au cœur de l'Église. Aimez votre séparation du monde, tout à fait comparable au désert biblique. Paradoxalement, ce désert n'est pas le vide. C'est là que le Seigneur parle à votre cœur et vous associe étroitement à son œuvre de salut.



Mosaïques représentant les titres de la Vierge Marie, dans ses litanies,
Notre-Dame de la Garde, Marseille


mercredi 28 janvier 2015

Saint Thomas d'Aquin, op., Docteur de l'Eglise

Saint Thomas d'Aquin, op., illuminé par
le Saint Esprit


Saint Thomas d'Aquin (1225-1274), dominicain, docteur de l'Église, Leçons pour la fête du Corps du Christ 


Les immenses bienfaits dont le Seigneur a largement comblé le peuple chrétien élèvent celui-ci à une dignité inestimable. Il n'y a pas, en effet, et il n'y a jamais eu de nation dont les dieux soient aussi proches que notre Dieu l'est de nous (cf Dt 4,7).

Le Fils unique de Dieu, dans le dessein de nous rendre participants de sa divinité, a assumé notre nature et s'est fait homme pour diviniser les hommes. Tout ce qu'il nous a emprunté, il l'a mis au service de notre salut. Car, pour notre réconciliation, il a offert son corps à Dieu le Père sur l'autel de la croix ; et il a répandu son sang comme rançon pour nous racheter de notre condition d'esclaves et pour nous purifier de tous nos péchés par le bain de régénération.

Afin que demeure parmi nous le continuel souvenir d'un si grand bienfait, il a laissé aux croyants son corps en nourriture et son sang en breuvage sous les espèces du pain et du vin.

O admirable et précieux festin qui apporte le salut et contient la douceur en plénitude ! Que pourrait-on trouver de plus précieux que ce repas où ce n'est pas la chair des veaux et des boucs, mais le Christ vrai Dieu qui nous est offert ?


Communion de sainte Françoise Romaine, Notre-Dame d'Ara Cœli, Rome

dimanche 25 janvier 2015

Marche pour la Vie, prions pour que le repect de la vie triomphe

Marie, Mère de Dieu, par Giuseppe Crespi

Nous Te remercions, Dieu notre Créateur,
Toi qui seul as le pouvoir de communiquer le souffle de vie
Alors que Tu façonnes chacun de nous dans le sein de notre mère ;
Accorde, nous T’en prions, que, devenus les intendants de Ta création,
Nous puissions rester fidèles à Ta confiance divine et œuvrer pour le renouveau d’une culture de Vie
En persévérants sans cesse dans la sauvegarde de la dignité de toute vie humaine.
Par Jésus-Christ, Ton Fils, notre Seigneur,
Qui vit et règne avec Toi, dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles. Amen.


Conversion de Saint Paul - Je crois en l'Eglise, Une, Sainte, Catholique et Apostolique

Saint Évêque, Véronèse
Saint Cyprien de Carthage,

De l’unité de l’Eglise, nn.3-4

Dieu parle à Pierre: Je te dis que tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les puissances des enfers n’en triompheront jamais. Je te donnerai les clefs du royaume du Ciel, et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le Ciel et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le Ciel (Matt. XVI). 

Après sa résurrection, il dit au même apôtre : Pais mes brebis. Sur lui seul il bâtit son Église, à lui seul il confie la conduite de ses brebis. Quoique, après sa résurrection, il donne à tous ses apôtres un pouvoir égal, en leur disant : Comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie; recevez le Saint-Esprit les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (Joan. XX), cependant, afin de rendre l’unité évidente, il a établi une seule chaire et, de sa propre autorité, il a placé dans un seul homme le principe de cette même unité. Sans doute les autres apôtres étaient ce que fut Pierre; ils partageaient le même honneur, la même puissance, mais tout se réduit à l’unité. La primauté est donnée à Pierre, afin qu’il n’y ait qu’une seule Église du Christ et une seule chaire. Tous sont pasteurs; mais on ne voit qu’un troupeau dirigé par les apôtres avec un accord unanime.

L'arche de Noé, Notre-Dame de la Garde, Marseille,
image de l'Eglise accueillant tous les peuples
L’Esprit Saint avait en vue cette Eglise une, quand il disait dans le Cantique des cantiques: Elle est une ma colombe, elle est parfaite, elle est unique pour sa mère; elle est l’objet de toutes ses complaisances (Cant., VI). Et celui qui ne tient pas à l’unité de l’Église croit avoir la foi! Et celui qui résiste à l’Église, qui déserte la chaire de Pierre sur laquelle l’Église repose, se flatte d’être dans l’Église! écoutez l’apôtre saint Paul; il expose lui aussi le dogme de l’unité : Un seul corps, un seul esprit, une seule espérance de votre vocation, un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu (Ephés. IV).

Nous devons tenir fortement à cette unité, nous devons la défendre, nous surtout évêques, qui occupons la première place dans l’Église, afin que le corps épiscopal soit un et indivisible. Que personne n’altère, par le mensonge, la fraternité qui nous unit; que personne, par des enseignements perfides, ne nuise à la sincérité de notre foi. L’épiscopat est un, chacun de nous possède cette dignité solidairement avec ses frères. L’Église aussi est une, quoique, par l’effet de sa fécondité, elle s’étende sur une immense superficie. Ainsi les rayons innombrables du soleil ne font qu’une seule lumière; l’arbre a des rameaux nombreux, mais un tronc unique solidement attaché au sol ; plusieurs ruisseaux coulent de la source et portent au loin leurs eaux abondantes, mais la source est unique. Cherchez à enlever au soleil un de ses rayons, l’unité de la lumière ne souffrira pas cette division; séparez un rameau de l’arbre, il se flétrira; écartez un ruisseau de la fontaine, il se desséchera. Il en est de même de l’Église de Dieu : répandue partout, elle éclaire l’univers de ses rayons; mais il n’y a qu’une seule lumière inséparable du corps qui la produit; arbre gigantesque, elle étend partout ses rameaux chargés de fruits; fontaine intarissable, elle porte au loin ses eaux abondantes et fécondes; mais il n’y a qu’un principe, un tronc, une source, une mère dont la fécondité remplit l’univers

L'Eglise, barque de Pierre et des Apôtres, parfois prenant l'eau... Mais le Seigneur n'est-Il pas là, avec nous et pour toujours ?

Le sein de cette mère nous donne la naissance, son lait nous nourrit, son souffle nous anime. L’épouse du Christ ne peut souffrir l’adultère ; elle est incorruptible; elle ne connaît qu’une seule maison, qu’un seul lit conjugal. C’est elle qui nous conserve pour Dieu, et qui, après nous avoir engendrés, nous conduit au royaume céleste. Quiconque se sépare de l’Église véritable, pour se joindre à. une secte adultère, renonce aux promesses de l’Église. Les promesses du Christ ne sont pas pour celui qui abandonne son Église. Cet homme est un étranger, un profane, un ennemi

Non, on ne peut avoir Dieu pour père si on n’a pas l’Église pour mère. Au temps du déluge, pouvait-on se sauver hors de l’arche de Noé? De même aujourd’hui, hors de l’Église, le naufrage est certain. C’est l’enseignement de Jésus-Christ : Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui ne recueille pas avec moi dissipe (Matt., XII). Celui qui rompt les liens de la paix et de la concorde établis par le Christ agit contre le Christ; celui qui recueille hors de l’Église dissipe l’Église du Christ. Le Seigneur a dit encore : Moi et mon Père ne sommes qu’un (Joan., X); et Jean, en parlant du Père et du Fils et du Saint-Esprit, ajoute, et ces trois ne sont qu’un. Qui donc pourrait croire que cette unité, née de l’unité divine, cimentée par les sacrements célestes, peut être scindée selon le caprice des volontés rivales? Perdre cette unité, c’est perdre la loi divine, la foi dans le Père et le Fils, la vie, le salut.

Ut unum sint - Qu'ils soient Un, comme nous sommes Un.

samedi 24 janvier 2015

Catéchèse du Pape Benoit XVI sur Saint François de Sales

Rome, le Mercredi 2 mars 2011

Chers frères et sœurs,

« Dieu est le Dieu du cœur humain » (Traité de l'Amour de Dieu, I, XV) : dans ces paroles apparemment simples, nous percevons l'empreinte de la spiritualité d'un grand maître, dont je voudrais vous parler aujourd'hui, saint François de Sale, évêque et docteur de l'Eglise. 

Né en 1567 dans une région frontalière de France, il était le fils du Seigneur de Boisy, antique et noble famille de Savoie. Ayant vécu à cheval entre deux siècles, le XVIe et le XVIIe, il rassemblait en lui le meilleur des enseignements et des conquêtes culturelles du siècle qui s'achevait, réconciliant l'héritage de l'humanisme et la tension vers l'absolu propre aux courants mystiques. Sa formation fut très soignée ; il fit ses études supérieures à Paris, se consacrant également à la théologie, et à l'Université de Padoue il fit des études de droit, suivant le désir de son père, qu'il conclut brillamment par une maîtrise in utroque iure, droit canonique et droit civil.

Dans sa jeunesse équilibrée, réfléchissant sur la pensée de saint Augustin et de saint Thomas d'Aquin, il traversa une crise profonde qui le conduisit à s'interroger sur son salut éternel et sur la prédestination de Dieu à son égard, vivant avec souffrance comme un véritable drame spirituel les questions théologiques de son époque. Il priait intensément, mais le doute le tourmenta si fort que pendant quelques semaines, il ne réussit presque plus à manger et à dormir. Au comble de l'épreuve, il se rendit dans l'église des dominicains à Paris, ouvrit son cœur et pria ainsi : « Quoi qu'il advienne, Seigneur, toi qui détiens tout entre tes mains, et dont les voies sont justice et vérité ; quoi que tu aies établi à mon égard... ; toi qui es toujours un juge équitable et un Père miséricordieux, je t'aimerai Seigneur (...) je j'aimerai ici, ô mon Dieu, et j'espérerai toujours dans ta miséricorde, et je répéterai toujours tes louanges... O Seigneur Jésus, tu seras toujours mon espérance et mon salut dans la terre des vivants » (I Proc. Canon., vol. I, art. 4). 

François, âgé de vingt ans, trouva la paix dans la réalité radicale et libératrice de l'amour de Dieu : l'aimer sans rien attendre en retour et placer sa confiance dans l'amour divin ; ne plus demander ce que Dieu fera de moi : moi je l'aime simplement, indépendamment de ce qu'il me donne ou pas. Ainsi, il trouva la paix, et la question de la prédestination - sur laquelle on débattait à cette époque - était résolue, car il ne cherchait pas plus que ce qu'il pouvait avoir de Dieu ; il l'aimait simplement, il s'abandonnait à sa bonté. Et cela sera le secret de sa vie, qui transparaîtra dans son œuvre principale : le Traité de l'amour de Dieu.

En vainquant les résistances de son père, François suivit l'appel du Seigneur et, le 18 décembre 1593, il fut ordonné prêtre. En 1602, il devint évêque de Genève, à une époque où la ville était un bastion du calvinisme, au point que le siège épiscopal se trouvait « en exil » à Annecy. Pasteur d'un diocèse pauvre et tourmenté, dans un paysage de montagne dont il connaissait aussi bien la dureté que la beauté, il écrivit : « [Dieu] je l'ai rencontré dans toute sa douceur et sa délicatesse dans nos plus hautes et rudes montagnes, où de nombreuses âmes simples l'aimaient et l'adoraient en toute vérité et sincérité ; et les chevreuils et les chamois sautillaient ici et là entre les glaciers terrifiants pour chanter ses louanges » (Lettre à la Mère de Chantal, octobre 1606, dans Œuvres, éd. Mackey, t. XIII, p. 223). Et toutefois, l'influence de sa vie et de son enseignement sur l'Europe de l'époque et des siècles successifs apparaît immense. C'est un apôtre, un prédicateur, un homme d'action et de prière ; engagé dans la réalisation des idéaux du Concile de Trente ; participant à la controverse et au dialogue avec les protestants, faisant toujours plus l'expérience, au-delà de la confrontation théologique nécessaire, de l'importance de la relation personnelle et de la charité ; chargé de missions diplomatiques au niveau européen, et de fonctions sociales de médiation et de réconciliation. 

Mais saint François de Sales est surtout un guide des âmes : de sa rencontre avec une jeune femme, la dame de Charmoisy, il tirera l'inspiration pour écrire l'un des livres les plus lus à l'époque moderne, l'Introduction à la vie dévote ; de sa profonde communion spirituelle avec une personnalité d'exception, sainte Jeanne Françoise de Chantal, naîtra une nouvelle famille religieuse, l'Ordre de la Visitation, caractérisé - comme le voulut le saint - par une consécration totale à Dieu vécue dans la simplicité et l'humilité, en accomplissant extraordinairement bien les choses ordinaires : « ... Je veux que mes Filles - écrit-il - n'aient pas d'autre idéal que celui de glorifier [Notre Seigneur] par leur humilité » (Lettre à Mgr de Marquemond, juin 1615). Il meurt en 1622, à cinquante-cinq ans, après une existence marquée par la dureté des temps et par le labeur apostolique.

La vie de saint François de Sales a été une vie relativement brève, mais vécue avec une grande intensité. De la figure de ce saint émane une impression de rare plénitude, démontrée dans la sérénité de sa recherche intellectuelle, mais également dans la richesse de ses sentiments, dans la « douceur » de ses enseignements qui ont eu une grande influence sur la conscience chrétienne. De la parole « humanité », il a incarné les diverses acceptions que, aujourd'hui comme hier, ce terme peut prendre : culture et courtoisie, liberté et tendresse, noblesse et solidarité. Il avait dans son aspect quelque chose de la majesté du paysage dans lequel il avait vécu, conservant également sa simplicité et son naturel. Les paroles et les images avec lesquelles il s'exprimait résonnent de manière inattendue, également à l'oreille de l'homme d'aujourd'hui, comme une langue natale et familière.

François de Sales adresse à Philotée, le destinataire imaginaire de son Introduction à la vie dévote (1607) une invitation qui, à l'époque, dut sembler révolutionnaire. Il s'agit de l'invitation à appartenir complètement à Dieu, en vivant en plénitude la présence dans le monde et les devoirs de son propre état. « Mon intention est d'instruire ceux qui vivent en villes, en ménages, en la cour [...] » (Préface de l'Introduction à la vie dévote). Le document par lequel le Pape Léon XIII, plus de deux siècles après, le proclamera docteur de l'Eglise insistera sur cet élargissement de l'appel à la perfection, à la sainteté. Il y est écrit : « [la véritable piété] a pénétré jusqu'au trône des rois, dans la tente des chefs des armées, dans le prétoire des juges, dans les bureaux, dans les boutiques et même dans les cabanes de pasteurs [...] » (Bref Dives in misericordia, 16 novembre 1877). 

C'est ainsi que naissait cet appel aux laïcs, ce soin pour la consécration des choses temporelles et pour la sanctification du quotidien sur lesquels insisteront le Concile Vatican II et la spiritualité de notre temps. L'idéal d'une humanité réconciliée se manifestait, dans l'harmonie entre action dans le monde et prière, entre condition séculière et recherche de perfection, avec l'aide de la grâce de Dieu qui imprègne l'homme et, sans le détruire, le purifie, en l'élevant aux hauteurs divines. Saint François de Sales offre une leçon plus complexe à Théotime, le chrétien adulte, spirituellement mûr, auquel il adresse quelques années plus tard son Traité de l'amour de Dieu (1616). Cette leçon suppose, au début, une vision précise de l'être humain, une anthropologie : la « raison » de l'homme, ou plutôt l'« âme raisonnable », y est vue comme une architecture harmonieuse, un temple, articulé en plusieurs espaces, autour d'un centre, qu'il appelle, avec les grands mystiques, « cime », « pointe » de l'esprit, ou « fond » de l'âme. C'est le point où la raison, une fois qu'elle a parcouru tous ses degrés, « ferme les yeux » et la connaissance ne fait plus qu'un avec l'amour (cf. libre I, chap. XII). Que l'amour, dans sa dimension théologale, divine, soit la raison d'être de toutes les choses, selon une échelle ascendante qui ne semble pas connaître de fractures et d'abîmes. Saint François de Sales l'a résumé dans une phrase célèbre : « L'homme est la perfection de l'univers ; l'esprit est la perfection de l'homme ; l'amour, celle de l'esprit ; et la charité, celle de l'amour » (ibid., livre X, chap. I).

Dans une saison d'intense floraison mystique, le Traité de l'amour de Dieu est une véritable somme, en même temps qu'une fascinante œuvre littéraire. Sa description de l'itinéraire vers Dieu part de la reconnaissance de l'« inclination naturelle » (ibid., livre I, chap. XVI), inscrite dans le cœur de l'homme bien qu'il soit pécheur, à aimer Dieu par dessus toute chose. Selon le modèle de la Sainte Ecriture, saint François de Sales parle de l'union entre Dieu et l'homme en développant toute une série d'images de relation interpersonnelle. Son Dieu est père et seigneur, époux et ami, il a des caractéristiques maternelles et de nourrice, il est le soleil dont même la nuit est une mystérieuse révélation. Un tel Dieu attire l'homme à lui avec les liens de l'amour, c'est-à-dire de la vraie liberté : « car l'amour n'a point de forçats ni d'esclaves, [mais] réduit toutes choses à son obéissance avec une force si délicieuse, que comme rien n'est si fort que l'amour, aussi rien n'est si aimable que sa force » (ibid., livre I, chap. VI). Nous trouvons dans le traité de notre saint une méditation profonde sur la volonté humaine et la description de son flux, son passage, sa mort, pour vivre (cf. ibid., livre IX, chap. XIII) dans l'abandon total non seulement à la volonté de Dieu, mais à ce qui Lui plaît, à son « bon plaisir » (cf. ibid., livre IX, chap. I). Au sommet de l'union avec Dieu, outre les ravissements de l'extase contemplative, se place ce reflux de charité concrète, qui se fait attentive à tous les besoins des autres et qu'il appelle « l'extase de l'œuvre et de la vie » (ibid., livre VII, chap. VI).

On perçoit bien, en lisant le livre sur l'amour de Dieu et plus encore les si nombreuses lettres de direction et d'amitié spirituelle, quel connaisseur du cœur humain a été saint François de Sales. A sainte Jeanne de Chantal, à qui il écrit : « [...] car voici la règle générale de notre obéissance écrite en grosses lettres : il faut tout faire par amour, et rien par force ; il faut plus aimer l'obéissance que craindre la désobéissance. Je vous laisse l'esprit de liberté, non pas celui qui forclos [exclut] l'obéissance, car c'est la liberté de la chair ; mais celui qui forclos la contrainte et le scrupule, ou empressement » (Lettre du 14 octobre 1604). Ce n'est pas par hasard qu'à l'origine de nombreux parcours de la pédagogie et de la spiritualité de notre époque nous retrouvons la trace de ce maître, sans lequel n'auraient pas existé saint Jean Bosco ni l'héroïque « petite voie » de sainte Thérèse de Lisieux.

Chers frères et sœurs, à une époque comme la nôtre qui recherche la liberté, parfois par la violence et l'inquiétude, ne doit pas échapper l'actualité de ce grand maître de spiritualité et de paix, qui remet à ses disciples l'« esprit de liberté », la vraie, au sommet d'un enseignement fascinant et complet sur la réalité de l'amour. Saint François de Sales est un témoin exemplaire de l'humanisme chrétien avec son style familier, avec des paraboles qui volent parfois sur les ailes de la poésie, il rappelle que l'homme porte inscrite en lui la nostalgie de Dieu et que ce n'est qu'en Lui que se trouve la vraie joie et sa réalisation la plus totale.

A l'issue de l'audience générale le pape a résumé sa catéchèse en différentes langues et salué les pèlerins. Voici ce qu'il a dit en français :

(...) Je salue cordialement les pèlerins de langue française ! A l'école de saint François de Sales, puissiez-vous apprendre que la vraie liberté inclut l'obéissance et culmine dans la réalité de l'amour. N'ayez pas peur d'aimer Dieu par-dessus tout ! Vous trouverez en Lui seul la vraie joie et la pleine réalisation de votre vie ! Avec ma Bénédiction !



Reliques de Saint François de Sales - Visitation de Bourg en Bresse



mercredi 21 janvier 2015

21 janvier - prions Notre Dame et Sainte Jeanne d'Arc pour notre pays

De Sa Sainteté le Pape Pie XI, lettre apostolique Galliam, Ecclesiae filiam primogenitam


Les Pontifes romains Nos prédécesseurs ont toujours, au cours, des siècles, comblé des marques particulières de leur paternelle affection la France, justement appelée la fille aînée de l’Eglise. Notre prédécesseur de sainte mémoire le Pape Benoît XV, qui eut profondément à cœur le bien spirituel de la France, a pensé à donner à cette nation noble entre toutes, un gage spécial de sa bienveillance.

En effet, lorsque, récemment, Nos vénérables frères les cardinaux, archevêques et évêques de France, d’un consentement unanime, lui eurent transmis par Notre vénérable Frère Stanislas Touchet, évêque d’Orléans, des supplications ardentes et ferventes pour qu’il daignât proclamer patronne principale de la nation française la bienheureuse Vierge Marie reçue au ciel, et seconde Patronne céleste sainte Jeanne, pucelle d’Orléans, Notre prédécesseur fut d’avis de répondre avec bienveillance à ces pieuses requêtes. Empêché par la mort, il ne put réaliser le dessein qu’il avait conçu. Mais à Nous, qui venons d’être élevé par la grâce divine sur la chaire sublime du Prince des apôtres, il Nous est doux et agréable de remplir le vœu de Notre très regretté prédécesseur et, par Notre autorité suprême, de décréter ce qui pourra devenir pour la France une cause de bien, de prospérité et de bonheur.

Il est certain, selon un ancien adage, que « le royaume de France » a été appelé le « royaume de Marie », et cela à juste titre. Car, depuis les premiers siècles de l’Eglise jusqu’à notre temps, Irénée et Eucher de Lyon, Hilaire de Poitiers, Anselme, qui de France passa en Angleterre comme archevêque, Bernard de Clairvaux, François de Sales, et nombre d’autres saints docteurs, ont célébré Marie et, ont contribué à promouvoir et à amplifier à travers la France le culte de la Vierge Mère de Dieu. A Paris, dans la très célèbre Université de Sorbonne, il est historiquement prouvé que dès le XIIIe siècle la Vierge a été proclamée conçue sans péché.

Même les monuments sacrés attestent d’éclatante manière l’antique dévotion du peuple à l’égard de la Vierge : trente-quatre églises cathédrales jouissent du titre de la Vierge Mère de Dieu ; parmi lesquelles on aime à rappeler comme les plus célèbres celles qui s’élèvent à Reims, à Paris, à Amiens, à Chartres, à Coutances et à Rouen (NB. Que le Seigneur pardonne au Pontife suprême d'avoir oublier Evreux). L’immense affluence des fidèles accourant de loin chaque année, même de notre temps, aux sanctuaires de Marie, montre clairement ce que peut dans le peuple la piété envers la Mère de Dieu, et plusieurs fois par an la basilique de Lourdes, si vaste qu’elle soit, parait incapable de contenir les foules innombrables de pèlerins.

La Vierge Mère en personne, trésorière auprès de Dieu de toutes les grâces, a semblé, par des apparitions répétées, approuver et confirmer la dévotion du peuple français.

Bien plus, les principaux et les chefs de la nation se sont fait gloire longtemps d’affirmer et de défendre cette dévotion envers la Vierge. Converti à la vraie foi du Christ, Clovis s’empresse, sur les ruines d’un temple druidique, de poser les fondements de l’église Notre-Dame, qu’acheva son fils Childebert. Plusieurs temples sont dédiés à Marie par Charlemagne. Les ducs de Normandie proclament Marie Reine de la nation. Le roi saint Louis récite dévotement chaque jour l’office de la Vierge. Louis XI, pour l’accomplissement d’un vœu, édifie à Cléry un temple à Notre-Dame. Enfin Louis XIII consacre le royaume de France à Marie et ordonne que chaque année, en la fête de l’Assomption de la Vierge, on célèbre dans tous les diocèses de France de solennelles fonctions ; et ces pompes solennelles, Nous n’ignorons pas qu’elles continuent de se dérouler chaque année.

En ce qui concerne la Pucelle d’Orléans, que Notre prédécesseur a élevée aux suprêmes honneurs des saints, personne ne peut mettre en doute que ce soit sous les auspices de la Vierge qu’elle ait reçu et remplit mission de sauver la France. Car d’abord, c’est sous le patronage de Notre-Dame de Bermont, puis sous celui de la Vierge d’Orléans, enfin de la Vierge de Reims, qu’elle entreprit d’un cœur viril, une si grande œuvre, qu’elle demeura sans peur en face des épées dégainées et sans tache au milieu de la licence des camps, qu’elle délivra sa patrie du suprême péril et rétablit le sort de la France. C’est après en avoir reçu le conseil de ses voix célestes qu’elle ajouta sur son glorieux étendard le nom de Marie à celui de Jésus, vrai Roi de France. Montée sur le bûcher, c’est en murmurant au milieu des flammes, en un cri suprême, les noms de Jésus et de Marie, qu’elle s’envola au ciel. Ayant donc éprouvé le secours évident de la Pucelle d’Orléans, que la France reçoive la faveur de cette seconde patronne céleste : c’est ce que réclament le clergé et le peuple, ce qui fut déjà agréable à Notre prédécesseur et qui Nous plaît à Nous-même.

C’est pourquoi, après avoir pris les conseils de Nos vénérables Frères les cardinaux de la sainte Eglise romaine préposés aux Rites, motu proprio, de science certaine et après mûre délibération, dans la plénitude de Notre pouvoir apostolique, par la force des présentes et à perpétuité, Nous déclarons et confirmons que la Vierge Marie Mère de Dieu, sous le titre de son Assomption dans le ciel, a été régulièrement choisie comme principale patronne de toute la France auprès de Dieu, avec tous les privilèges et les honneurs que comportent ce noble titre et cette dignité.

Sainte Jeanne d'Arc, par Hermann Anton Stilke, 1843
De plus, écoutant les vœux pressants des évêques, du clergé et des fidèles des diocèses et des missions de la France, Nous déclarons avec la plus grande joie et établissons Pucelle d’Orléans admirée et vénérée spécialement par tous les catholiques de France comme l’héroïne de la patrie, sainte Jeanne d’Arc, vierge, patronne secondaire de la France, choisie par le plein suffrage du peuple, et cela encore d’après Notre suprême autorité apostolique, concédant également tous les honneurs et privilèges que comporte selon le droit ce titre de seconde patronne.

En conséquence, Nous prions Dieu, auteur de tous les biens, que, par l’intercession de ces deux célestes patronnes, la Mère de Dieu élevée au ciel et sainte Jeanne d’Arc, vierge, ainsi que des autres saints patrons des lieux et titulaires des églises, tant des diocèses que des missions, la France catholique, ses espérances tendues vers la vraie liberté et son antique dignité, soit vraiment la fille première-née de l’Eglise romaine ; qu’elle échauffe, garde, développe par la pensée, l’action, l’amour, ses antiques et glorieuses traditions pour le bien de la religion et de la patrie.

Nous concédons ces privilèges, décidant que les présentes Lettres soient et demeurent toujours fermes, valides et efficaces, qu’elles obtiennent et gardent leurs effets pleins et entiers, qu’elles soient, maintenant et dans l’avenir, pour toute la nation française le gage le plus large des secours célestes, qu’ainsi il en faut juger définitivement, et que soit tenu pour vain dès maintenant et de nul effet pour l’avenir tout ce qui porterait atteinte à ces décisions, du fait de quelque autorité que ce soit, sciemment ou inconsciemment. Nonobstant toutes choses contraires.

Donné à Rome, près de Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 2 du mois de mars de l’année 1922, la première de Notre pontificat.

P. cardinal Gasparri, secrétaire d’Etat.





vendredi 16 janvier 2015

L'or, la myrrhe et l'encens, dignes présents pour le Roi des rois

L'adoration des Mages et l'offrande de l'or, de la myrrhe et de l'encens

Sermon de Saint Pierre Chrysologue pour la solennité de l'Épiphanie


L'or pour le vrai Roi de l'Univers
Le Mystère de l'incarnation du Seigneur apporte par lui-même des marques toujours bien reconnaissables de la Divinité. Cependant, la solennité de l'Épiphanie nous découvre et nous révèle de plusieurs manières que Dieu est venu dans un corps d'homme ; ainsi notre condition mortelle, toujours enveloppée d'obscurités, ne risque pas de perdre par son ignorance la richesse qu'elle a pu saisir et posséder par la grâce.

Car celui qui a voulu naître pour nous n'a pas voulu être ignoré de nous, et c'est pourquoi il se découvre de telle sorte que ce grand mystère de la bonté divine ne devienne pas l'occasion d'une grande erreur.

Aujourd'hui, les mages, cherchant celui qui brillerait parmi les étoiles, le trouvent vagissant au berceau.
Fleurs de myrrhe, le baume précieux pour Celui
qui va être ensevelit et descendre aux tréfonds
de la mort pour nous sauver
Aujourd'hui, les mages s'étonnent de découvrir glorieux dans ses langes celui qui s'était longtemps dissimulé dans le ciel où il demeurait obscur.

Aujourd'hui, les mages considèrent avec une profonde stupeur ce qu'ils voient ici : le ciel sur la terre, la terre dans le ciel ; l'homme en Dieu, Dieu dans l'homme ; et celui que le monde entier ne peut contenir, enfermé dans le corps d'un tout-petit! Et dès qu'ils voient, ils proclament qu'ils croient sans discuter, en offrant leurs dons symboliques : par l'encens, ils confessent Dieu ; par l'or, le roi ; par la myrrhe, sa mort future. ~

L'encens pour le Grand Prêtre de l'Alliance
Nouvelle et éternelle, vrai Dieu et vrai Homme
C'est ainsi que les païens, qui étaient les derniers, deviennent premiers ; car c'est alors que la venue des païens à la croyance est inaugurée par la foi des mages.


mercredi 14 janvier 2015

Naissance et Baptême du vénérable abbé Henri Marie Boudon

Prière au jour du Baptême, d’après Saint Sophrone, patriarche de Jérusalem

Ô Trinité transcendant tous les êtres par ton excellence et ta suprême divinité, Tout-puissant qui vois tout, Invisible que nul ne peut saisir, Créateur des êtres spirituels et doués de raison, pure essence du Bien, Lumière inaccessible qui, venant dans le monde, illumines tout homme, éclaire-moi aussi, ton indigne serviteur; illumine les yeux de mon intelligence, afin que j'ose célébrer tes bienfaits et ta puissance infinis.

Baptême du Christ dans le Jourdain,
par Jacopino da Reggio, XIIIe
Agrée ma prière pour le peuple ici présent; puissent mes fautes ne pas empêcher la venue de ton saint Esprit; accorde-moi plutôt de pouvoir, sans être condamné, te crier et te dire aussi maintenant, suprême Bonté: Nous te glorifions, Seigneur ami des hommes, Tout-puissant, Roi d'avant les siècles. Nous te glorifions, Auteur de l'entière création.
Nous te glorifions, Fils unique de Dieu que sans père une Mère a conçu et qui sans mère du Père est issu. Au cours de la fête passée, c'est comme enfant que nous t'avons vu; en la présente fête nous contemplons ta perfection, comme le Parfait, né du Parfait, se manifestant notre Dieu.

Car ce jour est pour nous celui de la Fête: le chœur des Saints est assemblé avec nous, les Anges s'unissent à la festivité humaine.
En ce jour la grâce du saint Esprit, sous forme de colombe, est descendue sur les eaux.
En ce jour le soleil sans déclin s'est levé, le monde est éclairé par la lumière du Seigneur.
En ce jour la lune éclaire aussi le monde par la clarté de ses rayons.
En ce jour les astres lumineux embellissent l'univers en rayonnant de tous leurs feux.
En ce jour les nuées distillent depuis le ciel une rosée de justice pour l'humanité.
En ce jour l'Incréé veut que sa propre créature lui impose la main.
En ce jour le Prophète et Précurseur vient au-devant du Maître, mais il approche en tremblant, voyant Dieu s'abaisser jusqu'à nous.
En ce jour les flots du Jourdain acquièrent la vertu de guérir par la présence du Seigneur.
En ce jour un courant mystique abreuve l'entière création.
En ce jour les fautes des humains sont lavées par les eaux du Jourdain.
En ce jour le Paradis s'est ouvert pour les hommes et le Soleil de justice répand sur nous sa clarté.
En ce jour l'eau amère, comme au temps de Moïse, pour le peuple est changée en eau douce par la présence du Seigneur.
En ce jour nous mettions fin à l'antique lamentation et nous fûmes sauvés, en nouvel Israël.
En ce jour nous étions délivrés des ténèbres pour resplendir clairement de la connaissance de Dieu.
En ce jour la grisaille du monde est dissipée par l'épiphanie de notre Dieu.
En ce jour l'entière création brille comme lampe allumée depuis le ciel.
En ce jour l'erreur fut abolie, l'avènement du Maître nous traçant la voie du salut.

Ce jour est une fête en haut comme ici-bas, les êtres de ce bas monde rencontrent ceux des hauteurs.
En ce jour les vrais croyants élèvent leur voix joyeuse en une sainte festivité.
En ce jour le Maître se hâte vers le baptême pour relever l'humanité.
En ce jour l'Immuable s'incline vers son propre serviteur pour nous libérer de la servitude.
En ce jour nous avons acquis le royaume des cieux, ce règne du Seigneur qui n'aura pas de fin.
En ce jour la terre et la mer ont partagé la joie du monde, un monde que l'allégresse a rempli.

Les eaux te virent, ô Dieu, les eaux te virent et furent en émoi. Le Jourdain retourna en arrière, voyant le feu de la divinité descendre en un corps et venir jusqu'à lui.
Le Jourdain retourna en arrière, lorsqu'il vit l'Esprit saint descendre sous forme de colombe et voler autour de toi.
Les eaux du Jourdain en Terre Sainte
Le Jourdain retourna en arrière, voyant l'Invisible se laisser voir, le Créateur ayant pris chair, le Maître sous la forme de serviteur.
Le Jourdain retourna en arrière, et les montagnes bondissaient voyant Dieu dans la chair.
Les nuées firent entendre leur voix, s'émerveillant que soit venu, Lumière de Lumière, le vrai Dieu né du vrai Dieu.

En ce jour de fête nous voyons au Jourdain le Seigneur y engloutir les chaînes de l'Enfer, l'aiguillon de l'erreur, la mort que la désobéissance nous valut, et donner au monde le Baptême du salut. C'est pourquoi, moi aussi, bien que pécheur et indigne de te servir, après avoir rappelé tes merveilles et tes hauts-faits, saisi de crainte et plein de componction, je m'écrie: Tu es grand, Seigneur, tes œuvres sont admirables, et nulle parole ne suffira pour chanter tes merveilles.


C'est toi qui as voulu conduire toutes choses du non-être à l'existence; par ta puissance tu soutiens l'univers, par ta providence tu diriges le monde. Des quatre éléments tu composas la création, des quatre saisons tu couronnas le cycle de l'année. Elles tremblent devant toi, les célestes puissances spirituelles: c'est toi que chante le soleil, c'est toi que la lune glorifie; c'est avec toi que s'entretiennent les astres, c'est à toi que la lumière obéit; devant toi frémissent les océans et les sources sont tes servantes.
Tu déployas les cieux comme une tente, tu affermis la terre sur les eaux; la mer, tu l'entouras de sable, et l'air, tu le répandis pour qu'on le respirât. Les puissances angéliques te servent dans le ciel, les chœurs des Archanges se prosternent devant toi; les Chérubins aux yeux innombrables et les Séraphins aux six ailes qui font cercle autour de toi et volent à l'entour de ta majesté se couvrent la face par crainte de ta gloire inaccessible.
Toi le Dieu que nul espace ne peut circonscrire, toi le Dieu ineffable et sans commencement, tu es venu sur terre, prenant forme d'esclave et ressemblance avec les hommes; car tu n'as pas souffert, Seigneur, dans la tendresse de ton cœur, de voir le genre humain sous la tyrannie du démon, mais tu es venu et tu nous as sauvés.

Nous reconnaissons ta grâce, nous proclamons ton amour, sans cacher tes bienfaits. Tu as libéré notre nature dès le germe, par ta naissance tu as sanctifié le sein virginal; toute la création te chanta lorsque tu apparus. Car toi, ô notre Dieu, tu t'es montré sur la terre et tu as conversé avec les hommes. C'est toi aussi qui sanctifias les eaux du Jourdain, envoyant du ciel ton saint Esprit, et tu as écrasé la tête des dragons qui s'y cachaient.

Toi donc, Ami des hommes et notre Roi, viens aussi maintenant par l'effusion de ton saint Esprit et sanctifie cette eau.
Et donne-lui la même bénédiction et vertu rédemptrice qu'à celle du Jourdain. Fais-en une source d'immortalité, un trésor de sanctification, pour la rémission des péchés, la guérison des maladies et la perte des démons; qu'elle soit inaccessible aux puissances ennemies et remplie de pouvoir angélique!
Trinité Sainte, petites heures du duc de Berry
Afin que tous ceux qui en prennent et en boivent trouvent en elle la purification de leur âme et de leur corps, le remède à leurs passions, la sanctification de leur maison et toute sorte de profit. Car c'est toi notre Dieu, celui qui par l'eau et l'Esprit renouvelas notre nature vieillie dans le péché. C'est toi notre Dieu, qui au temps de Noé submergeas le péché sous les eaux. C'est toi notre Dieu, qui par la mer fis passer de la servitude de Pharaon à la liberté, sous la conduite de Moïse, la nation des Hébreux.
C'est toi notre Dieu, qui fendis la roche au désert, au point que les eaux coulèrent en torrents pour abreuver ton peuple assoiffé. C'est toi notre Dieu, qui par l'eau et le feu fis qu'Elie détourna Israël de l'erreur de Baal. Toi-même, Seigneur, encore à présent, sanctifie cette eau par ton Saint Esprit. Et donne à tous ceux qui vont la toucher, s'en oindre ou en goûter, sanctification, bénédiction, purification et santé.

Sauve, Seigneur, tes serviteurs (notre roi N. et tous) les chrétiens fidèles.
En paix garde-les sous ta protection; accorde-leur ce qu'ils demandent pour leur salut et la vie éternelle.

Souviens-toi, Seigneur, de notre archevêque (ou évêque) N., de l'ordre presbytéral, des diacres qui servent dans le Christ, de tout le clergé et du peuple présent, ainsi que de nos frères absents pour un juste motif; en ton immense miséricorde aie pitié d'eux et de nous. Afin que par les éléments, par les Anges et les hommes, par le monde visible et invisible soit glorifié ton nom très-saint, avec le Père et le Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen.