Bien que l'année fut encore bien difficile, ce dernier jour de l'année est consacré à l'action de grâce, chantons le "Te Deum" et supplions la miséricorde divine de nous venir en aide.
Recevons la grâce de l'indulgence pour nous-même ou nos frères défunts.
Saint François voulut qu’un bœuf et un âne soient présents dans la grotte de Greccio (village de 1 600 habitants, où en 1223, saint François d’Assise a imaginé la première crèche vivante de la nativité) dans la nuit de Noël.
Saint François avait dit à Jean, le noble : “Je voudrais réveiller en pleine réalité le souvenir de l’enfant tel qu’il est né à Bethléem, et toutes les difficultés qu’il eut à endurer dans son enfance. Je souhaite voir de mes yeux corporels ce que c’est que de coucher dans une mangeoire et de dormir sur le foin, entre un bœuf et un âne”.
Depuis lors, le bœuf et l'âne ont eu leur place dans toutes les crèches. Mais d’où proviennent-ils réellement ? Il est bien connu que les récits de Noël du Nouveau Testament ne les mentionnent pas. Lorsque nous étudions cette question, nous découvrons un facteur important dans toutes les coutumes de Noël et, en fait, dans toute la piété de Noël et de Pâques de l’Eglise, à la fois dans la liturgie et dans les coutumes populaires.
Le bœuf et l’âne ne sont pas simplement des produits de l’imagination pieuse : la foi de l’Eglise dans l’unité de l’Ancien et du Nouveau Testament leur a donné leur rôle comme un accompagnement de l’événement de Noël. Nous lisons dans Isaïe : “Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne la maison de son maître, mais Israël ne la connaît pas, mon peuple ne comprend pas” (1, 3). Les Pères de l’Eglise ont vu dans ces paroles une prophétie qui anticipait le nouveau peuple de Dieu, l’Eglise composée de Juifs et de païens. Devant Dieu, tous les hommes, Juifs et Gentils, étaient, comme le bœuf et l’âne, sans raison ni connaissance. Mais l’enfant de la crèche a ouvert leurs yeux afin qu’ils reconnaissent maintenant la voix de leur Maître, la voix de leur Seigneur.
Il est frappant de constater, dans les images médiévales de Noël, combien les artistes donnent aux deux animaux des visages presque humains et comment ils se tiennent devant le mystère de l’enfant et se prosternent dans la conscience et la révérence. Mais après tout, ce n’était que logique, puisque les deux animaux ont été considérés comme le symbole prophétique du mystère de l’Eglise : de notre propre mystère, puisque nous ne sommes que des bœufs et des ânes vis-à-vis du Dieu éternel, des bœufs et des ânes dont les yeux sont ouverts le soir de Noël, afin qu’ils puissent reconnaître leur Seigneur dans la crèche.
Qui l’a reconnu, et qui n’est pas parvenu à le reconnaître ?
L’avons-nous vraiment reconnu ? Lorsque nous plaçons le bœuf et l’âne à côté de la crèche, nous devons nous rappeler tout le passage d’Isaïe, qui n’est pas seulement une bonne nouvelle - dans le sens de la promesse d’une connaissance à venir - mais aussi un jugement prononcé sur la cécité contemporaine. Le bœuf et l’âne savent, “mais Israël ne sait pas, mon peuple ne comprend pas”.
Qui sont le bœuf et l’âne d’aujourd'hui, et qui est “mon peuple” qui ne comprend pas ? Comment pouvons-nous reconnaître le bœuf et l’âne ? Comment pouvons-nous reconnaître “mon peuple” ? Et pourquoi l’absence de raison reconnaît-elle, alors que la raison est aveugle ?
Afin de découvrir la réponse, il nous faut revenir avec les Pères de l’Eglise au premier Noël. Qui l’a reconnu ? Et qui n’a pas su le reconnaître ? Et pourquoi en a-t-il été ainsi ?
Celui qui a échoué à le reconnaître, c’est Hérode, qui n’a pas compris quand on lui a parlé de l'enfant : au contraire, il a été aveuglé d’autant plus profondément par sa soif de pouvoir et la paranoïa qui l’accompagne (Mt 2, 3).
Ceux qui ont échoué à le reconnaître, c’est “tout Jérusalem avec lui”
(ibid.)
Ceux qui ont échoué à le reconnaître, ce sont les gens “vêtus de vêtements
moelleux”, ceux qui ont une position sociale élevée (Mt 11, 8).
Ceux qui ont échoué à le reconnaître, ce sont les maîtres savants, ceux qui étaient experts de la Bible, les spécialistes de l’interprétation biblique qui, certes, connaissaient le passage correct de l’Ecriture, mais n’ont pas réussi à en comprendre quelque chose (Mt 2, 6).
Ceux qui l’ont reconnu, ce sont “le bœuf et l’âne” (en comparaison à ces hommes de prestige) : les bergers, les Rois Mages, Marie et Joseph. Mais les choses auraient-elles pu être autrement ? Ceux qui ont une haute position sociale ne sont pas dans l’écurie où se trouve l'enfant Jésus : c’est là que le bœuf et l'âne ont leur demeure.
En cette nuit, donc, le visage du bœuf et de l’âne nous regardent avec une
question : mon peuple ne comprend pas, mais entendez-vous la voix de votre
Seigneur ?
Quand nous plaçons les figurines familières dans la crèche, nous devrions
demander à Dieu de donner à nos cœurs la simplicité qui découvre le Seigneur
dans l’enfant, tout comme Saint François autrefois à Greccio. Car alors, nous
aussi, nous pourrions faire l’expérience de ce que Celano - le premier
biographe de Saint François - rapporte au sujet de ceux qui ont pris part à la
Messe de minuit à Greccio. Et ses paroles font écho aux paroles de Saint Luc au
sujet des bergers dans la première nuit de Noël : tous sont rentrés chez eux
remplis de joie.