n.1. «Soyez
toujours dans la joie du Seigneur! » (Ph 4,4) ~ La joie, en effet, est un élément
central de l’expérience chrétienne. Et ~ nous faisons l’expérience d’une joie
intense, la joie de la communion, la joie d’être chrétiens, la joie de la foi. C’est une des
caractéristiques de ces rencontres. Et nous voyons combien cette joie attire
fortement : dans un monde souvent marqué par la tristesse et les inquiétudes, la joie est un témoignage important de la
beauté de la foi chrétienne et du fait qu’elle est digne de confiance.
L’Église
a pour vocation d’apporter au monde la joie, une joie authentique qui demeure,
celle que les anges ont annoncé aux bergers de Bethléem la nuit de la naissance
de Jésus (cf. Lc 2, 10) : Dieu n’a pas seulement parlé, il
n’a pas seulement accompli des signes prodigieux dans l’histoire de l’humanité,
Dieu s’est fait tellement proche qu’il s’est fait l’un de nous et a parcouru
toutes les étapes de la vie humaine. Dans le difficile contexte actuel, tant de
jeunes autour de vous ont un immense besoin d’entendre que le message chrétien
est un message de joie et d’espérance ! Aussi, je voudrais réfléchir avec vous
sur cette joie, sur les chemins pour la trouver, afin que vous puissiez en
vivre toujours plus profondément et en être les messagers autour de vous.
Le Sacré-Coeur apparaissant à sainte Marguerite Marie. |
L’aspiration à la joie
est imprimée dans le cœur de l’homme. Au-delà des satisfactions immédiates et
passagères, notre cœur cherche la joie
profonde, parfaite et durable qui puisse donner du “goût” à l’existence. ~ Chaque
jour, nombreuses sont les joies simples que le Seigneur nous offre : la joie de
vivre, la joie face à la beauté de la nature, la joie du travail bien fait, la
joie du service, la joie de l’amour sincère et pur. Et si nous y sommes
attentifs, il y a de nombreux autres motifs de nous réjouir : les bons moments
de la vie en famille, l’amitié partagée, la découverte de ses capacités
personnelles et ses propres réussites, les compliments reçus des autres, la
capacité de s’exprimer et de se sentir compris, le sentiment d’être utile à
d’autres. ~ Chaque jour, pourtant, nous nous heurtons à tant de difficultés et
notre cœur est tellement rempli d’inquiétudes pour l’avenir, qu’il nous arrive
de nous demander si la joie pleine et permanente à laquelle nous aspirons n’est
pas une illusion et une fuite de la réalité. De nombreux jeunes s’interrogent :
aujourd’hui la joie parfaite est-elle
vraiment possible ? Et ils la recherchent de différentes façons, parfois sur
des voies qui se révèlent erronées, ou du moins dangereuses. Comment distinguer
les joies réellement durables des plaisirs immédiats et trompeurs ? Comment
trouver la vraie joie dans la vie, celle qui dure et ne nous abandonne pas,
même dans les moments difficiles ?
n.2. En réalité, les joies authentiques, que ce soient les
petites joies du quotidien comme les grandes joies de la vie, toutes trouvent
leur source en Dieu, même si cela ne nous apparaît pas immédiatement. La
raison en est que Dieu est communion
d’amour éternel, qu’il est joie infinie qui n’est pas renfermée sur elle-même
mais qui se propage en ceux qu’il aime et qui l’aiment. Dieu nous a créés
par amour à son image afin de nous aimer et de nous combler de sa présence et
de sa grâce. Dieu veut nous faire participer à sa propre joie, divine et
éternelle, en nous faisant découvrir que la valeur et le sens profond de notre
vie réside dans le fait d’être accepté, accueilli et aimé de lui, non par un
accueil fragile comme peut l’être l’accueil humain, mais par un accueil
inconditionnel comme est l’accueil divin : je
suis voulu, j’ai ma place dans le monde et dans l’histoire, je suis aimé
personnellement par Dieu. Et si Dieu m’accepte, s’il m’aime et que j’en
suis certain, je sais de manière sûre et certaine qu’il est bon que je sois là
et que j’existe.
C’est en Jésus Christ
que se manifeste le plus clairement l’amour infini de Dieu pour chacun. C’est
donc en lui que se trouve cette joie que nous cherchons. Nous voyons dans les
Évangiles comment chaque événement qui marque les débuts de la vie de Jésus est
caractérisé par la joie. ~ La première
cause de notre joie est la proximité du Seigneur, qui m’accueille et qui m’aime.
En réalité une grande
joie intérieure naît toujours de la rencontre avec Jésus. Nous le remarquons
dans de nombreux épisodes des Évangiles. ~ Cette joie profonde est un fruit de
l’Esprit Saint qui fait de nous des fils de Dieu, capables de vivre et de
goûter sa bonté, en nous adressant à lui avec l’expression “Abba”, Père (cf. Rm 8,15). La
joie est le signe de sa présence et de son action en nous.
n.3. A
présent nous nous demandons : comment
recevoir et garder ce don de la joie profonde, de la joie spirituelle ?
~ Trouver et conserver
la joie spirituelle procède de la rencontre avec le Seigneur, qui demande de le
suivre, de faire un choix décisif, celui de tout miser sur lui. Chers jeunes, n’ayez pas peur de miser toute votre vie
sur le Christ et son Évangile : c’est la voie pour posséder la paix et le vrai
bonheur au fond de notre cœur, c’est la voie de la véritable réalisation de
notre existence de fils de Dieu, créés à son image et à sa ressemblance.
Adrien Ysenbrand, la Messe de saint Grégoire le Grand |
Mettre sa joie dans le
Seigneur : la joie est un fruit de la foi, c’est reconnaître chaque jour sa
présence, son amitié : « Le Seigneur est
proche » (Ph 4,5). C’est mettre notre confiance en lui, c’est
grandir dans la connaissance et dans l’amour pour lui. L’“Année
de la foi”, dans laquelle nous allons bientôt entrer, nous y aidera
et nous encouragera. Chers amis, apprenez
à voir comment Dieu agit dans vos vies, découvrez-le caché au cœur des
événements de votre quotidien. Croyez qu’il est toujours fidèle à l’alliance
qu’il a scellé avec vous au jour de votre Baptême. Sachez qu’il ne vous
abandonnera jamais. Et tournez souvent les yeux vers lui. Sur la croix, il a
donné sa vie par amour pour vous. La contemplation d’un tel amour établit en
nos cœurs une espérance et une joie que rien ne peut vaincre. Un chrétien ne peut pas être triste quand
il a rencontré le Christ qui a donné sa vie pour lui.
Chercher le Seigneur, le
rencontrer dans notre vie signifie également accueillir sa Parole, qui est joie
pour le cœur. Le prophète Jérémie écrit : « Quand
tes paroles se présentaient je les dévorais : ta parole était mon ravissement
et l’allégresse de mon cœur » (Jr 15,16). Apprenez à lire et à méditer l’Écriture Sainte, vous y trouverez la
réponse aux questions profondes de vérité qui habitent votre cœur et votre
esprit. La Parole de Dieu nous fait découvrir les merveilles que Dieu a
accomplies dans l’histoire de l’homme et elle pousse à la louange et à
l’adoration, pénétrées par la joie : « Venez
crions de joie pour le Seigneur, …prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous
a faits » (Ps 94, 1.6).
La
liturgie est par excellence le lieu où s’exprime cette joie que l’Eglise puise
dans le Seigneur et transmet au monde. Ainsi chaque dimanche, dans
l’Eucharistie, les communautés chrétiennes célèbrent le Mystère central du
Salut : la mort et la résurrection du Christ. C’est le moment fondamental du
cheminement de tout disciple du Seigneur, où se rend visible son Sacrifice d’amour. C’est le jour où
nous rencontrons le Christ Ressuscité, où nous écoutons sa Parole et nous
nourrissons de son Corps et de son Sang. Un Psaume proclame : « Voici le jour que fit le Seigneur, qu'il
soit pour nous jour de fête et de joie ! » (Ps 117, 24). Et dans la
nuit de Pâques, l’Église chante l’Exultet, expression de joie pour la
victoire du Christ Jésus sur le péché et sur la mort : « Exultez de joie, multitude des anges… sois heureuse aussi, notre terre,
irradiée de tant de feux… entends vibrer dans ce lieu saint l’acclamation de
tout un peuple ! ». La joie
chrétienne naît de se savoir aimé d’un Dieu qui s’est fait homme, qui a donné
sa vie pour nous, a vaincu le mal et la mort ; et c’est vivre d’amour pour lui.
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, jeune carmélite, écrivait : « Jésus,
ma joie, c’est de t’aimer ! » (Ps 45, 21 janvier 1897).
n.4. Chers
amis, la joie est intimement liée à
l’amour : ce sont deux fruits de l’Esprit inséparables (cf. Ga 5,
23). L’amour produit la joie et la joie est une forme d’amour. La bienheureuse
Mère Teresa de Calcutta, faisant écho aux paroles de Jésus : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à
recevoir » (Ac 20, 35), disait : «La joie est une chaîne
d'amour, pour gagner les âmes. Dieu aime qui donne avec joie. Et celui qui donne avec joie donne davantage ». Et le
Serviteur de Dieu Paul VI
écrivait : « En Dieu lui-même, tout est joie parce que tout est don »
(Exhort. Ap. Gaudete in Domino, 9 mai 1975).
Vitrail. Le Sacrement du Mariage. |
En pensant aux
différents aspects de votre vie, je voudrais vous dire qu’aimer requiert de la constance et de la fidélité aux engagements pris.
Cela vaut d’abord pour les amitiés :
nos amis attendent de nous que nous soyons sincères, loyaux et fidèles, parce
que l’amour vrai est persévérant surtout dans les difficultés. Cela vaut aussi
pour le travail, les études et les
services que vous rendez. La
fidélité et la persévérance dans le bien conduisent à la joie, même si elle
n’est pas toujours immédiate.
Pour entrer dans la joie
de l’amour, nous sommes aussi appelés à être généreux, à ne pas nous contenter
de donner le minimum, mais à nous
engager à fond dans la vie, avec une attention particulière pour les plus
pauvres. Le monde a besoin d’hommes et de femmes compétents et généreux, qui se
mettent au service du bien commun. Engagez-vous
à étudier sérieusement ; cultivez vos talents et mettez-les dès à présent au
service du prochain. Cherchez comment contribuer à rendre la société plus
juste et plus humaine, là où vous êtes. Que dans votre vie tout soit guidé par
l’esprit de service et non par la recherche du pouvoir, du succès matériel et
de l’argent.
A propos de générosité,
je ne peux pas ne pas mentionner une joie particulière : celle qui s’éprouve en répondant à la vocation de donner toute
sa vie au Seigneur. Chers jeunes, n’ayez
pas peur de l’appel du Christ à la vie religieuse, monastique, missionnaire ou
au sacerdoce. Soyez certains qu’il comble de joie ceux qui, lui consacrant
leur vie dans cette perspective, répondent à son invitation à tout laisser pour
rester avec lui et se dédier avec un cœur indivisé au service des autres. De même, grande est la joie qu’il réserve à
l’homme et à la femme qui se donnent totalement l’un à l’autre dans le mariage
pour fonder une famille et devenir signe de l’amour du Christ pour son Église.
Vitrail. Le Sacrement de l'Ordre. |
Je voudrais mentionner
un troisième élément pour entrer dans la joie de l’amour : faire grandir dans
votre vie et dans la vie de votre communauté la communion fraternelle. Il y a un lien étroit entre la communion et
la joie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’exhortation de saint Paul
est un pluriel : il ne s’adresse pas à chacun individuellement, mais affirme « soyez toujours dans la joie du Seigneur !
» (Ph 4,4). C’est seulement
ensemble, en vivant la communion fraternelle, que nous pouvons faire
l’expérience de cette joie. Le livre des Actes des Apôtres décrit
ainsi la première communauté chrétienne : « Ils
partageaient le pain dans leurs maisons, prenant leur nourriture avec
allégresse et simplicité de cœur » (Ac 2, 46). Vous aussi,
engagez-vous pour que les communautés chrétiennes puissent être des lieux privilégiés
de partage, d’attention et de prévenance les uns envers les autres.
n.5. Chers
amis, pour vivre la vraie joie, il faut
aussi repérer les tentations qui vous en éloignent. La culture actuelle pousse
souvent à rechercher des objectifs, des réalisations et des plaisirs immédiats,
favorisant plus l’inconstance que la persévérance dans l’effort et la fidélité
aux engagements. Les messages que vous recevez vous poussent à entrer dans
la logique de la consommation en vous promettant des bonheurs artificiels. Or
l’expérience montre que l’avoir ne
coïncide pas avec la joie : beaucoup de personnes ne manquant pourtant
d’aucun bien matériel sont souvent affligées par la désespérance, la tristesse
et ressentent la vacuité de leur vie. Pour
rester dans la joie, nous sommes invités à vivre dans l’amour et la vérité, à
vivre en Dieu.
Le retour du fils prodigue. |
La
volonté de Dieu, c’est que nous soyons heureux. C’est
pour cela qu’il nous donné des indications concrètes pour notre route : les Commandements. En les observant nous
trouvons le chemin de la vie et du bonheur. Même si à première vue ils
peuvent apparaître comme un ensemble d’interdictions, presque un obstacle à la
liberté, en réalité si nous les méditons un peu plus attentivement à la lumière
du Message du Christ, ils sont un ensemble de règles de vie essentielles et
précieuses qui conduisent à une existence menée selon le projet de Dieu. A
l’inverse, et nous l’avons constaté tant de fois, construire en ignorant Dieu et sa volonté provoque la déception, la
tristesse et le sens de l’échec. L’expérience du péché comme refus de le
suivre, comme offense à son amitié, jette une ombre dans notre cœur.
Si parfois le chemin du
chrétien est difficile et l’engagement de fidélité à l’amour du Seigneur
rencontre des obstacles et même des chutes, Dieu, dans sa miséricorde, ne nous
abandonne pas. Il nous offre toujours la possibilité de retourner à lui, de
nous réconcilier avec lui, de faire
l’expérience de la joie de son amour qui pardonne et accueille à nouveau.
Chers jeunes, recourez
souvent au Sacrement de Pénitence et de
Réconciliation ! C’est le sacrement de la joie retrouvée. Demandez à
l’Esprit Saint la lumière pour savoir reconnaître votre péché et la capacité de
demander pardon à Dieu en vous approchant souvent de ce sacrement avec
constance, sérénité et confiance. Le Seigneur vous ouvrira toujours les bras,
il vous purifiera et vous fera entrer dans sa joie : « Il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit
» (Lc 15, 7).
~ n.7. Chers amis, pour terminer, je
voudrais vous exhorter à être
missionnaires de la joie. On ne peut pas être heureux si les autres ne le sont
pas : la joie doit donc être partagée. Allez dire aux autres jeunes
votre joie d’avoir trouvé ce trésor qui est Jésus lui-même. Nous ne pouvons pas garder pour nous la
joie de la foi : pour qu’elle puisse demeurer en nous, nous devons la
transmettre. Saint Jean l’affirme : « Ce
que nous avons vu et entendu nous vous l'annonçons, afin que vous aussi soyez
en communion avec nous [...] Tout ceci nous vous l'écrivons pour que notre joie
soit complète » (1 Jn 1, 3-4).
La Foi, la Charité et l'Espérance, par Julius Schorr von Carolsfeld |
Parfois, une image du
Christianisme est donnée comme une proposition de vie qui opprimerait notre
liberté et irait à l’encontre de notre désir de bonheur et de joie. Mais ceci
n’est pas la vérité ! Les chrétiens sont
des hommes et des femmes vraiment heureux parce qu’ils savent qu’ils ne sont
jamais seuls et qu’ils sont toujours soutenus par les mains de Dieu ! Il
vous appartient, surtout à vous, jeunes disciples du Christ, de montrer au
monde que la foi apporte un bonheur et une joie vraie, pleine et durable. Et
si, parfois, la façon de vivre des chrétiens semble fatiguée et ennuyeuse,
témoignez, vous les premiers, du visage joyeux et heureux de la foi. L’Évangile est la “bonne nouvelle” que Dieu
nous aime et que chacun de nous est important pour lui. Montrez au monde qu’il
en est ainsi !
Soyez donc des
missionnaires enthousiastes de la nouvelle évangélisation ! Allez porter à ceux qui souffrent, à ceux
qui cherchent, la joie que Jésus veut donner. Portez-la dans vos familles, vos
écoles et vos universités, vos lieux de travail et vos groupes d’amis, là où
vous vivez. Vous verrez qu’elle est contagieuse. Et vous recevrez le
centuple : pour vous-même la joie du salut, la joie de voir la Miséricorde
de Dieu à l’œuvre dans les cœurs. Et, au jour de votre rencontre définitive
avec le Seigneur, il pourra vous dire : «Serviteur bon et fidèle, entre dans la joie de ton maître!» (Mt
25, 21)
Que la Vierge Marie vous
accompagne sur ce chemin. Elle a accueilli le Seigneur en elle et elle l’a
annoncé par un chant de louange et de joie, le Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit
tressaille de joie en Dieu mon Sauveur » (Lc 1, 46-47). Marie a pleinement répondu à l’amour de
Dieu par une vie totalement consacrée à lui dans un service humble et total.
Elle est appelée “cause de notre joie”
parce qu’elle nous a donné Jésus. Qu’elle vous introduise à cette joie que nul
ne pourra vous ravir !
Du Vatican, le
15 mars 2012
Benoît XVI, pp
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