La grotte de Lourdes, Notre Dame y accueille tous ceux qui peinent et qui souffrent. |
Le 15 septembre 2008, le pape Benoît XVI a célébré la messe pour les malades en la fête de Notre-Dame des Douleurs. Après l'homélie, le Saint-Père a donné l'onction
des malades rassemblés sur l'esplanade de la basilique Notre-Dame du Rosaire.
Ce sacrement est destiné aux personnes
malades pour les renforcer dans leur fidélité à l'Alliance avec Dieu dans les
souffrances et les difficultés.
Chers frères dans l'Épiscopat et dans le Sacerdoce,
Chers malades, chers
accompagnateurs et hospitaliers,
Chers frères et sœurs !
Nous avons célébré hier la Croix du Christ, l'instrument de notre Salut, qui nous révèle dans toute sa plénitude la miséricorde de notre Dieu. La Croix est en effet le lieu où se manifeste de façon parfaite la compassion de Dieu pour notre monde.
Chemin de Croix, Jésus tombe sous le poids de la Croix et rencontre sa Très Sainte Mère, Notre Dame des douleurs. |
Aujourd'hui, en célébrant la mémoire de Notre-Dame des Douleurs, nous
contemplons Marie qui partage la compassion de son Fils pour les pécheurs.
Comme l'affirme saint Bernard, la Mère
du Christ est entrée dans la Passion de son Fils par sa compassion (cf.
Homélie pour le dimanche dans l'Octave de l'Assomption). Au pied de la
Croix se réalise la prophétie de Syméon : son
cœur de mère est transpercé (cf.
Lc 2, 35) par le supplice infligé à l'Innocent, né de sa chair.
Comme Jésus a pleuré (cf. Jn
11,35), Marie a certainement elle
aussi pleuré devant le corps torturé de son enfant. La discrétion de Marie nous
empêche de mesurer l'abîme de sa douleur ; la profondeur de cette affliction
est seulement suggérée par le symbole traditionnel des sept glaives. Comme
pour son Fils Jésus, il est possible de dire que cette souffrance l'a conduite
elle aussi à sa perfection (cf. Hb
2, 10), pour la rendre capable d'accueillir la nouvelle mission
spirituelle que son Fils lui confie juste avant de « remettre l'esprit » (cf. Jn 19, 30) : devenir la mère du Christ en ses membres.
En cette heure, à travers la figure du disciple bien-aimé, Jésus présente chacun de ses disciples à sa Mère en lui disant : « Voici ton Fils » (cf. Jn 19, 26-27).
Marie est aujourd'hui dans la joie et la gloire de la Résurrection. Les larmes qui étaient les siennes au pied de la Croix se sont transformées en un sourire que rien n’effacera tandis que sa compassion maternelle envers nous demeure intacte. L'intervention secourable de la Vierge Marie au cours de l'histoire l'atteste et ne cesse de susciter à son égard, dans le peuple de Dieu, une confiance inébranlable : la prière du Souvenez-vous exprime très bien ce sentiment. Marie aime chacun de ses enfants, portant d'une façon particulière son attention sur ceux qui, comme son Fils à l'heure de sa Passion, sont en proie à la souffrance ; elle les aime tout simplement parce qu'ils sont ses fils, selon la volonté du Christ sur la Croix.
Icone moderne de l'Anastasis - la Résurrection. Le Christ est adoré par les Anges à la sortie du tombeau. |
Le psalmiste, percevant de loin ce lien maternel qui unit la Mère du Christ et
le peuple croyant, prophétise au sujet de la Vierge Marie que « les plus riches du peuple… quêteront ton
sourire » (Ps 44, 13).
Ainsi, à l'instigation de la Parole inspirée de l'Écriture, les chrétiens
ont-ils depuis toujours quêté le sourire
de Notre Dame, ce sourire que les artistes, au Moyen-âge, ont su si
prodigieusement représenter et mettre en valeur. Ce sourire de Marie est pour tous ; il s'adresse cependant tout
spécialement à ceux qui souffrent afin qu'ils puissent y trouver le réconfort
et l'apaisement. Rechercher le sourire de Marie n'est pas le fait d'un
sentimentalisme dévot ou suranné, mais bien plutôt l'expression juste de la
relation vivante et profondément humaine qui nous lie à celle que le Christ
nous a donnée pour Mère.
Désirer contempler ce sourire de la Vierge, ce n'est pas se laisser mener par une imagination incontrôlée. L'Écriture elle-même nous le dévoile sur les lèvres de Marie lorsqu'elle chante le Magnificat : « Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur » (Lc 1, 46-47). Quand la Vierge Marie rend grâce au Seigneur, elle nous prend à témoin. Marie partage, comme par anticipation, avec ses futurs enfants que nous sommes, la joie qui habite son cœur, pour qu'elle devienne la nôtre.
Marie, Mère de Consolations |
Chaque récitation du Magnificat fait de nous des
témoins de son sourire. Ici à Lourdes, au cours
de l'apparition qui eut lieu le mercredi 3 mars 1858, Bernadette contempla de manière toute particulière ce sourire de Marie.
Celui-ci fut la première réponse que la Belle Dame donna à la jeune voyante qui
voulait connaître son identité. Avant de se présenter à elle, quelques jours
plus tard, comme « l'Immaculée
Conception », Marie lui fit d'abord connaître son sourire, comme étant la
porte d'entrée la plus appropriée à la révélation de son mystère.
Dans le sourire de la plus éminente de toutes les créatures, tournée vers nous,
se reflète notre dignité d'enfants de
Dieu, cette dignité qui n'abandonne jamais celui qui est malade. Ce sourire,
vrai reflet de la tendresse de Dieu, est la source d'une espérance invincible.
Nous le savons malheureusement : la souffrance endurée rompt les équilibres les
mieux assurés d'une vie, ébranle les assises les plus fermes de la confiance et
en vient parfois même à faire désespérer du sens et de la valeur de la vie. Il est des combats que l'homme ne peut
soutenir seul, sans l'aide de la grâce divine. Quand la parole ne sait plus
trouver de mots justes, s'affirme le besoin d'une présence aimante : nous
recherchons alors la proximité non seulement de ceux qui partagent le même sang
ou qui nous sont liés par l'amitié, mais aussi la proximité de ceux qui nous
sont intimes par le lien de la foi.
Qui
pourraient nous être plus intimes que le Christ et sa sainte Mère, l'Immaculée
? Plus que tout autre, ils sont capables de nous comprendre et de saisir la
dureté du combat mené contre le mal et la souffrance. La Lettre aux Hébreux
dit à propos du Christ, qu'il « n'est pas
incapable de partager notre faiblesse ; car en toutes choses, il a connu
l'épreuve comme nous » (cf. Hb
4, 15).
Notre-Dame des Douleurs et de Compassion |
Je souhaiterais dire,
humblement, à ceux qui souffrent et à ceux qui luttent et sont tentés de
tourner le dos à la vie : tournez-vous vers Marie ! Dans le sourire de la
Vierge se trouve mystérieusement cachée la force de poursuivre le combat contre
la maladie et pour la vie. Auprès d'elle se trouve également la grâce
d'accepter, sans crainte ni amertume, de quitter ce monde, à l'heure voulue par
Dieu.
Comme elle était juste l'intuition de cette belle figure spirituelle française, Dom Jean-Baptiste Chautard, qui, dans L'âme de tout apostolat, proposait au chrétien ardent de fréquentes « rencontres de regard avec la Vierge Marie » ! Oui, quêter le sourire de la Vierge Marie n'est pas un pieux enfantillage, c'est l'aspiration, dit le Psaume 44, de ceux qui sont « les plus riches du peuple » (v. 13).
« Les
plus riches », c'est-à-dire dans l'ordre de la foi, ceux qui ont la
maturité spirituelle la plus élevée et savent précisément reconnaître leur
faiblesse et leur pauvreté devant Dieu. En cette manifestation toute simple
de tendresse qu'est un sourire, nous saisissons que notre seule richesse est
l'amour que Dieu nous porte et qui passe par le cœur de celle qui est devenue
notre Mère. Quêter ce sourire, c'est
d'abord cueillir la gratuité de l'amour ; c'est aussi savoir provoquer ce
sourire par notre effort pour vivre selon la Parole de son Fils Bien-aimé, tout
comme un enfant cherche à faire naître le sourire de sa mère en faisant ce qui
lui plaît. Et nous savons ce qui plaît à Marie grâce aux paroles qu'elle
adressa aux serviteurs à Cana : « Faites
tout ce qu'il vous dira » (cf. Jn
2, 5).
Le sourire de Marie est une source d'eau vive. « Celui qui croit en moi, dit Jésus, des fleuves d'eau vive jailliront de son cœur » (Jn 7, 38). Marie est celle qui a cru, et, de son sein, ont jailli des fleuves d'eau vive qui viennent irriguer l'histoire des hommes. La source indiquée, ici, à Lourdes, par Marie à Bernadette est l'humble signe de cette réalité spirituelle. De son cœur de croyante et de mère, jaillit une eau vive qui purifie et qui guérit. En se plongeant dans les piscines de Lourdes, combien n'ont-ils pas découvert et expérimenté la douce maternité de la Vierge Marie, s'attachant à elle pour mieux s'attacher au Seigneur ! Dans la séquence liturgique de cette fête de Notre-Dame des Douleurs, Marie est honorée sous le titre de « Fons amoris », «Source d'amour ». Du cœur de Marie, sourd, en effet, un amour gratuit qui suscite en réponse un amour filial, appelé à s'affiner sans cesse. Comme toute mère et mieux que toute mère, Marie est l'éducatrice de l'amour. C'est pourquoi tant de malades viennent ici, à Lourdes, pour se désaltérer auprès du « Fons amoris » et pour se laisser conduire à l'unique source du salut, son Fils, Jésus le Sauveur.
Sacrement de l'Onction des malades, vitrail. |
Bernadette, elle-même, au cours
d'une existence souvent marquée par la maladie, a reçu ce Sacrement à quatre
reprises. La grâce propre à ce Sacrement consiste à accueillir en soi le Christ médecin. Cependant, le Christ n'est pas
médecin à la manière du monde. Pour nous
guérir, il ne demeure pas extérieur à la souffrance éprouvée ; il la soulage en
venant habiter en celui qui est atteint par la maladie, pour la porter et la
vivre avec lui. La présence du Christ vient rompre l'isolement que provoque la
douleur. L'homme ne porte plus seul son épreuve, mais il est conformé au
Christ qui s'offre au Père, en tant que membre souffrant du Christ, et il
participe, en Lui, à l'enfantement de la nouvelle création.
Sans l'aide du Seigneur, le joug de la maladie et de la souffrance est cruellement pesant. En recevant le Sacrement des malades, nous ne désirons porter d'autre joug que celui du Christ, forts de la promesse qu'il nous a faite que son joug sera facile à porter et son fardeau léger (cf. Mt 11, 30). J'invite les personnes qui recevront l'onction des malades au cours de cette messe à entrer dans une telle espérance.
Porter sa Croix avec le Christ |
Le Concile Vatican II a présenté Marie comme la figure en laquelle est résumé tout le mystère de l'Église (cf. Lumen Gentium n. 63-65). Son histoire personnelle anticipe le chemin de l'Église, qui est invitée à être tout aussi attentive qu'elle aux personnes qui souffrent.
J'adresse un salut affectueux à toutes les personnes, particulièrement
le corps médical et soignant, qui, à divers titres dans les hôpitaux ou dans
d'autres institutions, contribuent aux soins des malades avec compétence et
générosité. Je voudrais également dire à tous les hospitaliers, aux
brancardiers et aux accompagnateurs qui, provenant de tous les diocèses de
France et de plus loin encore, entourent tout au long de l'année les malades
qui viennent en pèlerinage à Lourdes, combien
leur service est précieux. Ils sont les bras de l'Église servante. Je
souhaite enfin encourager ceux qui, au nom de leur foi, accueillent et visitent
les malades, en particulier dans les aumôneries des hôpitaux, dans les
paroisses ou, comme ici, dans les sanctuaires. Puissiez-vous, en étant les
porteurs de la miséricorde de Dieu (cf.
Mt 25, 39-40), toujours ressentir dans cette mission importante et
délicate le soutien effectif et fraternel de vos communautés!
Le service de charité que vous rendez
est un service marial. Marie vous confie son sourire, pour que vous deveniez
vous-mêmes, dans la fidélité à son Fils, source d'eau vive. Ce que vous
faites, vous le faites au nom de l'Église, dont Marie est l'image la plus pure.
Puissiez-vous porter son sourire à tous!
En conclusion, je souhaite m'unir à la prière des pèlerins et des malades et
reprendre avec vous un extrait de la prière à Marie proposée pour la
célébration de ce Jubilé :
« Parce
que tu es le sourire de Dieu, le reflet de la lumière du Christ, la demeure de
l'Esprit Saint, parce que tu as choisi Bernadette dans sa misère, que tu es
l'étoile du matin, la porte du ciel, et la première créature ressuscitée, Notre-Dame
de Lourdes », avec nos frères et sœurs dont le cœur et le corps sont
endoloris, nous te prions !
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