jeudi 1 janvier 2015

360e anniversaire d'Ordination sacerdotale du vénérable abbé Henri Marie Boudon

Ordination, vitrail
Discours au clergé romain, au sujet de la discipline des prêtres, par le Pape Jean-Paul Ier,
le 7 septembre 1978


Il existe une “petite” discipline, celle qui se limite à l’observance purement extérieure et formelle des normes juridiques. Mais je voudrais, par contre, parler de la “grande” discipline. Celle-ci n’existe que si l’observance extérieure est le fruit de convictions profondes et la projection libre et joyeuse d’une vie vécue dans l’intimité avec Dieu. Il s’agit - écrit l’abbé Chautard - de l’activité d’une âme qui réagit continuellement pour dominer ses mauvais penchants et pour acquérir petit à petit l’habitude de juger et de se comporter dans toutes les circonstances de la vie selon les maximes de l’Evangile et les exemples de Jésus. Dominer ses penchants” est une discipline. L’expression “petit à petit” indique que cette discipline demande un effort continu, long, peu aisé. Même les anges que Jacob voyait dans son rêve ne volaient pas, mais ils montaient une marche à la fois : on imagine facilement ce qu’il en sera de nous, pauvres hommes sans ailes.
Bienheureux fra Angelico, ordination de
S. Laurent, diacre
                                                                           
La “grande” discipline exige un climat approprié. Et, avant tout, le recueillement. 
Il m’est arrivé, un jour, de voir à la gare de Milan un porteur, la tête appuyée sur un sac de charbon contre un pilier, et qui dormait béatement... Les trains partaient en sifflant et arrivaient en grinçant sur leurs roues ; les haut-parleurs donnaient continuellement des avis assourdissants ; les voyageurs allaient et venaient avec bruit et tapage, mais lui - tout en dormant - semblait dire : “Faites ce que vous voulez, mais quant à moi j’ai besoin de rester tranquille”. 


Nous devrions, nous prêtres, avoir une conduite semblable. Autour de nous il y a un mouvement continuel et un défilé de gens qui parlent, de journaux, de radio et de télévision. Avec la mesure et la discipline sacerdotale, nous devons dire : “Au-delà de certaines limites, pour moi qui suis prêtre du Seigneur, vous n’existez pas ; je dois me réserver un peu de silence pour mon âme ; je me détache de vous pour m’unir à mon Dieu”.
                                                                                                      
Aujourd'hui, c’est le désir de nombreux et bons fidèles de voir leur prêtre habituellement uni à Dieu. Ils raisonnent comme cet avocat de Lyon, au retour d’une visite au curé d’Ars. “Qu'avez-vous vu à Ars ?” lui demandait-on. Il répondit : “J’ai vu Dieu dans un homme”. 


Saint Grégoire le Grand fait un raisonnement analogue. Il souhaite que le pasteur dialogue avec Dieu sans oublier les hommes et avec les hommes sans oublier Dieu. Et il continue : que le pasteur évite de désirer être aimé des fidèles plutôt que de Dieu ou d’être trop faible par crainte de perdre l’affection des hommes. Qu’il ne s’expose pas au reproche de Dieu : “Malheur à ceux qui disposent des coussins sous tous les coudes” (Ez 13, 18). Le pasteur - dit-il en conclusion - doit, certes, chercher à se faire aimer, mais pour se faire écouter, et ne pas chercher cette affection pour son utilité personnelle. (cf. Regula Pastoralis, 1, II, c. VIII).

Les prêtres, dans une certaine mesure, sont tous des guides et des pasteurs, mais ont-ils tous aussi une juste notion de ce que comporte véritablement le fait d’être pasteur d’une Eglise particulière, c’est-à-dire être évêque ? Jésus, le pasteur suprême a dit de lui-même, d’une part : “Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre” (Mt 28, 18) et d'autre part : “Je suis venu pour servir” (Mt 20, 28) et il a lavé les pieds de ses apôtres. En lui le pouvoir et le service allaient de pair. Il faut dire quelque chose de semblable des apôtres et des évêques. “Praesumus - disait Augustin - si prosumus” (“nous sommes à la tête si nous sommes au service”) ; (Miscellanea Augustiniana, Romae 1930, tome I, p. 565). 

Autel majeur de la Cathédrale de Chartres, pèlerinage de Pentecôte
Nous, évêques, nous présidons si nous servons : notre présidence est justifiée si elle se réalise dans le service et si elle s’exerce dans un but de service, dans l’esprit et le style du service. Ce service épiscopal, cependant, manquerait si l’évêque ne voulait pas exercer les pouvoirs qu'il a reçus. Augustin disait encore : “L’évêque qui ne sert pas le monde (par la prédication, des directives) est seulement un “gardien de paille” (Foenus custos), un épouvantail à moineaux mis dans la vigne pour que les petits oiseaux ne becquettent pas le raisin” (ibidem p. 568). 


C’est pour cela qu’il est écrit dans Lumen Gentium : “Les évêques dirigent... par leurs conseils, leurs encouragements, leurs exemples, mais aussi par leur autorité et par l’exercice du pouvoir sacré...” (Lumen Gentium, nn.27-351). 


Une autre composante de la discipline sacerdotale est d’aimer la place que l’on occupe. Je le sais : il n’est pas facile d’aimer son poste et d’y rester quand les choses ne vont pas bien, quand on a l’impression de ne pas être compris, ou de ne pas être encouragé, quand d’inévitables comparaisons avec la place qui est donnée à d’autres pourraient nous attrister et nous décourager. Mais ne travaillons-nous pas pour le Seigneur ? L’ascèse nous enseigne : ne considère pas celui à qui tu obéis mais Celui pour qui tu obéis. 


(...) D’autre part, Saint François de Sales a écrit : “Il n’y a aucune vocation qui n’ait ses ennuis, ses amertumes, ses dégoûts. Sauf ceux qui sont pleinement résignés à la volonté de Dieu, chacun voudrait échanger sa condition personnelle avec celle des autres. Ceux qui ne sont pas évêques voudraient l’être ; ceux qui sont mariés voudraient ne pas l’être et ceux qui ne le sont pas voudraient l’être. D’où vient donc cette inquiétude générale des esprits, sinon d’une certaine allergie que nous éprouvons pour la contrainte et d’un mauvais esprit qui nous fait supposer que la condition des autres est meilleure que la nôtre ?” (S. François de Sales, Œuvres, édition d'Annecy, tome XII, 348-9). »

Sainte Chapelle de Dole, la divine Hostie adorée par les saints Anges




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