De Sa Sainteté le Pape Pie XI, lettre
apostolique Galliam, Ecclesiae filiam primogenitam
Les Pontifes
romains Nos prédécesseurs ont toujours, au cours, des siècles, comblé des
marques particulières de leur paternelle affection la France,
justement appelée la fille aînée de l’Eglise. Notre prédécesseur de sainte
mémoire le Pape Benoît XV, qui eut profondément à cœur le bien spirituel de la
France, a pensé à donner à cette nation noble entre toutes, un gage spécial de
sa bienveillance.
En effet,
lorsque, récemment, Nos vénérables frères les cardinaux, archevêques et évêques
de France, d’un consentement unanime, lui eurent transmis par Notre vénérable
Frère Stanislas Touchet, évêque d’Orléans, des supplications ardentes et
ferventes pour qu’il daignât proclamer patronne principale de la nation
française la bienheureuse Vierge Marie reçue au ciel, et seconde Patronne
céleste sainte Jeanne, pucelle d’Orléans, Notre prédécesseur fut d’avis de
répondre avec bienveillance à ces pieuses requêtes. Empêché par la mort, il ne
put réaliser le dessein qu’il avait conçu. Mais à Nous, qui venons d’être élevé
par la grâce divine sur la chaire sublime du Prince des apôtres, il Nous est
doux et agréable de remplir le vœu de Notre très regretté prédécesseur et, par
Notre autorité suprême, de décréter ce qui pourra devenir pour la France une
cause de bien, de prospérité et de bonheur.
Il est certain,
selon un ancien adage, que « le royaume de France » a été appelé le
« royaume de Marie », et cela à juste titre. Car, depuis les premiers
siècles de l’Eglise jusqu’à notre temps, Irénée et Eucher de Lyon, Hilaire de
Poitiers, Anselme, qui de France passa en Angleterre comme archevêque, Bernard
de Clairvaux, François de Sales, et nombre d’autres saints docteurs, ont
célébré Marie et, ont contribué à promouvoir et à amplifier à travers la France
le culte de la Vierge Mère de Dieu. A Paris, dans la très célèbre Université de
Sorbonne, il est historiquement prouvé que dès le XIIIe siècle la
Vierge a été proclamée conçue sans péché.
Même les
monuments sacrés attestent d’éclatante manière l’antique dévotion du peuple à
l’égard de la Vierge : trente-quatre églises cathédrales jouissent du
titre de la Vierge Mère de Dieu ; parmi lesquelles on aime à rappeler
comme les plus célèbres celles qui s’élèvent à Reims, à Paris, à Amiens, à
Chartres, à Coutances et à Rouen (NB. Que le Seigneur pardonne au Pontife suprême d'avoir oublier Evreux). L’immense affluence des fidèles accourant de
loin chaque année, même de notre temps, aux sanctuaires de Marie, montre
clairement ce que peut dans le peuple la piété envers la Mère de Dieu, et
plusieurs fois par an la basilique de Lourdes, si vaste qu’elle soit, parait incapable
de contenir les foules innombrables de pèlerins.
La Vierge Mère
en personne, trésorière auprès de Dieu de toutes les grâces, a semblé, par des
apparitions répétées, approuver et confirmer la dévotion du peuple français.
Bien plus, les
principaux et les chefs de la nation se sont fait gloire longtemps d’affirmer
et de défendre cette dévotion envers la Vierge. Converti à la vraie foi du
Christ, Clovis s’empresse, sur les ruines d’un temple druidique, de poser les
fondements de l’église Notre-Dame, qu’acheva son fils Childebert. Plusieurs
temples sont dédiés à Marie par Charlemagne. Les ducs de Normandie proclament
Marie Reine de la nation. Le roi saint Louis récite dévotement chaque jour
l’office de la Vierge. Louis XI, pour l’accomplissement d’un vœu, édifie à
Cléry un temple à Notre-Dame. Enfin Louis XIII consacre le royaume de
France à Marie et ordonne que chaque année, en la fête de l’Assomption de la
Vierge, on célèbre dans tous les diocèses de France de solennelles
fonctions ; et ces pompes solennelles, Nous n’ignorons pas qu’elles
continuent de se dérouler chaque année.
En ce qui
concerne la Pucelle d’Orléans, que Notre prédécesseur a élevée aux
suprêmes honneurs des saints, personne ne peut mettre en doute que ce soit sous
les auspices de la Vierge qu’elle ait reçu et remplit mission de sauver la
France. Car d’abord, c’est sous le patronage de Notre-Dame de Bermont, puis
sous celui de la Vierge d’Orléans, enfin de la Vierge de Reims, qu’elle
entreprit d’un cœur viril, une si grande œuvre, qu’elle demeura sans peur en
face des épées dégainées et sans tache au milieu de la licence des camps,
qu’elle délivra sa patrie du suprême péril et rétablit le sort de la
France. C’est après en avoir reçu le conseil de ses voix célestes qu’elle
ajouta sur son glorieux étendard le nom de Marie à celui de Jésus, vrai Roi de
France. Montée sur le bûcher, c’est en murmurant au milieu des flammes, en un
cri suprême, les noms de Jésus et de Marie, qu’elle s’envola au ciel. Ayant
donc éprouvé le secours évident de la Pucelle d’Orléans, que la France reçoive
la faveur de cette seconde patronne céleste : c’est ce que réclament le
clergé et le peuple, ce qui fut déjà agréable à Notre prédécesseur et qui Nous
plaît à Nous-même.
C’est pourquoi,
après avoir pris les conseils de Nos vénérables Frères les cardinaux de la
sainte Eglise romaine préposés aux Rites, motu proprio, de science
certaine et après mûre délibération, dans la plénitude de Notre pouvoir
apostolique, par la force des présentes et à perpétuité, Nous déclarons et
confirmons que la Vierge Marie Mère de Dieu, sous le titre de son
Assomption dans le ciel, a été régulièrement choisie comme principale patronne
de toute la France auprès de Dieu, avec tous les privilèges et les honneurs que
comportent ce noble titre et cette dignité.
Sainte Jeanne d'Arc, par Hermann Anton Stilke, 1843 |
De plus,
écoutant les vœux pressants des évêques, du clergé et des fidèles des diocèses
et des missions de la France, Nous déclarons avec la plus grande joie et
établissons Pucelle d’Orléans admirée et vénérée spécialement par tous les catholiques
de France comme l’héroïne de la patrie, sainte Jeanne d’Arc, vierge, patronne
secondaire de la France, choisie par le plein suffrage du peuple, et cela
encore d’après Notre suprême autorité apostolique, concédant également tous les
honneurs et privilèges que comporte selon le droit ce titre de seconde
patronne.
En conséquence,
Nous prions Dieu, auteur de tous les biens, que, par l’intercession de ces deux
célestes patronnes, la Mère de Dieu élevée au ciel et sainte Jeanne d’Arc,
vierge, ainsi que des autres saints patrons des lieux et titulaires des
églises, tant des diocèses que des missions, la France catholique, ses
espérances tendues vers la vraie liberté et son antique dignité, soit vraiment
la fille première-née de l’Eglise romaine ; qu’elle échauffe, garde,
développe par la pensée, l’action, l’amour, ses antiques et glorieuses
traditions pour le bien de la religion et de la patrie.
Nous concédons
ces privilèges, décidant que les présentes Lettres soient et demeurent toujours
fermes, valides et efficaces, qu’elles obtiennent et gardent leurs effets
pleins et entiers, qu’elles soient, maintenant et dans l’avenir, pour toute la
nation française le gage le plus large des secours célestes, qu’ainsi il en
faut juger définitivement, et que soit tenu pour vain dès maintenant et de nul
effet pour l’avenir tout ce qui porterait atteinte à ces décisions, du fait de
quelque autorité que ce soit, sciemment ou inconsciemment. Nonobstant toutes
choses contraires.
Donné à Rome,
près de Saint-Pierre, sous l’anneau du Pêcheur, le 2 du mois de mars de l’année
1922, la première de Notre pontificat.
P. cardinal Gasparri, secrétaire d’Etat.
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