Saint Martin, priez pour la France et l'Europe ! |
Extraits de la lettre encyclique « Ad beatissimi Apostolorum
Principis », de Sa Sainteté le Pape Benoît XV
Vénérables Frères, Salut et Bénédiction
Apostolique ;
A peine fûmes-Nous appelés par les secrets desseins de la Providence, sans aucun mérite de Notre part, à Nous asseoir sur le Siège du bienheureux Prince des Apôtres, que ~ Nous tournâmes Nos regards, avec une souveraine affection, vers le troupeau confié à nos soins, troupeau immense en vérité, puisqu’il embrasse, sous un aspect ou sous un autre, l’universalité des hommes.
Tous tant qu’ils sont, en effet, ils ont
été rachetés de la servitude du péché par Jésus-Christ, qui a offert pour eux
le prix de son sang, et il n’en est aucun qui soit exclu des bienfaits de cette
rédemption. C’est pourquoi le divin Pasteur a
pu dire de tout le genre humain, que pour une part Il le garde déjà enfermé
dans l’enceinte de son Eglise, et que l’autre se verra forcée d’y entrer par
les douces contraintes de son amour ~. Aussi, Nous ne vous le cacherons pas, vénérables
Frères, le premier sentiment que Nous avons éprouvé, sous l’impulsion évidente
de la divine bonté, a été un mouvement irrésistible d’amour et de zèle pour
travailler au salut de tous les hommes, si bien qu’en acceptant la charge du
Souverain Pontificat Nous faisions Nôtre le vœu exprimé par le Sauveur, à la
veille de sa passion ~.
"En détruisant les temples de Dieu, vous provoquez la colère divine, devant laquelle les armées les plus puissantes perdent tout pouvoir" |
Or, dès que
Nous eûmes, du sommet de la dignité Apostolique, embrassé d’un regard le cours
des choses humaines, Nous fûmes saisis d’une
vive douleur, en contemplant les déplorables conditions de la société civile.
Comment, en effet, étant devenu le Père
commun de tous les hommes, n’aurions-Nous pas eu le cœur violemment déchiré au
spectacle que présente l’Europe et même le monde entier, spectacle
assurément le plus affreux et le plus désolant qui se soit jamais vu de mémoire
d’homme ? ~ De tous côtés domine la
triste image de la guerre, et il n’y a pour ainsi dire pas d’autre pensée, qui
occupe les esprits. Des nations - les plus puissantes et les plus considérables
- sont aux prises: faut-il s’étonner si, munis d’engins épouvantables, dus
aux derniers progrès de l’art militaire, elles visent pour ainsi dire à s’entre-détruire
avec des raffinements de barbarie ? Plus
de limites aux ruines et au carnage: chaque jour la terre, inondée par de nouveaux ruisseaux de sang, se couvre de morts
et de blessés.
A voir ces
peuples armés les uns contre les autres, se
douterait-on qu’ils descendent d’un même Père, qu’ils ont la même nature et
font partie de la même société humaine ? Les reconnaîtrait-on pour les
fils d’un même Père qui est aux Cieux ? Et tandis que des armées immenses
se battent avec acharnement, la souffrance et la douleur, tristes compagnes de
la guerre, s’abattent sur les Etats, sur les familles et sur les individus: chaque jour voit s’augmenter outre mesure
le nombre des veuves et des orphelins; le commerce languit, faute de
communications; les champs sont abandonnés, l’industrie est réduite au silence;
les riches sont dans la gêne, les pauvres dans la misère, tous dans le deuil.
~ Nous avons donc adressé d’instantes prières
aux Princes et aux gouvernants, afin que, considérant combien de larmes et
de sang la guerre a déjà fait répandre, ils se hâtent de rendre à leurs peuples
les précieux avantages de la paix. Daigne
le Dieu des miséricordes faire en sorte, que résonnent, à l’aube de Notre
Pontificat, comme à la naissance du divin Rédempteur, dont Nous sommes le
Vicaire, les paroles du concert angélique: Paix sur la terre aux hommes
de sa bonne volonté.
Puissions-Nous être entendus par ceux qui ont en mains les destinées
des peuples ! Il y a, sans nul
doute, d’autres voies, d’autres moyens, qui permettraient de réparer les
droits, s’il y en a eu de lésés. Qu’ils y recourent, en suspendant leurs
hostilités, animés de droiture et de bonne volonté. C’est Notre amour pour eux
et pour toutes les nations, qui Nous fait parler ainsi, nullement Notre propre
intérêt. Qu’ils ne laissent pas tomber
dans le vide cette prière d’un Père et d’un ami.
Mais ce n’est
pas seulement la guerre actuelle avec ses horreurs, qui est la cause du malheur des peuples, et qui provoque Nos anxiétés et Nos
alarmes. Il y a un autre mal, inhérent aux entrailles mêmes de la société
humaine, un mal funeste, qui épouvante
toutes les personnes sensées, car, en outre des ravages qu’il a déjà produits
et qu’il produira encore dans les différents Etats, on peut le considérer à bon
droit comme la véritable cause de la terrible guerre présente. En effet, depuis que les préceptes et les règles de
la sagesse chrétienne, condition indispensable de la stabilité et de la
tranquillité publiques, ont cessé de
présider au gouvernement des Etats, ceux-ci ont commencé, par une conséquence
nécessaire, à chanceler sur leurs bases, et il s’en est suivi dans les
idées et dans les mœurs une telle perturbation, que la société humaine court à sa ruine, si Dieu ne se hâte de lui venir
en aide.
Voici en effet
ce que Nous voyons : absence de
bienveillance mutuelle dans les rapports des hommes entre eux; mépris de l’autorité; luttes injustes
des différentes classes de citoyens; appétit
désordonné des biens périssables, comme s’il n’y en avait pas d’autres,
supérieurs de beaucoup, proposés à l’activité humaine. Tels sont, à Notre avis,
les quatre chefs de désordre, d’où
proviennent les perturbations si graves de la société, et contre lesquels
doivent se réunir tous les efforts, par le recours aux principes du
christianisme, si l’on veut sérieusement ramener dans les Etats l’ordre et la
paix.
Et d’abord,
lorsqu’Il descendit du ciel précisément pour rétablir parmi les hommes le règne de cette paix, détruite par la
jalousie de Satan, Notre-Seigneur Jésus-Christ ne voulut pas d’autre fondement
pour cette restauration que celui de
la charité. De là ces recommandations si souvent répétées ~ que d’amener les
hommes à s’aimer les uns les autres.
~ Jamais
peut-être, plus que maintenant, on n’a parlé de fraternité humaine: on n’hésite même pas à laisser de côté les
enseignements de l’Evangile, l’œuvre de Jésus-Christ et de l’Eglise, et à
prétendre, quand même, que ce zèle pour la fraternité est un des fruits les
plus précieux de la civilisation moderne. Cependant, à dire vrai, jamais la
fraternité n’a été moins pratiquée que de nos jours. Les haines de race sont portées au paroxysme; les peuples sont divisés par leurs rancunes encore plus que par
leurs frontières; au sein d’une même nation et dans les murs d’une même cité, les différentes classes de citoyens se
jalousent mutuellement, et chez les individus tout est réglé par l’égoïsme devenu la loi suprême.
~ Du jour en effet où on a voulu placer l’origine
de tout pouvoir humain, non plus en Dieu Créateur et Maître de l’Univers, mais
dans la libre volonté de l’homme, les liens de subordination qui doivent
rattacher les inférieurs aux supérieurs se sont affaiblis au point de
disparaître ou peu s’en faut.
~ Quiconque par
conséquent est dépositaire du pouvoir parmi les hommes, qu’il soit souverain ou subordonné, c’est en Dieu que réside l’origine
de son autorité.
~ Avis aux Princes et aux gouvernants : qu’ils
se souviennent, et qu’ils voient s’il est prudent et d’une utilité pratique,
tant pour les pouvoirs publics que pour les Etats, de se séparer de la religion
sainte de Jésus-Christ, en qui leur puissance puise tant de force et de solidité.
Qu’ils fassent réflexion sur réflexion, et qu’ils considèrent s’il est conforme
à une sage politique de vouloir exclure la doctrine de l’Evangile et de l’Eglise
du gouvernement et de l’instruction publique de la jeunesse. L’expérience ne l’a que trop démontré: l’autorité
des hommes est sans force, là où la religion est absente. Il en est en
effet des sociétés comme de notre premier père, une fois qu’il eut manqué a son
devoir.
A peine sa volonté s’était-elle séparée de
Dieu, que ses passions répudièrent avec frénésie l’empire de la volonté; de
même, à peine les gouvernements ont-ils méprisé l’autorité divine, que les
peuples se moquent à leur tour de l’autorité humaine. Il reste sans doute l’expédient
accoutumé, l’emploi de la force, pour réprimer les révoltes; mais avec quel
profit ? La force peut réprimer les corps, mais non les âmes.
~ Quelle est
cette racine maudite, l’Apôtre nous l’enseigne: la racine de tout mal
est la cupidité. Et de
fait, si l’on y réfléchit, c’est à cette
racine que se rattachent les maladies qui travaillent la société présente.
Une fois en effet que par l’action des
mauvaises écoles sur l’âme des petits enfants, malléables comme la cire; par la perversité des écrivains, qui
journellement ou par intervalles corrompent l’esprit des foules inexpérimentées,
et par tous les autres moyens employés
pour former l’opinion publique, une fois, disons-Nous, qu’on a fait pénétrer dans les esprits cette erreur souverainement
pernicieuse, que l’homme n’a pas à espérer en un état de félicité éternelle; qu’ici-bas,
oui, ici-bas, il peut être heureux en jouissant des richesses, des honneurs,
des plaisirs de cette vie; comment s’étonner si ces êtres humains,
naturellement faits pour le bonheur, violemment attirés, comme ils le sont,
vers ces biens passagers, repoussent avec non moins d’énergie tout obstacle,
qui en retarde ou en empêche la conquête ?
Eglise de Lunéville, vitrail |
~ Et
maintenant, vénérables Frères, en terminant ces Lettres, Notre esprit se
reporte spontanément vers ce que Nous écrivions au début; et, de nouveau, Nous appelons de tous nos vœux, en faveur
de la société humaine et en faveur de l’Eglise, la fin de cette guerre si
désastreuse; en faveur de la société humaine, afin qu’une fois la paix rétablie, elle progresse vraiment dans toute
culture civile et humaine; en faveur l’Eglise de Jésus-Christ, pour que,
libre enfin de toute entrave, elle aille sur tous les rivages et en toutes les
parties du monde apporter aux hommes le secours et le salut. Hélas ! depuis
trop longtemps déjà l’Eglise ne jouit plus de la pleine liberté qui lui est
nécessaire.
~ Que la bienheureuse Vierge Nous soit propice,
Elle qui a engendré le "Prince de la Paix", et qu’Elle prenne sous sa
protection maternelle Notre humble personne, Notre ministère pontifical, la
sainte Eglise et les âmes de tous les hommes, rachetées par le sang précieux de
son divin Fils.
~ Donné à Rome, près saint-Pierre, en la fête
de Tous les Saints, ce 1er Novembre 1914, de Notre Pontificat la première
année.
Benoît XV, pp.
Portons avec fierté les bleuets de France, pour honorer la mémoire de tous ceux qui ont donné et donnent leur vie pour la paix de notre pays. |
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