Chers pèlerins,
« Votre descendance sera célèbre
parmi les nations, …elle sera la descendance bénie par le Seigneur » (Is 61,
9). C’est ainsi que débutait la première lecture de cette Eucharistie, dont les
paroles trouvent un admirable accomplissement dans cette assemblée recueillie
avec dévotion aux pieds de la Vierge de Fatima.
Chers frères et
sœurs bien-aimés, moi aussi je suis venu en tant que pèlerin à Fatima, en cette
‘maison’ que Marie a choisie pour nous parler en nos temps modernes. Je suis venu
à Fatima pour jouir de la présence de Marie et de sa protection maternelle. Je
suis venu à Fatima, parce que vers ce lieu converge aujourd’hui l’Église
pérégrinante, voulue par son Fils comme instrument d’évangélisation et
sacrement du salut. Je suis venu à
Fatima pour prier, avec Marie et avec de nombreux pèlerins, pour notre humanité
affligée par des détresses et des souffrances. Enfin, je suis venu à
Fatima, avec les mêmes sentiments que ceux des Bienheureux François et Jacinthe
et de la Servante de Dieu Lucie, pour
confier à la Vierge la confession intime que ‘j’aime’ Jésus, que l’Église, que
les prêtres ‘l’aiment’ et désirent garder les yeux fixés sur Lui, alors que
s’achève cette Année sacerdotale,
et pour confier à la protection maternelle de Marie les prêtres, les personnes
consacrées, les missionnaires et tous ceux qui œuvrent pour rendre la Maison de
Dieu accueillante et bienfaisante.
Ils sont la descendance que le Seigneur a bénie… ~ De cœur, j’embrasse tous les diocèses du Portugal, ici représentés par
leurs Évêques, et je confie au Ciel tous les peuples et toutes les nations de
la terre. Je confie à Dieu, dans mon cœur, tous leurs fils et filles, en
particulier ceux qui vivent dans l’épreuve ou qui sont abandonnées, avec le
désir de leur transmettre cette grande espérance qui brûle en mon cœur et qui,
ici à Fatima, se laisse accueillir de façon plus palpable. Que notre grande
espérance plonge des racines profondes dans la vie de chacun de vous, chers
pèlerins qui êtes ici présents, ainsi que dans la vie de tous ceux qui nous
sont unis à travers les moyens de communication sociale.
Oui ! Le
Seigneur, notre grande espérance, est avec nous ; dans son amour
miséricordieux, il offre un avenir à son peuple : un avenir de
communion avec Lui. Ayant expérimenté la miséricorde et la consolation de Dieu
qui ne l’avait pas abandonné sur le pénible chemin de retour de l’exil à Babylone,
le peuple de Dieu s’exclame : « Je
tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu » (Is 61,
10). Fille éminente de ce peuple,
revêtue de grâce et doucement étonnée par la gestation du Fils de Dieu qui
s’accomplissait en son sein, la Vierge Mère de Nazareth fait également sienne
cette joie et cette espérance dans le cantique du Magnificat : « Mon esprit exulte en Dieu, mon Sauveur ». Toutefois, elle ne se
regardait pas comme une privilégiée au milieu d’un peuple stérile, au
contraire, elle prophétisait pour lui les douces joies d’une prodigieuse
maternité du Fils de Dieu, parce que « son
amour s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent » (Lc 1,
47. 50).
Ce lieu béni en est la preuve. Dans sept ans, vous reviendrez ici pour célébrer le centenaire de la première
visite faite par la Dame « venue du Ciel », comme une maîtresse qui introduit
les petits voyants dans la connaissance profonde de l’Amour trinitaire et les
conduit à goûter Dieu lui-même comme la réalité la plus belle de
l’existence humaine.
Une expérience de grâce qui les a fait devenir amoureux de Dieu en
Jésus, au point que Jacinthe s’exclamait : « J’aime tellement dire à Jésus que
je L’aime ! Quand je le Lui dit de nombreuses fois, il me semble avoir un feu
dans le cœur, mais qui ne me brûle pas ».
Et François disait : « Ce que j’ai aimé par-dessus tout, fut de
voir Notre Seigneur dans cette lumière que Notre Mère nous a mise dans le cœur.
J’aime tant Dieu ! » (Mémoires de Sœur Lucie, I, p.42 et
p.126).
Frères, en entendant ces innocentes et profondes confidences mystiques
des petits bergers, certains pourraient
les regarder avec un peu d’envie parce que eux ils ont vu, ou bien avec la
résignation amère de celui qui n’a pas eu la même chance mais qui insiste parce
qu’il veut voir. À ces personnes, le Pape dit comme Jésus : « N’êtes-vous
pas dans l’erreur, en méconnaissant les Écritures, et la puissance de
Dieu ? » (Mc 12, 24). Les Écritures nous invitent à
croire : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,
29), mais Dieu – plus intime à moi que je le suis à moi-même (cf. Saint Augustin, Confessions, III, 6, 11)
– a le pouvoir d’arriver jusqu’à nous, en particulier à travers nos sens
intérieurs, de sorte que l’âme reçoive
le toucher suave d’une réalité qui se trouve au-delà du sensible et qui la
rende capable de rejoindre le non-sensible, ce qui est imperceptible aux
sens. Pour cela, il est besoin d’une vigilance du cœur que, la plupart du
temps, nous n’avons pas en raison de la forte pression de la réalité
extérieure, des images et des préoccupations qui emplissent l’âme (cf. Commentaire
théologique du Message
de Fatima, 2000). Oui ! Dieu peut nous
rejoindre, en s’offrant à notre vision intérieure.
Qui plus est, cette Lumière dans
l’âme des jeunes bergers, qui provient de l’éternité de Dieu, est la même qui
s’est manifestée à la plénitude des temps et qui est venue pour tous : le Fils
de Dieu fait homme. Qu’Il ait le pouvoir d’enflammer les cœurs les plus
froids et les plus tristes, nous le voyons avec les disciples d’Emmaüs (cf. Lc 24,
32). C’est pourquoi notre espérance a un
fondement réel, elle s’appuie sur un événement qui prend sa place dans
l’histoire et en même temps la dépasse : c’est Jésus de Nazareth.
L’enthousiasme suscité par sa sagesse et par sa puissance salvifique auprès des
gens de l’époque était tel qu’une femme au milieu de la foule – comme nous
l’avons entendu dans l’Évangile – s’exclama pour dire : « Heureuse la mère qui t’a porté dans ses
entrailles, et qui t’a nourri de son lait ! ». Cependant, Jésus répond : « Heureux plutôt ceux qui entendent la parole
de Dieu, et qui la gardent ! » (Lc 11, 27. 28).
Mais qui a le
temps d’écouter sa parole et de se laisser séduire par son amour ?
Qui veille,
dans la nuit du doute ou de l’incertitude, avec le cœur éveillé en prière ?
Qui attend
l’aube du jour nouveau, tenant allumée la flamme de la foi ?
La foi en Dieu
ouvre à l’homme l’horizon d’une espérance certaine qui ne déçoit
pas ; elle indique un fondement solide sur lequel appuyer, sans peur, toute son
existence ; elle requiert l’abandon,
plein de confiance, entre les mains de l’Amour qui soutient le monde.
« Votre descendance sera célèbre
parmi les nations, …elle sera la descendance bénie par le Seigneur » (Is 61,
9) avec une espérance inébranlable et qui fructifie en un amour qui se sacrifie
pour les autres et qui ne sacrifie pas les autres ; au contraire – comme nous
l’avons entendu dans la deuxième lecture – qui « supporte tout, fait confiance en tout, espère tout, endure tout » (1 Co 13, 7). De cela, les petits bergers sont un exemple et nous stimulent, eux qui ont fait de leur
vie une offrande à Dieu et l’ont partagée avec les autres par amour de Dieu.
La Vierge les a aidés à ouvrir leur cœur à l’universalité de l’amour.
La Bienheureuse Jacinthe, notamment, se montrait infatigable dans le partage avec les pauvres et dans le
sacrifice pour la conversion des pécheurs. Ce n’est qu’avec cet amour de
fraternité et de partage, que nous réussirons à bâtir la civilisation de
l’Amour et de la Paix.
Celui qui penserait que la mission prophétique de Fatima est achevée se
tromperait. Revit ici ce dessein de Dieu qui interpelle l’humanité depuis ses
origines : « Où est ton frère Abel ? …La
voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi ! » (Gn 4,
9). L’homme a pu déclencher un cycle de mort et de terreur, mais il ne réussit
pas l’interrompre… Dans l’Écriture Sainte, il apparaît fréquemment que Dieu est
à la recherche des justes pour sauver la cité des hommes et il en est de même
ici, à Fatima, quand Notre Dame demande : « Voulez-vous vous offrir à Dieu
pour prendre sur vous toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer, en
réparation des péchés par lesquels il est offensé, et en intercession pour la
conversion des pécheurs ? » (Mémoires de Sœur Lucie, I,
p.162).
À la famille
humaine prête à sacrifier ses liens les plus saints sur l’autel de l’égoïsme
mesquin de la nation, de la race, de l’idéologie, du groupe, de l’individu,
notre Mère bénie est venue du Ciel pour mettre dans le cœur de ceux qui se
recommandent à Elle, l’amour de Dieu qui brûle dans le sien.
À cette époque,
ils n’étaient que trois ; leur exemple de vie s’est diffusé et multiplié en
d’innombrables groupes sur la surface de la terre, en particulier au passage
des Vierges pèlerines, qui se sont consacrés à la cause de la
solidarité fraternelle. Puissent ces sept années qui nous séparent du
centenaire des Apparitions hâter le
triomphe annoncé du Cœur Immaculée de Marie à la gloire de la Très Sainte Trinité.
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