L'Assomption, par Guillaume Courtois |
Du
saint esclavage de la Mère de Dieu
ORAISON
POUR S’OFFRIR À LA TRÈS SAINTE VIERGE,
EN
QUALITÉ D’ESCLAVE
Très-sainte
et suradorable Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit, Dieu d’infinie majesté,
devant qui les cieux et la terre, tous les anges et les hommes, et la très
sacrée Vierge même ne sont qu’un pur néant, abîmé devant vos divines grandeurs,
je reconnais que je ne suis rien et que
je ne puis rien, non pas même dire une seule parole chrétiennement, ni avoir la
moindre bonne pensée pour l’éternité. Pénétré de cette vérité, je mets
toute ma confiance en votre seule vertu, et je n’espère qu’en vos amoureuses bontés.
Je
confesse que je suis un serviteur
inutile, un pauvre pécheur, qui ne suis digne que de l’enfer, qui ne mérite que
votre colère, et à qui rien autre chose n’appartient que la damnation
éternelle.
Je
confesse que mes péchés me rendent indigne entièrement de vos miséricordes, que
j’implore, ô Père éternel, avec les secours de votre grâce, par les mérites des
souffrances et de la mort adorable de Jésus-Christ Notre-Seigneur, votre Fils
bien-aimé, mon très débonnaire sauveur et toute mon espérance.
Appuyé
sur sa divine grâce je déteste et ai en horreur, en général et en particulier,
tous les péchés que j’ai commis depuis l’usage de raison jusqu’à présent, parce
qu’ils vous déplaisent et parce qu’ils vous offensent ; ni la crainte de l’enfer,
ô mon Dieu ! ni la peur de perdre le paradis ne sont pas les motifs de ma
douleur ; ce n’est pas aussi seulement à raison de tant de bontés que vous
avez eues pour moi, de tant de miséricordes et de grâces, et tant de dons que
vous nous avez communiqués si libéralement, que je regrette mes péchés : je les ai en horreur, mon Dieu, à raison de
ce que vous êtes ; je désire que mon âme en ait toute la douleur possible,
parce qu’ils sont contre vous. Je veux, selon vos ordres, m’en confesser de
tous au prêtre votre ministre, comme vous l’avez commandé, et à l’avenir,
avec le secours de votre grâce, j’aimerais mieux mourir que de vous offenser,
faisant une ferme résolution
non-seulement d’éviter le péché, mais toutes les occasions prochaines du péché,
et désirant sérieusement satisfaire pour tous les péchés que j’ai commis contre
la justice en la manière que vos serviteurs l’ordonneront.
Ensuite,
ô mon Seigneur, mon cœur dit en votre divine présence, et sous la protection de
votre puissante main, qu’il veut dès à présent commencer une nouvelle vie, ne
vivant plus, ô adorable Jésus, mon Sauveur, qu’en vous, de vous, par vous et
pour vous. Tout ce qui me reste donc à faire durant toute ma vie est de vous
plaire, d’exécuter vos ordres et suivre fidèlement vos divines volontés. Je
vois bien que c’est là la grande affaire, l’affaire des affaires, et l’unique
affaire que nous ayons au monde.
Ah !
Il est vrai, mon souverain Seigneur ! Je n’y suis ni pour moi, ni pour
aucune créature ; hélas ! Nos pauvres cœurs le ressentent bien, ne
pouvant trouver de véritable repos en aucune chose créée, n’y ayant que vous
seul qui en soyez le centre et la fin, aussi bien que le principe. Ô mon âme ! Que tard nous avons bien
connu cette vérité ! Nous laissant aller à tant d’égarements dans la
multitude des créatures et des choses du monde que nous recherchions. Ô mon Dieu ! Aujourd’hui je renonce
par une résolution irrévocable à tout ce qui n’est pas vous ; je n’ai
plus d’autre dessein ni d’autre volonté que de vous chercher et votre gloire en
tout ce que je penserai, dirai, ferai ou souffrirai.
C’est vous seul que je veux aimer dans
toutes les amitiés ; c’est votre divin intérêt que je prétends dans les
biens que je puis avoir ; c’est votre ordre que je veux exécuter dans l’état
où je suis, dans la vocation où vous m’avez appelé, ne m’y regardant que comme votre
créature, pour y agir conformément à votre très sainte volonté, laissant là
toutes les considérations de la terre et de la nature, de famille, de proches,
d’amis, tous les respects humains, toutes les vues intéressées, soit du bien,
soit du plaisir, soit de l’honneur, ne voulant purement dans le bien, le
plaisir ou l’honneur de ce monde que le bien de votre gloire, que votre bon
plaisir, que votre honneur.
Tous les jours donc, ô mon
Dieu ! à mon réveil je considérai ces vérités et ne vous
offrirai pas seulement toutes mes actions de bouche, mais bien plus de cœur, tâchant de porter ces dispositions par
état, de n’avoir point dans le fond de mon âme d’autres desseins. Je me lèverai
donc dans la vue et la résolution de vous servir dans toutes mes actions ;
ce sera pour vous que je serai occupé selon ma vocation, que je converserai
avec les créatures, que je ferai affaire avec elles, que je prendrai des
desseins, que j’entreprendrai les choses ; toutes mes paroles n’auront
point d’autre fin que vous ; je
mangerai, je me récréerai, je travaillerai, je marcherai, je dormirai, je m’arrêterai
en un lieu où je ferai des voyages, tout cela uniquement pour vous ;
et afin qu’en vérité je puisse dire que ces choses n’ont point d’autre fin que
votre gloire, je prendrai garde de ne rien faire qui vous y déplaise et
tâcherai de les faire comme vous le voulez, et en la manière que vous le
désirez, sans empressement, sans inquiétude, sans chagrin, pour la nécessité et
dans une juste modération chrétienne ; et puisque ce n’est que votre
volonté que je veux, je me mets dans une
entière indifférence pour recevoir tout ce qu’il vous plaira m’envoyer, soit
pauvreté, perte de biens, de réputation, délaissement de mes amis, privation
des personnes les plus chères, mépris, confusions, maladies, peines d’esprit, m’abandonnant
sans réserve à tout ce que vous voudrez ; puisque ce n’est pas moi que
je cherche, puisque je ne dois vivre ni pour moi ni pour aucune créature, il me
doit bien suffire que votre volonté s’accomplisse et tout le reste me doit être
indifférent, puisque vous êtes ma fin, nécessairement il faut aller à
vous : les uns y vont par une voie et les autres par une autre, ce n’est
pas à nous d’ordonner des moyens qui nous conduisent à notre fin ; ce que
nous avons à faire est de nous tenir dans la voie où notre bon Maitre et
Seigneur nous met : quelque pénible qu’elle soit, c’est toujours pour nous
la meilleure ; que les autres aillent par des chemins plus doux, pour nous
tout notre contentement doit être de nous contenter de votre bon plaisir, ô
divin Créateur du ciel et de la terre !
Mais parce que votre bon plaisir a été de
vous donner à nous par la très sainte Vierge, et que vous voulez que nous nous
donnions à vous par cette glorieuse Princesse, et que, dans cette vue, vous l’avez choisie pour
votre très sainte mère, et avez bien voulu vous assujettir à elle et lui obéir
par une humilité infiniment étonnante, en l’honneur de cette admirable
dépendance, aujourd’hui, en présence de toute la cour céleste, je la prends et choisis pour ma très bonne
et très chère mère, pour ma très sainte patronne, pour ma fidèle avocate, pour
ma chère maîtresse, pour ma souveraine et ma reine, m’engageant à être le reste
de ma vie son vassal et son esclave.
Grande reine, prosterné donc à vos pieds, avec tous les respects et tous les
sentiments les plus tendres dont mon cœur est capable, je vous consacre ma liberté et vous cède tout le droit que j’ai sur
moi-même et sur toutes mes actions, vous en laissant la disposition entière,
au moins autant que je le puis selon les ordres de votre Fils bien-aimé, et
conformément à mon état et vocation, pour l’appliquer à qui bon vous semblera,
me l’ôtant quand il vous plaira, selon votre bon plaisir et durant ma vie et
après ma mort.
Ô
mon âme ! Que nous sommes heureux d’être entièrement de la sorte à la
divine Marie ! Ne nous regardons donc plus jamais que comme une chose qui
lui est entièrement dévouée et consacrée, comme une chose qui lui appartient et
qui est entièrement à elle. Non, nous ne
sommes plus à nous, nous ne sommes plus à aucune créature du monde ;
il ne faut donc plus vivre que pour son service et n’entreprendre jamais rien
qu’avec sa dépendance.
Ô mon saint ange ! Assistez-moi dans
une si sainte résolution ! Esprits célestes de tous les neuf chœurs des
anges ! Esprits si aimants et si aimables ! Aidez-moi à
aimer ma divine Princesse,
offrez-lui le don que je lui fais de ce que je suis et de tout ce qui m’appartient.
Glorieux saints et saintes, et particulièrement mes patrons et patronnes, bienheureux saint Joseph, aimable saint
Jean l’évangéliste, vous tous qui avez excellé spécialement dans l’amour et
la dévotion de ma grande reine, obtenez-moi quelque part au zèle fervent et à
la fidélité inviolable que vous lui avez gardée, pour l’honneur et la gloire de
Jésus-Christ, notre Seigneur, qui vit et règne avec le Père et le Saint-Esprit
dans les siècles des siècles.
Note de M. Boudon : Il faut prendre garde à dire plus de cœur que de bouche cette oraison,
tâchant d’en bien concevoir le sens, et, l’ayant pris une bonne fois, en faire
une ferme résolution pour le reste de sa vie. C’est pourquoi il est à propos de la méditer auparavant
que de la réciter, et il faut prier Notre-Seigneur qu’il nous fasse la grâce de
nous bien pénétrer de cette vérité : que nous ne sommes au monde que
pour lui, que nous n’y avons autre chose à faire ; et ensuite, avec l’aide
de sa grâce, entrer très fortement dans le dessein de ne vivre plus que pour sa
gloire, portant cette disposition au fond de notre âme et par état, en sorte
que, lorsque nous réfléchirons sur nos actions, nous puissions voir que dans le
fond de notre cœur c’est Dieu que nous cherchons, et qu’au moins, si nous
faisons quelque chose de contraire, que ce ne soit pas par une entière
advertance, de telle manière que notre âme demeure toujours invariable quant à
son fond. Une âme pénétrée de la sorte renouvellera
facilement tous les matins ce qui est contenu en cette oraison, qui consiste au
renoncement de tout ce qui n’est pas Dieu, dans le regret de ses fautes et dans
le dessein à l’avenir de ne chercher que lui seul et ses divins intérêts, dans
une dépendance entière en qualité d’esclave de sa très sainte Mère. Un mot
ou deux suffiront aux âmes heureusement engagées dans le divin amour.
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