Icône de l'adoration des instruments de la Passion par les Anges |
De
la descente du Seigneur Jésus aux enfers, suite des Actes de Pilate
De caractère
apocalyptique, la descente de Jésus aux enfers est racontée par la plume de
deux fils jumeaux de Syméon. Elle comble la curiosité des chrétiens et
développe la sobre évocation de 1 Pierre 3, 18 s. Cette partie, composée à la
fin du IVe siècle, utilise une source du second siècle.
Nous avons
suivi pour la première partie, la recension grecque (A), plus ancienne. Pour la
seconde, Descente de Jésus aux enfers, l'une des deux recensions latines (B)
qui nous sont parvenues
17.1. Joseph
dit : « Pourquoi vous étonner de la
résurrection de Jésus ? Elle n'est pas étonnante. Étonnons-nous plutôt qu'il
n'ait pas ressuscité seul. Il a relevé un grand nombre de morts, que beaucoup
ont vu à Jérusalem. Vous ne les connaissez pas tous. Mais au moins
connaissez-vous Syméon qui reçut Jésus dans ses bras et ses deux fils par lui
ressuscités. Nous les avions ensevelis peu avant. Aujourd'hui on peut voir
leurs tombes ouvertes et vides. Eux-mêmes sont vivants et habitent Arimathie. »
Ils envoyèrent de leurs gens pour vérifier que les tombes étaient bien ouvertes
et vides. Joseph reprit « Allons à Arimathie ; nous les rencontrerons. »
2. Alors les
grands prêtres, Anne, Caïphe, Joseph, Nicodème, Gamaliel et les autres se
levèrent et se rendirent à Arimathie. Ils les trouvèrent, comme Joseph l'avait
dit. Après les prières et les embrassements, ils reprirent avec eux la route de
Jérusalem et les firent entrer dans la synagogue, dont ils fermèrent les portes
avec soin.
Puis les grands
prêtres leur mirent en mains l'Ancien Testament des Juifs et leur dirent :
« Nous aimerions qu'après avoir prêté serment par le Dieu d'Israël et d'Adonaï,
vous nous disiez la vérité : comment avez-vous ressuscité et qui vous a
ressuscités des morts ? » 3. A ces mots, les ressuscités se signèrent le front
et dirent aux grands prêtres : « Donnez-nous du papier, de l'encre et une
plume. » On leur apporta ces objets. Ils s'assirent et écrivirent ce qui suit.
Le Christ mort au sépulcre, par Ignacio Pinazo Camarlench |
18.1. « Seigneur Jésus-Christ, résurrection et vie
du monde, permets-nous de raconter ta résurrection et les merveilles que tu as
accomplies en enfer. Nous y étions avec tous ceux qui se sont endormis depuis
l'origine. A minuit, une lumière aussi vive que le soleil perça les
ténèbres. Nous fûmes illuminés, et nous pouvions nous voir les uns les autres.
Et aussitôt, les patriarches et les prophètes se joignirent à Abraham notre
père, et au comble de la joie, ils se disaient entre eux : « Cette lumière
provient de la grande lumière. » Le prophète Isaïe s'écria : « C'est la lumière
du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Je l'avais annoncée de mon vivant, par ces
mots : Terre de Zabulon, terre de Nephtali, le peuple assis dans les ténèbres a
vu une grande lumière.»
2. Puis un
homme se présenta sous l'aspect d'un ermite du désert, et les patriarches
l'interpellèrent : « Qui es tu ? » Il répondit : « Je suis Jean, le dernier des
prophètes, j'ai aplani les chemins du Fils de Dieu, et j'ai prêché le repentir
au peuple, pour la rémission de ses péchés. Et le Fils de Dieu est venu vers moi, et quand de loin je l'ai vu, j'ai
dit au peuple : Voici l'agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. Je l'ai
baptisé de ma main, dans l'eau du Jourdain, et j'ai vu l'Esprit saint, tel une
colombe, descendre sur lui. Et j'ai entendu la voix de Dieu notre Père qui
disait : Celui-ci est mon fils bien-aimé ; il a toute ma faveur.
« Et il m'a
envoyé aussi parmi vous, vous annoncer que le Fils unique de Dieu viendrait ici
afin que quiconque croit en lui soit sauvé et quiconque n'y croit pas,
condamné. Aussi vous le dis-je à tous, quand vous le verrez, adorez-le. Voici
les derniers jours où vous pouvez vous repentir et des cultes que vous avez
rendus aux idoles dans le vain monde d'en haut, et des péchés que vous avez
commis. Après, il sera trop tard. »
Et la Lumière brille dans les ténèbres |
19. Tandis que
Jean enseignait ainsi les foules de l'enfer, Adam le premier formé et le premier père, dit à son fils Seth : « Mon
fils, je veux que tu exposes aux premiers pères de l'humanité et aux prophètes,
le voyage que je t'ai fait entreprendre, lorsque je me couchais pour mourir. »
Et Seth parla : « Prophètes et patriarches, écoutez. Mon père Adam, le premier
formé, sentant venir sa fin, m'envoya tout près des portes du paradis ; je
devais prier Dieu de me conduire par la main d'un ange à l'arbre de la
miséricorde, et me laisser récolter de son huile pour en oindre mon père, et
lui rendre ainsi ses forces. J'y allais.
Quand j'eus
prié, l'ange du Seigneur parut et me dit : Que
demandes-tu, Seth ? Tu désires une huile qui guérit les malades et sauvera ton
père ? Crois-tu trouver l'arbre qui produise cette huile ? Non, tu n'obtiendras
rien aujourd'hui. Repars donc, et dis à ton père qu'il faut d'abord que cinq
mille cinq cents ans s'écoulent à compter de la création du monde. Alors, le
Fils unique de Dieu descendra sur terre, en se faisant homme, et il oindra ton
père de cette huile et le ressuscitera. Dans l'eau et l'Esprit Saint il le
lavera, lui et ses descendants. Alors il sera guéri de toute langueur. Mais
aujourd'hui, c'est impossible. » En entendant ces mots, patriarches et
prophètes frémirent d'allégresse.
20.1. Tandis
qu'ils se réjouissaient tous à la fois, Satan,
l'héritier des ténèbres, survint et dit à l’Hadès : « Toi le glouton et
l'éternel affamé, écoute-moi bien. Un Juif, nommé Jésus, se fait appeler fils
de Dieu. Ce n'est qu'un homme. Les Juifs l'ont crucifié, je les y ai bien aidés
! Maintenant qu'il est mort, prépare-lui ici de solides entraves. Ce n'est
qu'un homme, je sais, dont j'ai surpris cette plainte : Mon âme est triste
jusqu'à la mort. Mais il m'a causé beaucoup d'ennuis, au temps où il vivait
dans le monde parmi les mortels. Quand il rencontrait mes sujets, il les
chassait et les gens que j'avais faits bossus, aveugles, boiteux, lépreux, ou
que j'avais affligés d'autres maux, d'une seule parole ils les guérissait.
Beaucoup, qui par mes soins étaient prêts pour la tombe, d'une seule parole encore,
il les ressuscitait. »
2. L’Hadès
répondit : « Cet homme est capable de pareils exploits avec une seule
parole ? Tu ne pourras pas te mesurer à un tel adversaire. Personne, à mon
sens, ne lui tiendra tête. Il craint la mort, et tu dis avoir surpris cet aveu,
mais il a dit cela en plaisantant : il se moquait de toi. Il compte t'enlever
de sa main puissante. Malheur, malheur à toi dans tous les siècles ! »
Satan dit : « O enfer, gueule toujours
béante, tu as donc si peur lorsqu'on te parle de notre ennemi commun ? Moi, je
n'ai pas tremblé; j'ai excité les Juifs et ils l'ont crucifié ; ils l'ont
abreuvé de fiel et de vinaigre. Prépare-toi plutôt, lorsqu'il viendra, à le
maîtriser vigoureusement. »
3. L’Hadès
répondit : « Héritier des ténèbres, fils de perdition, ô Diable, tu viens de me
dire que d'une seule parole, il ressuscita un grand nombre de gens que grâce à
tes bons offices, il ne restait plus qu'à inhumer. S'il a libéré des hommes du tombeau, comment et par quelle vertu le
tiendrons-nous enfermé ? Naguère, j'ai englouti un mort du nom de Lazare, et
peu après un vivant, par une seule parole, l'a arraché à mes entrailles. Je
suppose que c'est celui dont tu me parles. Si nous le recevons ici, nous nous
exposons, je le crains, à quelques ennuis avec nos morts.
Tous ceux que
j'ai engloutis depuis le commencement, je les sens bien agités, et j'en ai le
ventre tout endolori. Ce Lazare, qui m'a été ravi le premier, ne me laisse rien
augurer de bon. Il s'est envolé de chez moi, non comme un cadavre, mais comme
un aigle, si impétueusement la terre le rejeta. Ainsi, je t'en conjure, dans
ton intérêt et dans le mien, ne me l'amène pas ici. Car je soupçonne qu'il ne
vient ici que pour sauver tous ces pécheurs que sont mes morts. Je te le
répète, par notre royaume de ténèbres, si tu le fais descendre, il ne restera
plus un seul trépassé en mon pouvoir. »
L'Anastasis. Le Christ dépossède la mort d'Adam et Eve et de tous leurs enfants |
21.1. Satan et l’Hadès
discutaient ainsi, quand une voix tonna
: « Élevez vos frontons, princes. Élevez-vous, portes éternelles, et le roi de
gloire entrera. » A ces mots, l’Hadès dit à Satan : « Va-t-en, si tu es
vaillant, et livre-lui bataille. » Satan sortit. Alors l’Hadès dit à ses démons : « Fermez bien les portes de bronze,
poussez les barres de fer, renforcez les verrous, exercez une surveillance sans
relâche. Car s'il descend chez nous, il deviendra notre maître. »
2. Nos
ancêtres, en entendant ces paroles, éclatèrent en invectives : « Glouton,
éternel affamé, disaient-ils, ouvre donc et laisse entrer le roi de gloire. »
David le prophète disait : « Ne sais-tu pas, aveugle, que lorsque je vivais sur
terre, j'ai lancé cette prophétie : Princes, élevez vos frontons » Isaïe à son
tour : « Et moi, averti par le Saint-Esprit, j'ai écrit : Les morts
ressusciteront, et ils se réveilleront, ceux qui dorment dans les tombeaux, et
ils exulteront, ceux qui vivent sur la terre. Et j'ai dit : Où est, mort, ton
aiguillon ? Où, enfer, ta victoire ? »
3. La voix à nouveau retentit : ouvrez vos
portes. En entendant cette parole pour la seconde fois, l’Hadès demanda, comme
s'il ne savait pas : « Quel est ce roi de gloire ? » Les messagers du
Maître lui dirent : « C'est le Seigneur le fort, le vaillant, le Seigneur
vaillant des combats ~. » A peine avaient-ils prononcé ces mots que les portes
de bronze se fracassèrent, et les barres de fer se rompirent et tous les morts
furent déliés des chaînes qui les retenaient, et nous avec eux. Et le roi de gloire entra, sous l'aspect
d'un homme, et les ténèbres de l'enfer devinrent éblouissantes.
22.1. Aussitôt l’Hadès
cria : « Nous sommes vaincus ! Malheur à
nous ! Mais qui es-tu donc, toi qui possèdes une telle puissance et un tel
empire ? Qui es-tu, toi qui es venu ici exempt de faute ? Toi qui parais
petit et réalises de grandes choses, toi qui es humble et sublime, esclave et
maître, soldat et roi, toi qui commandes aux morts et aux vivants ? Tu fus cloué en croix et déposé au tombeau,
et te voilà soudain libre et tu as anéanti notre royaume. Es-tu ce Jésus, dont
Satan, notre chef suprême, nous a parlé, nous disant que la croix et la mort te
feraient hériter le monde entier ?
2. Alors le roi
de gloire empoigna par le sommet de la tête le chef suprême, Satan, et le livra
aux anges, disant : « Mettez-lui des chaînes aux mains et aux pieds, au cou et
à la bouche. » Puis, le donnant à l’Hadès, il dit : « Prends-le et surveille-le
étroitement jusqu'à mon retour. »
23. L’Hadès
reçut Satan et lui dit : « Belzébuth, héritier du feu et du châtiment, ennemi
des saints, qu'est-ce qui t'a poussé à
faire crucifier le roi de gloire ? Il est descendu chez nous et nous a
dépouillés. Retourne-toi et vois il ne me reste plus de morts. Tous ceux que tu
avais gagnés par le bois de la connaissance, la croix te les a repris. Tes
délices se sont changées en douleur. En voulant tuer le roi de gloire, tu t'es
tué toi-même. Je t'ai reçu avec mission de bien te garder. Eh bien, tu sauras
d'expérience quels maux je suis capable d'infliger. O chef des diables, prince
de la mort, racine du péché, comble du mal ! Quel vice trouvais-tu en Jésus pour désirer sa perte ? Comment as tu
osé lui nuire ? Pourquoi as-tu cherché à faire choir dans les ténèbres un homme
qui t'a enlevé tous ceux qui depuis l'origine étaient morts ? »
24.1. L’Hadès
parlait encore à Satan quand le roi de
gloire étendit sa main, saisit Adam notre premier père, et le ressuscita.
Puis, se tournant vers les autres, il dit : « Venez avec moi, vous tous qui devez votre mort au bois que celui-ci a
touché. Car voici : je vous relève tous par le bois de la croix ! » Alors
il les fit tous sortir, et l'on vit notre premier père Adam rempli de joie : «
Je rends grâce à ta magnanimité, Seigneur, disait-il, car tu m'as fait remonter
du fond des enfers. » Et tous les prophètes et tous les saints disaient : «
Nous te rendons grâces, Seigneur, sauveur du monde, qui as tiré nos vies de la
corruption. »
Par ta mort, ô Christ, tu détruis la mort. Par ta résurrection, tu nous donnes ta vie ! |
2. Et tandis
qu'ils parlaient, le Seigneur bénit Adam
en marquant son front du signe de la croix. Il fit le même geste avec les
patriarches et les prophètes, les martyrs et les ancêtres, et d'un bond les fit
sortir de l'enfer. Et pendant qu'il marchait, les saints pères chantaient
derrière lui, et disaient : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Alléluia. A lui la louange de tous les
saints. »
25. Il se
rendit au paradis, tenant notre premier père Adam par la main, et il le confia
à l'archange Michel, ainsi que tous les justes. Quand ceux-ci eurent franchi la
porte du paradis, deux vieillards se présentèrent devant eux, et les saints
pères leur dirent : « Qui êtes-vous, vous qui n'avez pas connu la mort et
n'êtes pas descendus en enfer, mais qui, de corps et d'esprit, demeurez dans le
paradis ? » L'un d'eux répondit : « Je suis Enoch, qui a eu la faveur de Dieu,
et qui ai été transporté ici par ses soins. Lui, c'est Elie le thesbite. Nous
devons vivre jusqu'à la consommation des temps. Alors nous serons envoyés par
Dieu nous battre contre l'Antéchrist; il nous tuera ; après trois jours, nous
ressusciterons et une nuée nous enlèvera et nous déposera aux pieds de Dieu. »
26. Tandis qu'ils
parlaient, un troisième homme arriva, humble, les épaules chargées d'une croix.
Les saints pères lui dirent : « Et toi
qui ressembles à un larron, qui es-tu ? Et quelle est cette croix sur tes
épaules ? » Il répondit : « Comme vous le dites, j'étais un larron, et un
malfaiteur dans le monde. Pour cette raison, les Juifs m'arrêtèrent et me
condamnèrent à être crucifié en même temps que notre Seigneur Jésus-Christ.
Tandis qu'il était suspendu à sa croix, je vis des signes s'accomplir, et je
crus en lui. Et je lui parlai en ces termes : « Seigneur, lorsque tu régneras,
ne m'oublie pas. » Il me répondit aussitôt : « En vérité, en vérité, je te le
dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. » Je me rendis donc au
paradis, chargé de ma croix, et rencontrant l'archange Michel, je lui dis : «
Notre Seigneur Jésus le crucifié m'envoie ici. Conduis-moi donc aux portes de
l'Éden. »
Et quand son
épée de feu vit le signe de la croix, elle m'ouvrit et j'entrai. Puis,
l'archange me dit : « Attends un peu. Le premier père du genre humain, Adam
arrive avec les justes; ils vont entrer. » Et dès que je vous vis, je me
précipitai à votre rencontre. »
27. En entendant ce
récit, tous les saints s'écrièrent à pleine voix : « Grand est notre Seigneur
et grande est sa puissance. »
Gloire à l'Agneau immolé ! |
« Voilà tout ce
que nous avons vu et entendu, nous les deux frères jumeaux, envoyés par
l'archange Michel pour prêcher la résurrection du Seigneur, avant d'aller dans
le Jourdain recevoir le baptême. Nous y fûmes, et l'on nous donna le baptême en
même temps qu'aux autres ressuscités. Puis nous nous rendîmes à Jérusalem et
nous accomplîmes la pâque de la résurrection.
« Mais
maintenant nous ne pouvons plus rester ici, et nous nous en allons. Que l'amour
de Dieu le Père et la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, et la communion du
Saint-Esprit soient avec vous tous. » Quand ils eurent fini d'écrire et fermé
leur cahier, ils en donnèrent la moitié au grand-prêtre et l'autre à Joseph et
à Nicodème. Et aussitôt ils devinrent invisibles, pour la gloire de notre
Seigneur Jésus-Christ. Amen !
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