Saint Grégoire le Grand, par Goya |
Nous reprenons la bonne habitude des "1ers mardi du mois" et celui-ci n'est pas le moindre, car c'est celui du mois de septembre.
Ce mois est traditionnellement consacré au Prince des armées angéliques. Écoutons S. Grégoire le Grand et ses magnifiques enseignements sur les esprits bienheureux.
Extraits de l'Homélie 34
Elle fut prononcée
par le Pape S. Grégoire le Grand, dans la basilique des bienheureux Jean et
Paul, le 29 septembre 591, samedi des Quatre-Temps, qui tombait, cette
année-là, le jour de la Saint-Michel.
10. Puisque
nous avons donné quelques mots d’explication sur les noms des anges, il nous
reste maintenant à commenter brièvement les termes utilisés pour désigner leurs
fonctions.
Par les Vertus, on désigne les esprits par lesquels s’opèrent
le plus souvent les signes et les miracles.
Par les Puissances, on désigne ceux qui ont reçu, dans leur
ordre, plus de pouvoir que les autres pour soumettre les forces adverses à leur
autorité, limiter leur puissance et empêcher ainsi qu’elles ne tentent les
cœurs des hommes autant qu’elles le voudraient.
Par les Principautés, on désigne ceux qui commandent aux
autres bons esprits angéliques eux-mêmes, qui distribuent à ceux qui leur sont
soumis les ordres de tout ce qu’ils doivent faire, et qui les dirigent dans
l’accomplissement des missions divines.
Par les Dominations, on désigne les esprits qui dépassent de
loin la puissance des Principautés. Car avoir la principauté consiste à tenir
le premier rang dans un groupe, tandis que dominer, c’est également avoir
chacun des autres sous son autorité. On appelle donc Dominations les troupes
des anges qui, par leur puissance admirable, ont le pas sur les autres, du fait
que ceux-ci sont tenus de se soumettre à eux par l’obéissance.
Ange à l'orgue. Détail d'un vitrail de l'abbatiale Saint-Taurin, Evreux. |
Par les Trônes, on désigne les milices que préside toujours
le Dieu tout-puissant pour exercer la justice en étant assis devant elles.
Puisque le mot
grec «trône» signifie «siège»
en latin, on nomme Trônes de Dieu les esprits qui sont comblés par la grâce
divine avec une telle abondance que le Seigneur siège en eux et se sert d’eux
pour prononcer ses jugements. C’est pourquoi le psalmiste affirme : «Tu sièges sur un Trône, ô toi qui juges avec
équité.» (Ps 9,5).
Chérubin veut dire «plénitude
de la science». Les troupes plus élevées sont appelées Chérubins, car ce
sont des esprits d’autant plus parfaitement remplis de la science de Dieu
qu’ils contemplent sa gloire de plus près ; à leur mesure de créatures,
ils ont une connaissance de toutes choses d’autant plus complète qu’ils
s’approchent davantage de la vision de leur Créateur, en vertu de leur dignité.
On appelle enfin Séraphins les milices des saints esprits qui
brûlent d’un amour incomparable du fait de la proximité singulière où ils se
trouvent vis-à-vis de leur Créateur. Séraphin signifie en effet «ardent et brûlant». Ils sont à ce point
unis à Dieu qu’aucun autre esprit ne se place entre eux et lui. Ils sont donc
d’autant plus embrasés qu’ils le voient de plus près. La flamme dont ils
brûlent est assurément celle de l’amour, car leur amour est d’autant plus
ardent qu’ils contemplent la gloire de la divinité avec un regard plus
pénétrant.
11. Mais à quoi bon avoir dit
ces quelques mots au sujet des esprits angéliques, si nous ne prenons pas la
peine de les faire tourner à notre progrès par une réflexion adaptée ? La
cité céleste se compose en effet des anges et des hommes, et nous croyons qu’y
monteront autant de représentants du genre humain qu’il y est demeuré d’anges
élus, ainsi qu’il est écrit : «Il a fixé
les limites des peuples d’après le nombre des anges de Dieu.» (Dt 32,8). Il
nous faut donc tirer profit pour notre vie des distinctions qui existent entre
les habitants de la cité d’en haut, afin de nous enflammer nous-mêmes d’une
sainte ardeur à croître dans la vertu. Car s’il est vrai que le nombre des
hommes destinés à monter au Ciel est égal à celui des anges qui y sont
demeurés, ces mêmes hommes qui retournent à la patrie céleste se doivent
d’imiter en quelque chose les milices qu’ils rejoignent là-haut.
Les diverses
manières de vivre des hommes correspondent bien, en effet, à chacun des ordres
des milices célestes, et nous recevons une place dans leurs rangs d’après la
similitude de notre manière de vivre avec la leur.
Ange à la cornemuse. Détail d'un vitrail, abbatiale Saint-Taurin, Evreux. |
Il en est beaucoup qui ne comprennent que d’humbles vérités,
mais ne cessent de les annoncer à leurs frères avec bonté: de tels hommes
courent rejoindre la troupe des Anges. D’autres, fortifiés par les dons de la largesse divine, sont
capables de comprendre et d’annoncer les mystères célestes les plus élevés : où
les placer, sinon au nombre des Archanges ? D’autres encore réalisent des
choses admirables et opèrent des miracles d’une grande puissance : quel est le
rang et la place qui leur conviennent, sinon ceux des Vertus d’en haut ?
Certains obligent les esprits malins à fuir hors du corps des
possédés, et les chassent par la vertu de leur prière et de la puissance qui
leur a été donnée : avec qui obtiennent-ils de jouir du fruit de leurs mérites,
sinon avec les Puissances célestes ?
Il en est qui surpassent, par les vertus qu’ils ont reçues,
les mérites des autres élus; meilleurs que les bons eux-mêmes, ils exercent une
principauté jusque sur leurs frères élus : en quel groupe prennent-ils rang,
sinon parmi les Principautés ?
D’autres dominent si bien en eux tous les vices et tous les
désirs, que leur pureté leur donne droit à être appelés des dieux parmi les
hommes, comme le Seigneur l’a dit à Moïse : « Vois : je t’ai constitué le dieu de Pharaon » (Ex 7,1) : à laquelle
des milices courent-ils se joindre, sinon à celle des Dominations ?
D’autres encore mettent un soin vigilant à se dominer
eux-mêmes et une attention toujours en éveil à s’examiner : ne se départant
jamais de la crainte de Dieu, ils obtiennent en récompense de leurs vertus le
pouvoir de bien juger également les autres. Le Seigneur, tenant à la
disposition de leur esprit la contemplation de sa divinité, préside en eux
comme de son trône, et il examine par eux les actes d’autrui, réglant toutes
choses avec un ordre admirable du haut de son siège. Que sont donc de tels
hommes, sinon les Trônes de leur Créateur ? Et où les inscrire, sinon au nombre
des Sièges célestes ? Et puisque c’est par eux que la sainte Eglise est régie,
même les élus sont habituellement jugés par eux pour leurs actes de faiblesse.
Certains sont remplis d’un tel amour de Dieu et du prochain
qu’on les nomme à bon droit Chérubins. Si en effet, comme nous l’avons déjà
affirmé, Chérubin veut dire «plénitude de
science», et si, comme nous le savons par le témoignage de Paul, « la charité est la plénitude de la Loi »
(Rm 13,10), tous les hommes qui aiment Dieu et leur prochain avec une plénitude
dépassant celle des autres ont mérité d’être mis au nombre des Chérubins.
Anges musiciens. |
Il en est enfin qui sont enflammés par la contemplation des
choses d’en haut et aspirent de tout leur désir à leur Créateur ; ils ne
souhaitent plus rien en ce monde, ils se nourrissent du seul amour de
l’éternité, rejettent tous les biens terrestres, s’élèvent par l’esprit
au-dessus de tout ce qui passe ; ils aiment et ils brûlent, et ils
prennent leur repos dans cette brûlure même ; ils brûlent en aimant, ils
embrasent les autres en leur parlant, et font aussitôt brûler de l’amour de
Dieu ceux qu’ils touchent par leurs paroles. Que dire de tels hommes, sinon qu’ils sont des Séraphins ?
Leur cœur, changé en feu, éclaire et brûle, puisque tout en tournant les yeux
des âmes vers les lumières d’en haut, ils les purifient de la rouille de leurs
vices en les faisant pleurer de componction. Oui, ceux que l’amour de leur
Créateur enflamme à ce point ont bien reçu vocation à prendre place parmi les
Séraphins.
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