11 février 1858
Sainte Bernadette s'entretenant avec la Vierge Immaculée |
Aussitôt elle me regarda, me sourit et me fit signe d'avancer, comme si elle avait été ma mère. La peur m'avait passé, mais il me semblait que je ne savais plus où j'étais. Je me frottais les yeux, je les fermais, je les ouvrais, mais la Dame était toujours là, continuant à me sourire et me faisant comprendre que je ne me trompais pas. Sans me rendre compte de ce que je faisais, je pris mon chapelet dans ma poche et me mis à genoux. La Dame m'approuva par un signe de tête et amena elle-même dans ses doigts un chapelet qu'elle, tenait à son bras droit. Lorsque je voulus commencer le chapelet et porter ma main au front, mon bras demeura comme paralysé, et ce n'est qu'après que la Dame se fut signée que je pus faire comme elle.
Vitrail. Notre Dame de Lourdes. Cathédrale Saint-Corentin de Quimper |
La Dame me laissa prier toute seule ; elle faisait bien passer entre ses doigts les grains de son chapelet, mais elle ne parlait pas ; et ce n'est qu'à la fin de chaque dizaine qu'elle disait avec moi : Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto. Quand j'eus fini de réciter mon chapelet, la Dame me fit signe d'approcher. Mais je n'ai pas osé. Alors elle rentra à l'intérieur de la roche et le nuage disparut avec elle. La Dame avait l'air d'une jeune fille de seize à dix-sept ans, aux yeux bleus. Elle était vêtue d'une robe blanche, serrée à la ceinture par un ruban bleu glissant le long de la robe. Elle portait sur sa tête un voile blanc, laissant à peine apercevoir ses cheveux, retombant ensuite en arrière jusqu'au dessous de la taille. Ses pieds étaient nus, mais couverts par les derniers plis de la robe sauf à la pointe où brillait sur chacun d'eux une rose jaune, épanouie. Les grains de son chapelet étaient blancs et la chaîne d'or brillante comme les deux roses des pieds. Je n'en ai jamais vu de semblable, ça brillait comme de l'or et bien plus encore.
18 février 1858
"Voulez-vous avoir la bonté de venir ici pendant quinze jours ?" Bernadette est bouleversée. C'est la première fois qu'on lui dit "vous". Elle illustrera cette parole en disant : "Elle me regarde comme une personne regarde une autre personne". Bernadette répond : "Eh ! oui, Madame, je vous le promets... si mes parents le permettent." Et cette promesse de Bernadette lui vaut la promesse merveilleuse de Marie : "ce n'est pas nécessaire.", et elle ajoute : "Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde mais dans l'autre. Vouez-vous avoir la grâce de venir ici pendant quinze jours ?"
21 février 1858
La Dame, en me quittant un instant de son regard, le dirigea au loin par-dessus ma tête ; ensuite le reportant sur moi, qui lui avais demandé ce qui l'attristait, elle me dit : "Priez pour les pauvres pécheurs, pour le monde si agité." Je fus bien vite rassurée par l'expression de bonté et de sérénité que je pus revoir sur son visage, et aussitôt elle disparut.
25 février 1858
Pendant que j'étais en prière, la Dame m'a dit d'une manière amicale, mais en même temps sérieuse : "Allez boire à la fontaine et vous y laver." Comme je ne savais pas où était cette fontaine et que je croyais que cela n'y faisait rien, je me suis dirigée vers le Gave. La Dame m'a rappelée et m'a fait signe du doigt de me rendre sous la Grotte à gauche ; j'ai obéi, mais je ne voyais pas d'eau. Ne sachant où en prendre j'ai gratté la terre et il en est arrivé. Je l'ai laissée s'éclaircir un peu, puis j'ai bu et je me suis lavée.
25 mars 1858
Quand je fus devant elle, je lui ai demandé pardon d'arriver ainsi en retard. Toujours bonne pour moi, elle me fit signe de la tête que je n'avais pas besoin de m'excuser. Alors, je lui exprimai, comme je pus, toutes mes affections, tous mes respects et le bonheur que j'avais de la retrouver. Après l'avoir entretenue de tout ce qui me vint au cœur, je pris mon chapelet. Pendant que j'étais en prière, la pensée de lui demander son nom s'imposa à mon esprit avec une persistance qui me faisait oublier toutes les autres pensées ; je craignais de me rendre importune en réitérant une demande toujours demeurée sans réponse, et cependant quelque chose m'obligeait à parler. Enfin, d'un mouvement que je ne pus contenir, les paroles sortirent de mes lèvres et je priai la Dame : "Madame, voulez-vous avoir la bonté de me dire qui vous êtes ?"
Comme à mes précédentes questions la Dame inclina la tête, sourit, mais ne répondit pas. Je ne sais pourquoi, ce matin-là, je me sentis plus courageuse et je revins à lui demander la grâce de me faire connaître son nom. Elle renouvela son sourire et sa gracieuse salutation et continua de se taire. Alors une troisième fois, les mains jointes, et tout en me déclarant indigne de la faveur que je réclamais, je recommençai ma prière. La Dame se tenait debout au-dessus du rosier. A ma troisième demande, elle prit un air grave et parut s'humilier. Puis elle joignit les mains, les porta à son cœur et regarda le ciel. Enfin, les séparant lentement, comme dans la médaille miraculeuse, et se penchant vers moi, elle me dit, la voix très douce : "Que soy era Immaculada Councepciou"
Bernadette n'a pas compris ce que voulait dire cette expression :
"Immaculée Conception".
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